Résignés…indignés…révoltés…

Il y a une semaine, les grands médias d’information dévoilaient le résultat sans grand suspens des « primaires citoyennes » organisées par les militants socialistes. Le résultat ne laissait guère de place au doute quand on analyse les résultats de la palanquée de sondages en tous genres parus ce week-end. En fait, même si souvent ces enquêtes d’opinion paraissent d’une précision douteuse et orientées, il serait absurde de ne pas reconnaître que, plus qu’une prévision de résultat, ils donnent une tendance. C’est ainsi que l’on peut apprendre dans celui que publie le « Journal du Dimanche » les raisons essentielles du succès relatif de Montebourg au premier tour. En fait, il a simplement rassemblé, en plus des « militants » qui le suivent plus ou moins fidèlement depuis des années, des électrices et des électeurs plus « révoltés » que les autres. La crise de la dette, qui secoue la zone euro, mine profondément les Français, et surtout ces classes dites moyennes, ou celles qui sont déclassées par les problèmes d’emploi, de remboursements bancaires ou d’incapacité à maintenir leur niveau de vie passé ou espéré. Ils ont jugé que le député-Président du Conseil général de la Haute Saône avait un profil de « porte-parole » idéal !
Il s’agit, pour 79% de ces Français, de la crise «la plus grave» de ces dernières années, ce qui traduit inévitablement un besoin de trouver un exutoire puisque leur angoisse et surtout leurs « moyens matériels » ne leur permettent pas de devenir « révolutionnaires » via les moyens d’action standards. Arnaud Montebourg leur a permis de s’indigner par procuration. Face à la situation économique et sociale actuelle de la France, 53% des sondés se disent en effet «révoltés», tandis que 29% sont « résignés ». Ce sont ces derniers qui feront en fait le résultat de l’élection présidentielle, car les premiers se déplaceront pour voter contre le responsable de cette situation, puisqu’un autre sondage explique la participation record aux « primaires ».
Cette opportunité d’expression a été en effet saisie par des gens n’ayant pas d’autres moyens de démontrer leur opposition à la politique ultra libérale sarkozyste et plus généralement européenne ! Ils ne peuvent plus faire grève, ils n’ont pas forcément envie d’aller défiler, ils en ont assez de signer des pétitions, et ils ont voulu montrer qu’ils avaient l’intention de se mobiliser autrement.
Que se soit en matière de lutte contre les déficits publics ou de soutien à la croissance économique, le jugement des Français est sans appel: ils sont respectivement 75% et 74% à penser que l’action du Président a été « pas du tout efficace », ou «pas vraiment efficace ». Même désaveu sur sa gestion de l’euro (58%) et de la crise grecque (57%). La sanction a quelque chose de logique, sinon d’attendue. Y compris pour les plus proches collaborateurs de Sarkozy. Cela fait en effet des semaines que son entourage s’inquiète d’un déficit de pédagogie sur cette crise… mais ne peut pas le dire, car on ne tire pas sur une ambulance ! Les votants de la semaine dernière appartiennent, selon moi, à ces gens qui ont perdu toute confiance dans l’agité de l’Élysée qui parcourt la France pour vendre des annonces sans lendemain, puisque démenties à l’échelle européenne ou mondiale quelques heures plus tard. A force de truquer, de dissimuler, de refuser, par préoccupation politicienne, de reconnaître ses échecs patents, il enfonce la France dans les pires sables mouvants : ceux de l’angoisse collective. Nicolas Sarkozy ressemble de plus en plus à ces bateleurs de foire qui vendaient, avec du baratin, des fioles du même élixir, en changeant simplement la maladie à soigner ! Et d’ailleurs, malgré le récent show débile et tellement démesuré de la droite sur « l’irresponsabilité démagogique» des socialistes, ils sont, selon le sondage de Libération, 48% à faire plutôt confiance à François Hollande (contre 33% à Nicolas Sarkozy) pour améliorer la situation financière du pays. Manifestement, les Français se contrefichent de l’activisme du chef de l’État pour sortir l’Europe de la crise… et ils le lui ont signifié en envoyant leur message aux primaires de la semaine dernière. Bizarrement, le fait que Hollande n’ait aucune expérience ministérielle l’a dédouané du reproche formulé à toute la classe politique ayant participé à des gouvernements, d’être partiellement responsable de la situation actuelle. Ils veulent du « neuf »… ou au moins d’ « une occasion de première main » car ils ont perdu leurs illusions dans toutes celles qui, selon eux, à un degré ou un autre les ont « trompés ».
Les Français sont, en effet, très pessimistes. Seuls 4% d’entre eux croient à une sortie de crise dans les six prochains mois. Près de la majorité (46%), en revanche, n’attendent pas d’amélioration avant 2014 (je ne cesse de répéter partout que l’effondrement sera pour 2013 car on va encore tenter de replâtrer un système qui fuit de toutes parts avec des rustines produites par la planche à billets) ce qui laissera peu de marge pour le « rêve » proposé par François Hollande !
Il faudra pourtant convaincre les plus ou moins « résignés » qu’il existe une autre politique possible que celle de la lente descente aux enfers sociaux programmée par les « spécialistes » du sauvetage du monde des profits. En effet, interrogés sur les causes de la crise, 52% des Français placent en tête le rôle des marchés financiers dont seul Montebourg a concrètement parlé. Loin derrière, il rendent responsables, dans l’ordre, le gouvernement (26%), les banques (15%), l’Union européenne (10%). les Français dans leur ensemble (6%), les pays émergents (5%) et les entreprises (1%) sont également jugées partiellement responsables de la crise actuelle. D’ailleurs, Nicolas Sarkozy a commencé sa reconversion avec l’argument selon lequel une taxe sur les transactions financières ne pourrait être instaurée que si « le monde entier s’en dote ». Il a donc souhaité qu’un groupe de pays leaders adoptent une telle mesure sans attendre. « La question c’est : qui osera dire que la légitimité d’une taxation sur les transactions financière est contestable ? » a-t-il déclaré. « Mon espérance, c’est qu’il existe une opinion publique internationale qui portera la colère et la révolte contre des discours de cette nature (sic). » Si c’est lui qui le dit : indignés, révoltés, unissez vous pour le virer !

