Vélo et région : le couple de demain


Voici l’intervention faite en tant que Président national du Club des villes et territoires cyclables aux rencontres de Caen, sur le thème du rôle des régions dans l’intermodalité (place du vélo dans la chaîne des déplacements) :

Les Régions jouent en effet un rôle majeur d’impulsion et de coordination des politiques de transport et de développement durable des territoires. Au Club des villes et territoires cyclables, nous considérons que ce rôle sera croissant. En effet, les questions de mobilité se posent – enfin ! – à la bonne échelle, tout au moins à une échelle pertinente, celle des bassins de vie. Le vélo – et même la marche, mode que nous prenons très au sérieux au Club – ne doit pas être confiné à la proximité, aux déplacements de courtes distances. Même si le vélo et la marche sont les plus pertinents pour les trajets de moins de 3 km pour la marche, de moins de 10 km pour le vélo, ils doivent être pris en compte dans des chaînages modaux, donc sur de grandes échelles territoriales et dans la planification, pour qu’ils puissent rendre efficacement leurs meilleurs services à la mobilité.
Utilisés seuls, le vélo, la marche, sont des modes efficaces pour accéder aux ressources du territoire. Ils ne privatisent pas l’espace comme le fait la voiture.
La vitesse n’est pas le meilleur critère de l’évaluation de l’efficacité des modes de transport. Pour des distances plus longues, combinés à d’autres modes de déplacements, la marche et le vélo sont des atouts précieux qui vont renforcer l’attractivité des autres modes, et notamment des transports publics.
La performance de ces chaînages modaux doit être étudiée dans toutes ses dimensions : environnementale, énergétique, sociale…
La question est : Aujourd’hui, mettre une grande dose de vélo ou de vélo à assistance électrique dans nos systèmes de transport : ça fait quoi ?
Quel objectif nous fixons-nous et comment le vélo – et plus largement les modes actifs – peuvent-ils nous permettre de l’atteindre au meilleur coût pour la collectivité ?
Et au meilleur coût pour les ménages qui, aujourd’hui et demain certainement davantage, consacrent une part importante de leur budget à la mobilité, surtout quand ils résident dans le périurbain.
En bref, comment se construit aujourd’hui une alternative crédible, efficace, en capacité de séduire le plus grand nombre en utilisant au mieux les ressources, en fléchant les investissements sur les solutions les plus justes socialement et les plus efficaces au plan environnemental ?
Comme le soulignait récemment Jean-Michel Bodin, vice-président de la Région Centre en charge des transports, à l’occasion des 7èmes Rencontres nationales du transport régional à Tours – et qui nous fait l’amitié d’intervenir aujourd’hui à Caen – nous devons nous demander comment « avancer sur le quotidien et ne rien faire qui soit obérant pour l’avenir ? ».
A quels besoins devons-nous répondre et avec quelles solutions ?
La décentralisation des TER est un succès. Mais, rançon du succès, nous savons que la fréquentation de certaines lignes ne cesse de croître, menaçant de saturation certains réseaux.
Les Régions, comme l’ensemble des collectivités, doivent aujourd’hui supporter des charges considérables, associées à des transferts de compétences non compensés financièrement par l’État. Elles subissent aussi les conséquences de mécanismes non contrôlés d’étalement urbain et ne peuvent offrir, même avec un effort considérable d’augmentation de l’offre TER, une solution à la mobilité des ménages en habitat diffus…
Aujourd’hui le TER n’assume que 10% des besoins de déplacement ! Il offrira une vraie alternative s’il est conçu dans une logique de porte à porte qui pourra convaincre les automobilistes. Le vélo est une solution privilégiée pour construire ce « porte à porte », solution chère au Président de la SNCF.
Le budget des TER représente en moyenne entre 15 et 20 % d’un budget régional ! Dans certaines régions, c’est bien au-delà de 20%.
Entre 2001 et 2009, l’offre TER sur l’ensemble du territoire a augmenté de 30% et la fréquentation de 45% ! Les régions pourront-elles continuer cette politique d’offre comme elles le souhaitent ? Avec quel financement public ?
