Plutôt des places en prison que dans les maternelles

En désespoir de cause, Nicolas Sarkozy tente de récupérer le maximum des propositions de la Gauche, surtout quand elles lui permettent d’effectuer des effets d’annonce à bon marché. L’aveu de faiblesse est manifeste, et ce ne sont pas les journées récentes de l’UMP qui peuvent lui avoir donné du grain à moudre, puisque le seul débat qu’il y ait eu a tourné autour de la taxation des parcs de loisirs, fréquentés par les familles ayant encore des marges de pouvoir d’achat. C’est vrai qu’il ne les pique pas toutes à ses adversaires, puisque quand François Hollande annonce qu’il remettra les 70 000 employés de l’éducation nationale en place, il se prélasse en déployant…. des places de prison ! Le chef de l’État a en effet annoncé la création de 30.000 places supplémentaires de prison d’ici 2017, ainsi que de 20 nouveaux centres éducatifs fermés pour les mineurs. Deux visions politiques qui mériteraient d’être mises en parallèle par les médias, même si rien n’assure qu’elles pourront être réellement mises en œuvre. Ces mesures figureront dans un projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines, « qui sera déposé dans les prochaines semaines », a déclaré l’ex-Minsitre de l’intérieur lors d’un discours prononcé dans un centre pénitentiaire nouvellement construit. C’est vrai que l’on arrive bientôt au même taux de remplissage dans les classes que celui qui existe dans les prisons. La réussite scolaire a donc beaucoup moins d’importance dans cette société ultra libérale. « Pour assurer une exécution normale des peines d’emprisonnement, la France a besoin de 80.000 places de détention », contre 60.000 actuellement, affirme-t-il en rappelant qu’il y a actuellement 65.000 détenus en France. Terrible discours que l’on aimerait ne pas avoir entendu, puisque l’une des premières promesses électorales du candidat UMP porte sur des places dans les prisons. Il a souhaité l’ouverture de « prisons dédiées aux condamnés pour courtes peines, ne présentant pas de dangerosité particulière », sur des sites tels que « des terrains militaires ou des bâtiments laissés vacants par le ministère de la Défense ». Ouf! on va enfin trouver une solution pour refiler les délaissés par l’armée. Nicolas Sarkozy a aussi annoncé l’ouverture de vingt nouveaux centres éducatifs fermés, venant s’ajouter aux quelque quarante créés depuis 2002. Aucune solution pour les effectifs des écoles maternelles, alors que l’on sait qu’une grande partie des délinquants de demain naissent quand ils se trouvent, dès leur plus jeune âge, en échec scolaire. Encore une fois l’UMP, obsédée par le récupération des mesures sécuritaires absurdes du Front national, prend le problème à l’envers ! Une catastrophe sociale s’annonce et eux se contentent d’en soigner les effets, sans se préoccuper, comme toujours, des causes. Et là, il revient vers la Gauche, en allant ressusciter l’une des idées les plus controversées de Ségolène Royal concernant le rôle de l’Armée dans la répression de la délinquance. Toujours pour les mineurs, il a souhaité que les auteurs de « délits moins graves » puissent accomplir un « service citoyen dans le cadre d’un établissement d’insertion de la défense », reprenant une mesure proposée par le député UMP Eric Ciotti dans un rapport remis en juin. Cette proposition n’est pas, en effet, sans rappeler la proposition de Ségolène Royal, controversée au sein du PS, d’un « encadrement militaire des délinquants ». Personne ne s’offusque du coût de cette promesse, en cette période où les euros devraient être investis dans l’école publique laîque et gratuite
En fait, il s’agit d’un cautère sur une jambe de bois, permettant d’oublier les ravages faits par la suppression du service national. Je vais peut-être surprendre beaucoup d’entre vous, mais je suis de ceux qui considèrent que la décision électoraliste et financière (surtout) visant à exempter d’engagement républicain la totalité d’une tranche d’âge, garçons et filles, pour le remplacer par une journée totalement inutile, est responsable de bien des difficultés actuelles. L’idée de supprimer le service militaire obligatoire (dit « service national ») est évidemment louable sur le plan de la liberté individuelle de ne pas pratiquer les armes. Encore faut-il savoir pourquoi on l’a supprimé.
On avait écrit pour Jacques Chirac dans « Le Monde » (30 mai 1996, p. 6):  » … je dois et je veux défendre l’idéal républicain auquel [le service national] se réfère, qui est un idéal d’égalité, un idéal de solidarité, un idéal de patriotisme. C’est pourquoi je souhaite que chaque jeune Français, dans l’année de sa majorité, vive une rencontre avec la nation. Ce rendez-vous citoyen ne doit pas souffrir d’exception. Il permettra d’établir un bilan général de la scolarité et du niveau scolaire des jeunes Français. […] Il dispensera une information civique sur le fonctionnement de notre démocratie et de nos institutions. » Oui, j’étais d’accord avec cette notion, à laquelle j’ajouterai l’éducation au vivre ensemble, à la solidarité, à la fraternité, par un mélange obligatoire des classes et des origines. Je reste persuadé que tout n’était pas mauvais dans cette proposition, sauf qu’elle a vite été caricaturée, dénaturée et oubliée faute de moyens des armées. Les guerres diverses sont passées avant tout le reste !
L’Observatoire international des prisons a jugé, pour sa part, que « la France n’a aucunement besoin d’accroître le parc carcéral pour mieux exécuter les peines et prévenir la récidive ». Dans un communiqué, l’OIP estime que « l’urgence est au développement des moyens pour l’exécution des courtes peines en milieu ouvert, et à l’amélioration de la qualité du suivi en vue d’une meilleure insertion et d’une réelle prévention de la récidive ». Encore une fois, on est face à une annonce sans aucun fondement autre que celui de flatter l’opinion dominante… en sombrant dans la démagogie, et en oubliant l’essentiel !