Cet article a 3 commentaires

  1. batistin

    L’indigné révolté ne serait-il pas un révolutionnaire indigne ?
    Un livre et des manifestations populaires raisonnées valent-elles en efficacité une tête coupée et tenue sanguinolente au bout d’une fourche ?

    Le confort relatif de nos soirées électrifiées ne pousse pas notre indignation jusqu’à affronter le froid qui vient. Il faut être berger afghan pour oser mettre en péril ses convictions quand la neige arrive.

    Le confort, la paix, l’amour de nos familles, comment avoir la force de mettre tout cela en péril ? Au risque de se retrouver pas mieux loti qu’un libyen faisant cuire sa maigre pitance sur un feu de décombres.
    Feu allumé au pied de l’immeuble où son appartement détruit offre aux télévisions internationales la vision indécente de son intimité violée.
    L’indignation et le rassemblement pacifistes sont plus confortables qu’une attaque physique et frontale. Et nos chefs le savent.
    Ils savent notre fausse colère qui prend fin si vite quand, chaque soir, repus de mauvaise graisse et la digestion lourde, notre esprit s’embrume et plonge doucement vers le renoncement.
    Chaque soir l’indigné amer s’endort pourtant,
    quand le révolutionnaire prend son tour de garde.
    Chaque matin après le petit déjeuner l’indigné retourne aux usines, celles qui restent encore debout, quand la révolution cri famine depuis l’aube.
    A midi à la cantine l’on discute et fait les comptes des minutes de rentabilité perdues à fumer sa cigarette, quand au front on offre la dernière au blessé de guerre.
    Vers seize heures on pense au programme télé de la soirée quand, en pleine bataille un jeune homme a la tête arrachée par un obus qui vient finir sa course dans les bras levés au ciel de sa douce promise.
    A dix sept on fait le pied de grue devant l’école communale, pour y voir surgir dans de joyeux cris un ribambelle d’enfants insouciants et heureux de leur nouvelle passion, le dernier jeu vidéo à la mode de destruction massive.
    A dix huit le révolutionnaire voit la nuit venir, le ventre vide depuis trois jours maintenant, et se décide enfin à reprendre des forces en mangeant des racines et le cadavre cru d’un chien de salon.
    A dix neuf le supermarché ferme ses portes quand l’immeuble de la télévision explose.
    A vingt heures monsieur le directeur de TF1 en personne descend dans la rue se plaindre du bruit qui l’empêche de téléphoner à ses actionnaires.
    Et là, moi qui vous raconte cette histoire, je n’attendais que ce moment pour lui foutre mon poing dans la gueule.
    Mais il est vrai qu’il y a a longtemps que je dors, et les rêves sont mon quotidien.
    Je suis un indigné…
    Je ne suis qu’un indigné.

  2. Nadine Stalker

    Le problème, c’est que Hollande ne nous prépare pas quelque chose de bien différent. Drôle de programme, où il veut à la fois rembourser la dette ET relancer la croissance, assainir les dépenses de l’Etat ET embaucher des milliers de fonctionnaires…
    Choisi ton camp, camarade…

  3. Garnier

    Effectivement Arnaud Montebourg a été le plus clair. J’espère seulement que François Hollande va intègrer dans sa campagne la fermeté du pays contre la dictature financière. Ne pas le faire va détourner les électeurs soit vers Mélenchon soit vers Le Pen. Il ne faut pas oublié que les voix de Montebourg ne sont pas acquises au PS. Une grande partie d’entre elles se reportera sur Mélenchon. Un discours qui ne bouscule pas les lignes risque de nous faire revivre un second 2002. Je serais révolté et pour ne pas me trouver dans cette situation je ferais tout ce que je pourrais pour convaincre le « staff » Hollande de prendre en compte l’avis des indignés.

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