L'anonymat devient la référence sociale prédominante !

 

Il existe depuis des décennies une méthode inusable de dénigrer et de ridiculiser : celle qui consiste à piquer un extrait d’un écrit, d’une conversation, pour attaquer celle ou celui qui a développé une idée ou qui a participé à un échange. Le système tourne à plein désormais sur internet avec des relais parfois complaisants dans les médias. Chaque jour ou presque, on trouve une « phrase » réputée « petite » ou quelques secondes pouvant donner une célébrité involontaire. Le « petit journal » de Yann Barthés est en passe de doubler le « grand », avec l’utilisation de ces séquences très ponctuelles qui font rire ou grincer des dents. C’est à la fois drôle mais aussi souvent très angoissant pour la vie sociale, car c’est extrêmement réducteur d’une personnalité ou d’un propos. Les extrêmes se repaissent de ce modèle ne reposant pas sur l’analyse et la raison, mais sur l’approximation et l’impression.

 

Il faut bien avouer que la période actuelle va grandement accroître ce phénomène affligeant, car les campagnes électorales constituent un vivier à coups d’éclat providentiel. Les commentaires anonymes, en bas des articles de presse, les reprises de bribes de dialogue, les citations tronquées et plus encore les interprétations malveillantes se multiplient comme autant de fleurs du mal ! La démocratie au sens premier du terme en prendra un sérieux coup. On guette le mot qui va couler une réputation, en oubliant parfois des années de combat, de travail, et en ne gardant qu’une formule interprétable. En se cachant derrière une aura de probité, d’honnêteté et surtout en se couvrant des cendres pures de l’idéologie, les censeurs sévissent sur tous les réseaux sociaux. Ils mordent avec délectation dans la dénonciation de prises de position dont ils ne connaissent ni les tenants ni les aboutissants. Un pseudonyme, en général vengeur, autorise toutes les absurdités. Attention à l’humour, car ces gens là n’en ont guère et ils transforment en scandale moral ce qui relève simplement du clin d’œil. La société me glace d’effroi tellement elle devient grise et morose. Un Stéphane Guillon n’a plus aucun espoir de s’en tirer indemne quand il ose tourner en dérision une icône médiatique, une idole politique ou un crétin friqué. La plaisanterie se perd chaque jour un peu plus, et donc il vaut mieux rester dans le non-dit que de tenter d’expliquer.

 

On voit également surgir des donneurs de leçons auxquels on ne pensait vraiment pas car ils n’ont aucun recul, aucun vécu permettant de connaître leur capacité à apprécier un contenu ou un parcours. Ils (elles) s’érigent en « je sais-tout » sur la base d’un simple label politique acheté en « solde » ou d’une position outrancière acquise par imprégnation télévisuelle. Le prêt à porter partisan cause des ravages, puisqu’il refuse la notion pourtant essentielle d’échange et de dialogue, tellement indispensable à une vraie vie sociale. Inutile de tenter de convaincre ou d’expliquer : la sentence tombe sous les applaudissement ravis des fans enthousiastes par tant d’audace des juges.

 

Quoi que fasse un élu, il sait fort bien que les « aigris », les « refoulés » et surtout ceux qui ne prennent jamais le risque d’affronter le suffrage universel ou la gestion quotidienne pour le compte des autres, sortiront un commentaire qu’ils pensent assassin ! J’ai donc beaucoup aimé l’entretien accordé aujourd’hui au quotidien Sud Ouest par Michel Sainte Marie , maire de Mérignac depuis 39 ans. Il est sans illusion après ce parcours et livre avec franchise et clairvoyance son verdict : « Pour percer au plan national, il faut d’abord avoir été porteur de citrons à la mi-temps, pour ne pas dire cireur de bottes de tel ou tel leader. Ce qui m’a plu dans le métier de maire, c’est que je n’avais de comptes à rendre à personne, à part aux électeurs. Je n’ai jamais rien demandé. J’ai décidé de faire une carrière locale : celle de maire (..) » il faut aussi admettre qu’il faut avoir un cuir dur et épais pour résister aussi longtemps à cette réalité, mais bien évidemment chaque réélection constitue la potion magique qui fait avancer et soigne les bleus sur le corps ou à l’âme. Ce sont les seuls moments de la vie publique que j’ai aimés, car au moins le combat se mène à visages découverts ce qui correspond à ma vision de la démocratie.

