Nous entrons très lentement en zone 30

45658831_p-8c218Le 6 février 1934, plusieurs manifestations ont lieu simultanément à Paris. Les ligues d’extrême-droite, qui jouent un rôle très important dans l’entre-deux-guerres, notamment lorsque la gauche est au pouvoir, ce qui est le cas depuis les élections législatives de 1932, forment plusieurs cortèges… La crise est là ! Le phénomène se renouvellera chaque fois que l’on est dans la même situation…Battue sur le plan politique, la droite exploite alors le fond réactionnaire d’une France ancrée dans des certitudes passéistes. La stratégie est la même : toute transformation sociale est affectée d’une vision moraliste, de telle manière qu’elle mobilise les tenants silencieux des privilèges. Les fameuses « Ligues » des années 30 ont trouvé de manière plus ou moins voilée (excusez-moi pour ce terme!) des repreneurs !
En effet, parmi les principales ligues présentes le 6 février 1934, la plus ancienne on trouvait être l’Action française. Fondée en 1898/1899 par un trio Maurice Pujo, Henri Vaugeois et surtout Charles Maurras, elle s’était donné pour mission fondatrice de renverser la République afin de revenir à la Monarchie, c’est à dire à une époque où la morale était respectueuse de la religion (relire Tartuffe!). Il est certain que dans les manifestations actuelles contre le « mariage pour tous », devenues des alibis à l’éructation de slogans proprement hostiles à la représentation parlementaire majoritaire, le pouvoir de Droit divin a ses partisans ! L’ordre moral constitue la base de ces rassemblements véritablement politiciens, exploitant des appréciations totalement différentes de la loi. Homophobes, intégristes religieux, illuminé(e)s en tous genres, exploiteurs de tous poils, se retrouvent unis dans une seule haine : celle de la gauche !
En 1934 la contestation violente s’appuie sur les « Camelots du Roi » qui, malgré des effectifs assez limités, sont très actifs dans la rue. On retrouve aussi les « Jeunesses patriotes », qui revendiquent 90 000 membres, dont 1 500 font partie des « groupes mobiles » (Tiens donc. Des groupes mobiles?). On y ajoute un zeste de « Solidarité française », fondée par le richissime parfumeur François Coty et une pincée du « Francisme » pour obtenir un cocktail très similaire à la composition actuelle des manifestations spontanées organisées devant l’Assemblée nationale. Il y manque les nostalgiques de la Grande guerre réunis par le Colonel de la Rocque, sous le célèbre patronyme des « Croix de feu », mais on ne tardera pas à y retrouver « La ligue des contribuables » qui s’attaque aux hommes politiques réputés tous, absolument tous, corrompus et malhonnêtes.
Les ligues de droite et d’anciens combattants avaient appelé à se réunir en face de la Chambre des députés. Tous se mobilisent sur le thème : « À bas les voleurs ! » avec en première ligne l’extrême droite. Progressivement, les violences vont aller crescendo avec une tentative de « conquête » du Palais Bourbon, qui contraindra les forces de l’ordre à tirer face à des manifestants parfois en armes ! Il y aura de très nombreux blessés et plusieurs morts… au nom de la liberté de manifester. Quelques années plus tard, ce type de rassemblement dégénérera en attaque raciste contre des lieux ou des personnes ne convenant pas à l’ordre moral.
Maintenant, l’UMP qui a oxygéné la « bête immonde » de l’intolérance tente de pallier au plus pressé et d’échapper à sa responsabilité. Fillon, Copé, NKM, Sarkozy, Juppé font profil bas vis à vis de ce conglomérat qui bouffe du « Hollande » à la croûte rouge à tous les repas idéologiques ! Le dilemme est cruel face à la radicalisation de la rue, car au fil des soirées, plus personne ne contrôle ce monstre haineux et violent. Officiellement, on condamne toutes les violences ponctuelles visibles, mais sans désavouer l’ensemble des manifestants chauffés à blanc et qui pourraient maintenant se retourner contre leurs inspirateurs. En 1934 la droite n’était plus républicaine que dans ses affirmations publiques, car elle était déjà dépassée par ses extrêmes ligués contre la démocratie parlementaire. Quand on en arrive à clamer comme l’UMP Philippe Cochet : « Ce que vous êtes en train de faire est une brèche qui ne se refermera pas si ce texte passe, c’est une ignominie (….) vous êtes en train d’assassiner des enfants!» on a franchi la ligne jaune, et il est impossible de ne pas penser au titre du journal de « L’Action Française » du 7 février 1934 «  Après les voleurs, les assassins ». Ne croyez surtout pas ceux qui prétendent que l’Histoire ne sert pas deux fois le même poison !

Cet article a 5 commentaires

  1. J.J.

    Ce qui est intéressant (sic ! ) c’est d’observer le remarquable silence de la hiérarchie catholique, qui après avoir « allumé le feu », comme le proclame un artiste suisse, et prêché la croisade, se garde bien de se faire remarquer.

    Ces braves gens seraient -ils dépassés par les évenements et par une base devenue incontrôlable ?

    Qui sème le vent récolte la tempête…..

  2. baillet

    On retrouve effectivement les ligues de l’Entre-deux-guerres dans la forme et dans le fond.

  3. VIANDON Raymond

    Le rôle des médias est encore plus important que pendant l’entre deux guerres tant par leurvariété (télés, radios, internet, presse écrite, … ) que leur nombre et leur démagogie qui « bouste » le mauvais climat actuel. Il est totalement irresponsable d’inviter en permanence Frigide Barjot, porte parole de tous les groupes, y compris les plus extrêmes, sans même s’en rendre compte. L’extrême-droite manipulatrice, violente, haineuse, dirige la manoeuvre. Nous vivons un moment important . Il faut que la la démocratie triophe. Pour cela il faut que l’UMP admette qu’elle n’est majoritaire et qu’elle joue un jeu (très) dangeureux. Ressaisissez-vous Mrs Jacob, Copé,Fillon et même-vous Mr Juppé !

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