Tobin or not Tobin : c'est pas le sujet !

Comment orienter les commentaires des « je sais-tout » du système médiatique ? La cellule de l’Élysée a prévu, pour chaque semaine, un plan extrêmement précis, avec des techniques parfaitement maîtrisées, ce qui permet au « candidat-président » de se transformer en prestidigitateur. La méthode hebdomadaire reste identique : provoquer la polémique et tenter de tenir le plus longtemps possible en lâchant trois ou quatre « perroquets » dont le seul talent est de mémoriser des phrases types. Il va être extrêmement dur pour tous ses adversaires de résister à cette occupation de l’espace médiatique télévisé car, justement, l’audimat ne se nourrit que d’effets d’annonce. C’est là le seul mérite politique réel de Nicolas Sarkozy, présenté à tort, très souvent, comme une « bête de campagne électorale ». Il fait illusion par sa seule habileté à courir en zigzags sous les tirs adverses, en se moquant pas mal de ses errements, de ses reniements et plus encore des conséquences de ses échecs. En fait, il faut une polémique nouvelle toutes les 48 heures, durée moyenne de vie d’une info bidonnée. On sait que les adversaires socialistes ont besoin de ce laps de temps pour se mettre d’accord sur la réplique… et s’ils réagissent dans les 24 heures, le lendemain il leur faut se frayer un chemin entre Le Pen, Bayrou, Mélenchon, de Villepin… qui ne peuvent que critiquer, mais dans une cacophonie concurrentielle indigeste.
Dès le début de l’année, il lance sciemment la fausse piste de la TVA sociale, en sachant fort bien que ce serait suicidaire électoralement, et que Bercy n’en veut pas… Il s’en moque, car ce qu’il faut c’est que l’opinion publique sache qu’il l’écoute, que ses buses de ministres font n’importe quoi, mais que lui renonce, malgré un contexte de conflit mondial, à cette mesure… Il ne fera donc pas ce que ses sbires ont cru qu’il ferait et que la cellule de l’Élysée leur avait demandé de colporter devant les micros matinaux de celles et ceux qui font l’opinion dominante. Au passage, il glane une touche de démocrate qui écoute l’angoisse du peuple, et surtout il empêche ses adversaires de déployer leurs propres arguments. Plus personne ne pourra, dans son programme, mettre en avant cette TVA sociale qu’il n’appellera plus « sociale » le 18 janvier, mais qu’il liera à l’emploi !
Quand la polémique s’essouffle il la relance avec la taxe Tobin mais pour se donner une touche de contempteur du système financier. Aucun scrupule. Aucune retenue. Aucune modération. Il s’en contre fout. Il a déjà obtenu d’être attaqué par les patrons, les spéculateurs, les Allemands,avant même de balancer une vieille lune. Il sait qu’il ne pourra pas le faire et il va, durant une semaine, se présenter en chevalier blanc dont l’oriflamme serait frappé des armes Tobin… Quelle supercherie ! Et bien évidemment, tout ce que la France compte comme analystes politiques va encore foncer dans le piège avec délectation. Il y aura du papier à noircir, des entretiens radiophoniques à réaliser et des infographies à créer pour des JT, ravis de l’aubaine. Après Jeanne d’Arc (48 heures bénies) il sait que cette semaine, c’est le divorce de Merkozy qui va faire la une.
En attendant, dimanche soir, il se voit décerner un brevet d’anticapitaliste primaire par… Laurence Parisot. Imaginez un peu, le Medef qui lui décerne le brevet inespéré de fossoyeur des profits ! Si elle n’était pas européenne, cette taxe « affaiblirait l’économie française » et serait « inappropriée », a affirmé l’association Paris Europlace, qui représente l’ensemble des acteurs de la finance française. La présidente du Medef Laurence Parisot a abondé dans le même sens, estimant sur RFI/TV5Monde/Le Monde que la mise en place de cette taxe serait un « mauvais coup » porté au financement de l’économie française et que cela aboutirait à « une délocalisation massive » des transactions. « Nous serions tous perdants », a insisté la responsable de la principale organisation patronale française. C’est joué et bien joué… car la gauche ne peut pas le suivre sur ce terrain, car elle le sanctifierait dans le rôle de superman de la lutte contre le capitalisme débridé.
La seconde étape le verra aller à Berlin pour ce que les exégètes matinaux présenteront comme un bras de fer. Un brin de résurrection de l’anti-germanisme primaire latent dans les populations les plus âgées fera du bien à ces nationalistes invétérés. Il renoncera à sa taxe, en accusant les autres de le priver de son destin international. Seul contre tous, héros de la guerre contre la spéculation qu’il n’a cessé d’encourager (mais c’est un détail !), il va s’indigner de la frilosité des tenants du grand capital sans, bien évidemment, utiliser les mots qui vont avec. L’UMP fera une loi aussi inapplicable que toutes les autres, mais mobilisera l’opinion qui ne sait pas que les décrets paraîtront ou ne paraîtront jamais, selon le résultat des… présidentielles !
Berlin a ainsi sèchement rappelé que sa position était « inchangée. « Le but est d’aboutir à l’instauration d’une taxe sur les transactions financières dans l’Union européenne », a déclaré le porte-parole du gouvernement allemand, Steffen Seibert. La Commission européenne a elle-même rappelé la nécessité d’une « approche cohérente » entre les pays européens en vue d’obtenir des « résultats efficaces », tandis que le chef du gouvernement italien, Mario Monti, a jugé « nécessaire que les différents pays européens n’aillent pas en solitaires dans l’application » de cette taxe. Le Premier ministre britannique David Cameron est allé encore plus loin, réaffirmant son opposition à toute taxe… à moins qu’elle ne soit décidée au niveau mondial. Fermez le ban ! On travaille déjà sur d’autre sujets pour la semaine prochaine, avec l’espoir qu’il y aura un beau fait divers pour souffler un peu !