Je suis de plus en plus effaré par le nouveau phénomène de l’anonymat ! Il est partout ! Dans les reportages en caméras cachées, dans des citations dans des articles de presse sans la source précise, dans une profusion de blogs non identifiables, dans des « posts » d’autant plus vengeurs que leurs auteurs se planquent, dans les courriers arrivant auprès des élus locaux sans aucune adresse pour la réponse, par des envois massifs de mails… partout l’anonymat progresse, avec la complicité de supports médiatiques ravis de comptabiliser les connexions, les réactions ou les commentaires. « La vie sociale est chosification et objectivité ou en d’autres termes , anonymat et inertie » selon Boris Cyrulnik. De plus en plus vrai !

Cet article a 3 commentaires

  1. Eric Batistin

    « Nous habitons un monde interprété par d’autres où il nous faut prendre place. »
    Boris Cyrulnik

    Je suis né en France, et n’ai jamais rien reçu d’autre comme courrier de mon pays que quelques amendes, impôts, ou autre engament militaire quand cela existait encore.
    Jamais, après un vote républicain, il ne m’a été demandé mon avis sur ce que devrait engager mon pays dans ses décisions d’actions, sur le territoire ou à l’étranger.
    Est-ce prétention de ma part que d’espérer une lettre où on me parlerait du nucléaire, de la guerre, des retraites, de l’éducation… je rêve d’une lettre anonyme, mais d’Etat !
    Suis-je devenu complètement fou ? Oui, définitivement.
    Pourquoi,?
    Et bien pour une raison simple, pour éviter les interprétations fallacieuses, je lis quatre heures par jours le site http://www.legifrance.gouv.fr/ , où au moins je suis certain de la véracité des petites phrases anonymes.
    Sauf que chaque phrase comporte un codicille qui passe son temps à l’extraire du contexte !

    Eric Caminade Batistin Le village 04170 Vergons France

  2. J.J.

    « Sans la liberté de blâmer Il n’est pas d’éloge flatteur et il n’y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits…. »
    dixit Beaumarchais, repris en partie dans l’en tête du « Figaro », qui, depuis sa création a bien mal vieilli et ne fait pas vraiment honneur à la liberté d’esprit prônée par son modèle.

    Mais du même Beaumarchais, dans le Barbier, cette fois :
    « Calomnions, calomnions, il en restera toujours quelque chose ! « 

  3. jean Luc ENGLER

    Je prends pour moi vos propos et donc estime avoir droit à réponse, sur le fait que votre post sur les handicapés de la vie (auquel j’appartiens, après avoir donné 20 ans de ma vie à la Nation. Donc j’estime être en droit de porter un regard critique sur le fait qu’on ne peut accepter l’incivilité (adage : Nemo auditur propriam turpitudinem allegans.) d’une dame qui vous prétend n’avoir été que 5 minutes sur une place réservée, qui ne s’est acquittée de son amende de base à 135 euros, et qui donc c’est logiquement exposé à une majoration de celle-ci .
    Je condamne certes les insultes qui ont été tenues sur les posts que cela a développé et déplore que vous m’ayez pour seule réponse, rayé de la liste de vos contacts , ce qui ne m’aura pas permis de le faire en directe .. mais votre « fuite » n’est peut être que là pour leur donner raison.
    Sachez que je ne suis pas un homme de droite ni de gauche, je crois en la valeur des femmes et des hommes politiques , et jusqu’à ce jour vous faisiez partie de cette catégorie de personne qui, comme vous l’avez démontré il y a peu de temps ne mâche pas leur mots y compris sur les visites ministérielles.
    Toutefois aujourd’hui 10% des français sont porteurs d’un handicap au sens de la loi du 11 février 2005, et peut de choses sont faites pour eux, et même aux niveaux des administrations l’handiphobie est de mise (pour mémoire j’ai été exclu a un jury de recrutement de catégorie A de votre CG, car le poste nécessitait des déplacement et que le CG n’avait pas de voiture à boite automatique ..
    Mais puisque certains citent Beaumarchais, c’est votre « fuite » qui ressemble à un aveu de redouter des petits écrits.
    Enfin je ne suis pas anonyme sur ma page Fb et demeure Beguey
    Salutations
    JL ENGLER

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