Cet article a 4 commentaires

  1. Christian Coulais

    Les infos radio ou télé nous apprennent que depuis l’élection du Chef de l’Etat Français, c’est la première fois qu’il se rend dans une prison ! C’est d’autant plus méritoire comme geste que celle-ci n’ouvre ses portes aux condamnés qu’en octobre. (Silence dans les rangs, pas de quolibets.) Et les journalistes m’informent que le bracelet électronique reviendrait beaucoup moins cher à la Nation…Et là je pense « à qui profite le crime ? »

  2. batistin

    La doxa, ensemble d’opinions de préjugés populaires, maintien le pays dans une médiocrité de pensée dont les esprits creux et malins font choux gras.
    Vous citez, monsieur Darmian, sur la page d’accueil de votre blog, Jean Claude Gillebaud: « L’opinion dominante … C’est une intoxication indolore ».
    Cela dépend pour qui !
    J’ai souvenir d’une meute de chiens de chasse à courre dont deux d’entre eux se battaient. Quand l’un se mit à saigner, toute la meute se jeta sur lui.
    Comme les partisans du chef suprême sur les enfants délinquants échappés du berceau. Maître de meute en lieu et place de maître à penser, voilà donc notre chef de tribu à la française.
    Pour autant, quand une pomme dans le panier est pourrie, et que toutes les autres ne tardent pas à suivre sur le chemin de la dessiccation, à qui devrons nous nous en prendre ?
    À la pomme en décomposition, à celles qui ne savent pas le danger qu’elles courent, ou à la main de la cueilleuse incapable d’entretenir son panier de fruits ?
    Notre cueilleuse nationale, notre « intelligentsia », elle est où ?
    Muselée, expatriée, disséminée ?
    Comment pourrons-nous nous opposer à la béatitude généralisée, qui croit encore à la toute puissance d’un grillage à poulets pour empêcher le déferlement des affamés ? Comment lutter contre la peur du renard entretenue et proposer l’idée même d’une capacité à se forger un avis ?
    Quand tout entretien dans infantilisation de nos droits et devoirs et qu’en plus ceux d’entre nous porteurs de lumière ont disparu.
    Nous avons été abandonnés par l’élite instruite et offerts en pâture à la meute hurlante et livrée à elle-même. Meute, échappée d’une chasse à courre dont le roi est absent puisque nous lui avons coupé la tête, dirigée par un chien dominant.
    Il ne nous reste encore que quelques braves maîtres chiens sur qui compter pour éviter que le massacre ne soit trop atroce.
    Les quelques morceaux de choix de nos carcasses sanguinolentes seront portés à la table des intellectuels, qui, une fois la curée terminée ne tarderons pas à revenir pour profiter du banquet. Si, d’une force insolente nous résistons pourtant, ces doux messieurs reviendront aussi, pour taper sur les chiens…
    Propos que vous teniez d’ailleurs déjà il y a quelques mois, monsieur Darmian, à propos du courage soudain des absents à la bataille.
    Et c’est bien là le souci qui m’étreint le coeur et l’esprit de plus en plus chaque jour. Faudra-t-il que, privé de notre intelligence, tel un enfant étouffé de colère qui perd ses moyens devant une injustice, nous en venions aux mains ?
    Un qui philosophe sur la politique extérieure et deux cents qui nous jouent le clown triste, abandonné par la troupe du grand cirque, sur le trottoir devant la porte des médias nationaux. La voilà notre intelligentsia !
    Mais qu’attendent-ils donc pour forcer la porte et prendre l’escalier ?
    Que nous mettions le feu au trottoir ?
    Ou comment, en partant de trois pommes on finit par des châtaignes qui se perdent.
    Qui de la pomme pourrie ou de la cueilleuse négligée entretien le mieux le bruit feutré des fusils que l’on graisse ?

  3. J.J.

    «  »Centre éducatif fermé pour mineurs «  »
    Ah ! qu’en termes galants ces choses là sont dites !

    Disons qu’il s’agit d’une périphrase pour traduire « maison de correction », institution dont le fiasco fut si évident (et les le ravages si considérables) que ces centres furent abolis.
    « Mais comme disait le duc d’Elbeuf,
    Ct’avec du vieux qu’on fait du neuf (Jacques Brel, les Dames Patronnesses)

    Quant au service militaire (en temps de paix), certes ce n’était pas l’idéal, mais il permettait un brassage de population, permettant aux appelés de connaître la vie en communauté et autre chose que leur petit monde professionnel( quant ils en ont un…) et voir plus loin que le clocher de leur village.

    Je n’ai pas oublié les moments pénibles que parfois la hiérarchie nous offrait, mais je n’ai pas oublié surtout les copains qui m’ont fait découvrir leur pays, leur métier et auxquels j’espère j’ai également apporté quelque chose.

    Bien sûr, nous n’aurions pas passé ces moments le PM en sautoir, que ça aurait certainement été plus agréable….

  4. batistin

    À J.J
    Je vous suis sur votre propos, de la maison de correction au service militaire efficace pour offrir à beaucoup une autre vue du monde.
    Par contre, avec le nombre d’armes qui passent aujourd’hui dans les mains de jeunes adolescents , le maniement du PM tiendrai de la visite au musée.
    Ce qui n’enlève rien à l’efficacité du PM et à l’intérêt d’en apprendre plus précisément la dangerosité.

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