Et si on lançait un Grenelle de la citoyenneté ?

Même si ce n’est pas le moment idéal puisque, désormais, tout le monde a le regard tourné vers la seule échéance électorale susceptible de mobiliser encore les électrices et les électeurs « consommateurs », alléchés par les fastes de ce type de rendez-vous, il faudrait un grand débat national sur la citoyenneté. Il serait beaucoup plus utile que celui que tente de sauver, avec l’énergie des « liquidateurs » de la centrale nucléaire de Fukushima, les suiveurs du FN, nichés au sommet de l’UMP. Il est véritablement étonnant qu’après les résultats calamiteux des dernières élections en terme d’abstention, une véritable réflexion collective ne soit pas menée sur ce thème fondateur de la démocratie.
Les intellectuels brevetés bonne conscience, les commentateurs patentés, les faiseurs d’opinion dominante… semblent s’accommoder de la situation actuelle, qui leur conserve un véritable pouvoir d’influence sur des avaleurs de vérités toutes faites. Il n’y aura aucun mouvement collectif en faveur de cette priorité transversale à de nombreuses politiques et ce principe n’apparaît pas souvent dans les projets en gestation. Et pourtant, c’est le sujet clé de la suite du XXI° siècle, car partout, les démocraties sont en danger car prises en otages par le monde de l’économie libérale du profit. Paradoxalement, la France prétend imposer, par la force et par le verbe, à des pays en mutation, un système qui se délite chez elle.
Quelle « leçon » pouvons-nous donner à des peuples ayant vécu dans des pseudos régimes parlementaires ? Qu’allons-nous leur conseiller comme système qui leur garantira que les anciens « sujets » deviendront des « citoyens » ? Quelle constitution doivent-ils adopter pour que le régime présidentiel autocratique qu’ils ont subi ne se transforme pas très vite en régime présidentiel similaire au nôtre, dont on connaît les péripéties ? Quelle république devons nous vanter ? La IVème et ses enlisements parlementaires ? La Vème et son « présidentialisme monarchique » ? La VIème que certains réclament mais qui ne viendra jamais ? Qu’allons nous répondre s’ils nous questionnent sur les raisons pour lesquelles les électrices et les électeurs réputés lucides, libres et motivés ne sont pas venus voter ? Je crois qu’il nous manque véritablement un état des lieux de la citoyenneté de notre pays, car la France, pays volontiers donneur de leçons, n’a plus aucune crédibilité. Montée des extrêmes dont on sait fort bien comment ils peuvent exploiter la faiblesse passagère des Peuples, défaillance du pouvoir, traversé par des querelles de personnes sans intérêt pour l’intérêt général, fausse séparation des pouvoirs, donnant souvent des comportements pour le moins ambigüs : le palmarès français manque nettement de lustre !
Pour relancer la citoyenneté, il faut avoir le courage de convenir que, demain, toute la classe politique dominante peut se retrouver au chômage comme c’est le cas en… Islande, où une véritable révolution des méthodes et des comportements a été mise en œuvre dans la plus grande indifférence des « démocraties » sûres d’elles. Tiens, pourquoi le PS ne donnerait-il pas l’exemple en organisant un colloque sur la mutation islandaise et ne mettrait-il pas dans ses propositions, dans 48 heures, un volet de réforme de la République, plutôt que de se complaire dans les faux-semblants d’une démocratie interne obsolète ? Que dire des verts, qui viennent d’inventer le militantisme virtuel avec adhésion en ligne, vote en ligne et résultats en ligne, pour choisir forcément un candidat branché en ligne ? On en arrivera au vote par téléphone portable, style télé réalité, afin d’éliminer les moins valables selon des critères superficiels ? Il sera ensuite très difficile d’expliquer à une électrice ou un électeur qu’il doit quitter son domicile pour aller confirmer un choix qui n’aura pas été le sien. A-t-on l’assurance que ces votants ont suivi les débats d’idées, ont eu connaissance des arguments des uns et des autres, ont eu un autre son de cloche que celui que ressassent les médias ?
Le système associatif largement menacé par les restrictions budgétaires ou par la vision européenne de la « concurrence libre et non faussée », creuset fondateur de la participation des femmes et des hommes à leur quotidien, ne fonctionne plus avec autant d’efficacité. Les élus n’en sont plus issus, mais viennent de plus en plus du monde dit de la « gestion », au prétexte que la République a besoin de « gestionnaires » et surtout pas de « créateurs », « d’utopistes », de « salariés », de « socio-culutrels », de « bâtisseurs », « d’instituteurs » au sens premier du mot. En fait, on en est arrivé au stade du bouturage politique et même de la scissiparité politique. La citoyenneté est tout le contraire, car elle ne saurait être le fruit d’une génération spontanée, mais d’une culture permanente de l’autonomie, de la responsabilité et de la lucidité.
 Rétablir une véritable formation scolaire par une pédagogie différente de celle de la soumission (voir la Finlande),
 soutenir par des mesures concrètes l’économie sociale et solidaire (reconnaissance du statut de bénévole gestionnaire, soutien aux emplois dans ce secteur, garantie de pérennité par des contrats pluriannuels avec la puissance publique, relance de toutes les formes de coopération…)
 refondre complètement le statut de l’élu (obligation de comptes rendus de mandat, obligation de mise en place de structures de véritable concertation, réhabilitation des référendums à tous les niveaux, indemnisation fixée nationalement et soumise à un bilan annuel…),
 prendre en compte le vote blanc dans les résultats de toutes les consultations électorales,
 mettre en place la perte du droit de vote avec nécessité de se réinscrire, si il n’y a pas eu participation à 3 échéances électorales successives
 renforcer la décentralisation avec le droit d’innovation et d’expérimentation reconnu… et bien d’autres mesures concrètes.