Cet article a 5 commentaires

  1. Michel d'Auvergne

    Dans le civil, Naboléon serait un avocat diabolique, avec la machinerie élyséenne derrière lui, il va proprement berner des millions d’électrices et d’électeurs, la Gauche a-t-elle compris qu’il fallait démasquer un mythomane et non jouter avec un adversaire politique ?
    Car combattre un adversaire qui n’existe pas… C’est chevaucher Rossinante !
    Chalut des volcans.
    PS: bonne année à tous !

  2. Michel d'Auvergne

    C’est facile pour moi de laisser un commentaire à l’emporte-pièce au bas de tes chroniques en oubliant de te remercier, Jean-Marie, pour les informations que tu nous apportes dans ces dernières, avoir un avis c’est bien, quand il est étayé, c’est mieux !

  3. batistin

    La majorité des journaux papiers, entre autres médias, étant entre les mains de copains de cantine du président de la république de France,
    je ne vois pas bien qui pourrait bien se plaindre des effets d’annonces ?
    Ceci étant dit, chaque fausse nouvelle semble donc être un calcul politique, une stratégie prédatrice de toute tentative d’éclaircissement et de comparaison des différents programme des candidats.
    Je me pose tout à coup une question, est-ce possible encore de croire que certains de mes contemporains n’ont pas, comme nous semblons l’avoir ici, conscience de ce grand guignol ?
    Est-ce encore possible d’entendre tant et tant de couillonnades, pour rester léger, et de ne pas se rendre compte du mensonge engagé ?
    Me refusant à prendre mes semblables pour des idiots, je ne peux pourtant pas faire autrement que de les voir occupés seulement de leur confort personnel.
    Ce qui explique alors fort bien que tous les discours finissent par tomber dans l’oreille de celui qui attendait son tour.
    Que l’on parle enfin de lui, de sa vie, de ses soucis, de ses impôts, de la forme particulière attribuée à sa profession, etc.
    L’attaque sans foi ni loi du président de la république de France , candidat à sa succession, avouée ou non, je ne sais même plus, n’est au fond rien de plus qu’une saillie dans le champ libre que nous lui laissons.
    Il n’a pas en face de lui une armée de citoyens faisant front dans l’espérance d’un intérêt commun, non.
    Il n’a qu’une série de petits bataillons, soucieux de leur soupe, qu’il suffit de contenter un par un pour s’en débarrasser, ou mieux encore, s’en faire de nouveaux amis.
    Le résultat d’une politique ultra libérale est acquis.
    Nous ne sommes plus que des individus, et non une Nation.
    Et la campagne électorale se borne alors à offrir des verroteries à chaque tribu, les candidats de tous bords n’ayant à la bouche que des solutions pour soigner le mal immédiat, et soumettre à l’esclavage la tribu voisine.
    Quand il nous faudrait commencer par réinventer notre mode d’échange des richesses entre tous les citoyens.
    Citoyens du Monde aussi d’ailleurs.
    Et peut-être bien que nous devrions commencer par nous occuper d’abord de la « gestion » du monde, puisque de toutes les façons l’argent des financiers n’en a rien à foutre des frontières nationales .
    Ni de notre identité nationale, sauf pour fabriquer des yaourts plus faciles à avaler avec leurs goûts calibrés traditionnels.
    La colère monte, plus l’échéance approche, celle d’une élection en qui chacun met ses espoirs, alors que la partie se joue toujours en bourse.

  4. Nadine Bompart

    Très bon article!!! Je le dis presque à chaque fois, mais c’est vrai!!!
    Un seul bémol: » il leur faut se frayer un chemin entre Le Pen, Bayrou, Mélenchon, de Villepin… qui ne peuvent que critiquer, mais dans une cacophonie concurrentielle indigeste. »
    Hollande aussi fait parti de cette « cacophonie concurrentielle indigeste », ne vous en déplaise… En effet, que dit-il de plus que « les autres » que vous citez ? Rien! Il ne parle même pas du fond des problèmes, pour une bonne raison, il n’a pas l’intention de s’y attaquer !!!
    J’attends avec impatience la « révélation » de son programme, pour voir à quel point il ose! À mon avis, je vais être déçue… Et j’espère vous aussi!

  5. bonjour,
    nous assistons à la construction du village Potemkine par l’équipe com’ de Toopty 1er.

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