Double langage, double jeu, double impact

En politique, quand tout va mal, il faut pratiquer le double langage et utiliser le principe du duo qui se partage une clientèle répartie sur un éventail assez large. Le système a maintes fois fait ses preuves, avec des annonces qui couvrent ainsi un spectre plus grand de son pan de sympathisants. L’essentiel, c’est de ne pas trop en faire dans la divergence et d’être complices pour draguer le plus largement possible. En France, depuis quelques semaines, une partition de ce genre se met en place, avec des couples apparemment opposés, alors qu’il suffit de gratter pour constater que si l’un allume le feu, l’autre s’évertue à l’éteindre, afin que les extrêmes se rassurent à tour de rôle. Sur l’immigration, le numéro commence à être dramatique, car il relève de la propagande continuelle maniée avec efficacité par l’UMP. Quand Copé lâche son idée de faux débat sur la laïcité… Fillon fait semblant de condamner, mais envoie ses ministres sur l’estrade. Publiquement? ils se chamaillent sur un sujet fondamental, dans les jours où tout a été monté pour éclipser ce qui est considéré comme une erreur. Il suffit de constater que le Ministre de l’Intérieur ajoute un commentaire scandaleux après, on le suppose, avoir reçu un « ordre » de l’Elysée, la veille de cette manifestation qui stigmatise une religion, alors qu’elles doivent toutes êtres exclues de la vie politique, comme la politique doit exclure toute réference à la religion. Cette histoire de « débat » sur l’islam et la laïcité nous le montre une fois de plus. Le mois dernier, alors qu’il était au plus bas dans les sondages, Nicolas Sarkozy sortit un nouveau lapin de son sac. Le président français annonça qu’il organiserait un grand « débat » sur l’islam. Comme il arrive souvent avec les annonces présidentielles, le bruit médiatique a finalement tenu lieu de débat et le ballon s’est vite dégonflé, mais Claude Guéant a réussi à le relancer…in extrémis, avec une déclaration rappelant d’autres temps et d’autres partis politiques. En marge d’un déplacement à Nantes, Claude Guéant a en effet déclaré à propos des musulmans et de la loi de 1905 : « C’est vrai que l’accroissement du nombre des fidèles de cette religion, un certain nombre de comportements, posent problème ». Une manière comme une autre de répondre en écho aux propos subtils du premier collaborateur du Chef de l’État Français qui, lui, avait occupé le créneau du scepticisme sur ce sujet… Ces échanges largement relayés par les médias n’ont pas résisté à l’épreuve du temps, puisqu’ils ne sont destinés qu’à récupérer sur l’extrême-droite, en essayant de ne pas perdre la droite modérée, convoitée par des centristes effarouchés avant de faire alliance à un moment ou un autre avec ceux qui leur ont fait peur ! Ainsi, lors de ce qui ne fut jamais un débat, mais une succession de monologues calibrés, on retrouvait ainsi des Ministres, réputés hostiles il y a quelques semaines, mais ramenés à la raison. On a même vu le Ministre de la privatisation de l’Ecole publique s’exprimer en oubliant les fondements même de son rôle républicain, qui consisterait à refuser tout lien entre l’Etat et le système éducatif religieux. Ce n’est même pas négociable ou envisageable : c’est le fondement même d’une éducation conforme aux principes constitutionnels. Il n’avait rien à dire si ce n’est des banalités, des anecdotes, des balivernes uniquement faites pour masquer l’essentiel, qui est la destruction méthodique de cette école respectueuse des valeurs essentielles de ses fondateurs. Tous les débats sont secondaires, car ils ne font que détourner l’attention sur l’essentiel. Luc Chatel, qui expédie des enseignants, sans aucune formation, face à des enfants du peuple ; Luc Chatel qui ordonne aux proviseurs d’aller chercher des « remplaçants » au pôle emploi, comme s’il s’agissait de recruter des « gardiens de troupeaux » ; Luc Chatel qui ne cesse de répéter que le nombre des élèves par classe dans les classes publiques n’a aucune incidence sur les résultats, alors qu’il laisse le libre choix à l’école privée d’ajuster ses effectifs ; Luc Chatel qui va tôt ou tard s’en prendre au monde rural, en tentant de supprimer les établissements non rentables, avec le soutien de la réforme des collectivités territoriales (fusion des syndicats intercommunaux des Regroupements pédagogiques…) : l’Etat doit être le garant de la vraie laïcité, celle qui n’écarte personne de l’éducation en raison de ses origines ethniques, en raison de sa précarité économique, en raison de ses options politiques, philosophiques et… religieuses. Ce serait un vrai débat que celui qui consisterait à rechercher les véritables causes du racisme et de la xénophobie, plutôt que d’énumérer des anathèmes dignes des époques lointaines où l’inquisition brûlait celles et ceux qui ne partageaient pas des dogmes aussi absurdes que tous les autres. N’y-a-t-il pas en France « trop de sectaires rassemblés dans de pseudos églises qui détruisent la conscience humaine ». Qui a proposé un débat sur les sectes qui rongent les coeurs les plus fragiles ? Qui a proposé un débat sur les extrémismes juifs, catholiques, scientologistes ou autres ?Pourquoi n’a-t-on pas évoqué durant ces derniers jours les propos tenus par le Chef de l’État Français dans le cadre de l’église de Latran ? Etait-ce une déclaration laïque que celle qui proclamait des allusions à une laïcité « épuisée » ou guettée par le « fanatisme ». Ne craignant pas de choquer, M. Sarkozy dit que l’intérêt de la République est de compter des populations qui « croient » et « espèrent » et qu’il n’est pas de bonne politique sans référence à une « transcendance ». Il n’a pas un mot pour l’islam, il confirme l’utilité de la commission État-Église catholique lancée, en 2002, par Lionel Jospin, et reprise par ses successeurs. Et, dans un hommage au clergé français pour les « sacrifices » endurés, sans précédent dans la bouche du président d’une République laïque, il arrachera bien des sourires sur le visage des cardinaux, évêques, prélats et prêtres venus l’écouter, en tentant cette comparaison entre la vocation sacerdotale et celle de chef de l’État : « On n’est pas prêtre à moitié. Croyez bien qu’on n’est pas non plus président à moitié. Je comprends les sacrifices que vous faites pour répondre à votre vocation parce que moi-même, je sais ceux que j’ai faits pour réaliser la mienne! » C’est lui aussi qui annonce froidement, en sachant fort bien que les mots ont un sens : « l’instituteur ne remplacera jamais le curé ou le pasteur ». Dommage qu’il ait oublié l’imam, et que Copé n’ait pas eu le temps de commenter cette phrase, qui rend tous les débats inutiles.

Cet article a 2 commentaires

  1. BUGARET Yvon

    Le double langage que tu décris est très inquiétant. Malgré une vive contestation dans le débat sur la laïcité voulu par Sarkozy, on sent très bien que tous leurs discours ne sont pas éloignés de ceux de Marine Le Pen. Ils essaient de nous monter les uns contre les autres en inquiétant et cultivant les politiques de la peur.
    Suite à une casse sans précédent de nos structures sociales, santé, éducation, justice, citoyenneté, il faut tout faire pour assurer un changement de cap en 2012. Le président est beaucoup plus près de la France d’en haut que de celle d’en bas. Le rejet profond d’une majorité des français de sa politique et de celle de son gouvernement doit nous unir pour ne plus voir cela.

  2. Suzette GREL

    Tout doit nous unir autour des valeurs qui sont malmenées ou détruites et nous conforter dans l’attitude digne de la victoire en 2012.

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