Un grand débat devrait être lancé, mais personne n’en voudra, au prétexte que ce n’est pas le moment, que c’est inutile, que c’est utopique, et que ce n’est pas populaire. Enfin, on verra bien ce que font les Tunisiens, les Egyptiens, les Libyens ou ce qu’ont essayé de faire les Islandais. D’ici à ce qu’ils viennent nous donner la leçon…

Cet article a 5 commentaires

  1. Christian Coulais

    Sans oublier le droit de vote à toutes les élections, aux étrangers qui participent de par leurs impôts à la vie républicaine. Non, non Mme Le P., tous ne perçoivent pas que des allocations et autres minimas sociaux !

  2. Pado

    Bonjour;

    « prendre en compte le vote blanc dans les résultats de toutes les consultations électorales »:

    Comment faire? Quelle place donner à ce vote « blanc »?

    « refondre complètement le statut de l’élu »:

    Sans doute refondre complètement notre système soit-disant « démocratique »!!

    Une Révolution « citoyenne »??

    Cordialement

  3. J.J.

    Quelle place donner à ce vote « blanc ?

    Ce n’est pas difficile : je vote blanc car je ne veux ni de la Peste ni du Choléra.

    Le Choléra a peut-être gagné par rapport à la Peste, mais il n’a pas gagné contre ceux qui ne veulent pas de lui et qui l’on dit bien fort :
    copie à revoir, si vous ne changez pas de projet, on ne veut pas de vous.

    Evidemment ça peut amener une situation comme en Belgique….

  4. Bordes

    ok pour un grand débat sur la citoyenneté. Ce serait l’occasion de remettre sur la table des valeurs et actions fondmentales;mais traiter les électeurs potentiels de consommateurs alléchés par les fastes d’un rv électoral, c’est déjà fermer le débat citoyen.
    Ok pour que le vote blanc soit considéré
    .Combien de gens s’abstiennent justement parcequ’il n’est pas reconnu, et qu’ils refusent d’être obligés de choisir entre la peste et le choléra!ou tout simplement parce qu’ils ne s’y retrouvent pas. Mais soumettre l’abstention à une forme de sanction, c’est déjà, là aussi, fermer un débat citoyen avant qu’il ne soit ouvert!!

  5. Pado

    Bonjour;

    Je lis bien que « le vote blanc n’est pas reconnu »; mais cela ne donne pas de piste quant à savoir/imaginer comment le reconnaître: quelle « valeur » lui donner? Comment le prendre en compte? Comment le définir?

    Cordialement

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