La suppression de la taxe professionnelle a porté un coup très dur en termes de recettes et en termes de levier. Les régions dépendent désormais des dotations de l’État, sans garantie sur l’avenir de ces dotations, ni sur leurs montants. Nous évoquerons certainement le récent rapport Grignon et les propositions qu’il développe pour l’avenir du TER. Les solutions combinant vélo et TER constituent une vraie alternative à la voiture et sont gagnantes pour l’environnement, comme pour l’équité sociale. Mais si les coûts sont modestes au regard des grandes infrastructures routières ou ferroviaires, les réalisations de vélostations en gare doivent trouver aussi des financements. Le stationnement à vélo dans les gares ou les solutions de type location pour les derniers kilomètres requièrent des dispositifs robustes, bien pensés, bien situés. On ne laisse pas son vélo le matin dans un pôle d’échanges ou dans une petite gare de campagne si on n’est pas sûr de le retrouver entier le soir. Il faut du stationnement sécurisé… Il faut donc des financements.
A l’heure actuelle, la part d’accessibilité des gares à vélo est en moyenne de 3% en France, contre 30% aux Pays-Bas. On peut faire mieux, c’est certain !
Cette journée, je n’en doute pas, permettra de croiser les solutions, tant aux plans technique que financier.
Je suis convaincu que les Régions veulent résolument s’inscrire dans la modernité, et impulser des changements collectifs et individuels qui ne feront pas peser sur les générations futures les conséquences des choix et les comportements d’aujourd’hui.
Et qui offrent un vrai « droit au transport », celui – bien nommé – qui est inscrit dans la LOI de 1982.
Le transport est une compétence majeure des régions, mais elles mettent également en oeuvre des actions de nature à accroître l’usage de la bicyclette dans le cadre des déplacements des lycéens et des élèves des CFA, ainsi que de l’accès aux grands équipements de loisirs et aux parcs.
Plus de la moitié des régions a d’ores et déjà adopté des schémas cyclables régionaux, planifiant notamment le développement des véloroutes et voies vertes, réseaux d’infrastructures et d’itinéraires à forte valeur ajoutée touristique et économique.
Avec ces infrastructures et le succès qu’elles rencontrent auprès d’un large public, le vélo démontre qu’il est un outil au service du développement économique de nos territoires.
Dans les territoires ruraux ou diffus, le vélo devient la véritable ressource d’un projet touristique. Avec des fréquentations très importantes – des pointes de 7500 personnes par jour à Annecy, 5000 à Chambéry… et un rythme soutenu de réalisations dans beaucoup de régions.
Nous sommes entrés dans une vraie dynamique !
De plus, le développement du vélo loisir et du tourisme à vélo a un impact important sur la pratique utilitaire de la bicyclette. En effet, les usagers des voies vertes ont une pratique utilitaire quatre fois plus élevée que la moyenne nationale.
Notre Rencontre de ce jour va permettre de mesurer tout le potentiel du développement du vélo à travers les différentes compétences régionales. Il est considérable, en raison notamment de la transversalité de l’action régionale.
Bien que n’étant pas maître d’ouvrage ni gestionnaire de voirie, les possibilités d’actions et d’accompagnement des Régions sont multiples. En vertu de ses compétences en matière d’aménagement du territoire, de transports collectifs de voyageurs, d’éducation et compte tenu des actions qu’elle conduit dans le secteur du tourisme, la collectivité régionale doit jouer un rôle moteur. C’est le niveau pertinent pour effectuer les coordinations nécessaires, pour impulser des actions innovantes.
Le Club des villes et territoires cyclables, fort de vingt années d’expérience et d’un réseau de plus de mille collectivités, fédère les Conseils régionaux pour le développement de l’intermodalité et des solutions de mobilité et de développement durables des territoires intégrant le vélo.
Six Régions – Bourgogne, Basse-Normandie, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Ile-de-France, Rhône-Alpes et Nord-Pas-de-Calais – sont à ce jour adhérentes, et participent à ces échanges et aux travaux et actions de notre réseau national. La Région Centre va nous rejoindre dans quelques jours. Et Poitou-Charentes certainement très vite, à l’occasion du lancement d’un plan régional vélo ambitieux.
D’autres régions rejoindront notre réseau, nous l’espérons vivement, dès cette année.
Cette dynamique vélo de nos collectivités est à l’œuvre.

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