On file à très grande vitesse dans le mur !

SEA2A_cle2e28d1La vitesse ne fera bientôt plus recette car elle coûte cher et en plus elle n’est utile que dans peu de circonstances. J’ai personnellement été convaincu de l’intérêt de la lenteur assumée, celle qui constitue le meilleur rapport entre la qualité de vie et les nécessités du progrès. Se jeter à corps perdu dans une course effrénée contre le temps en dépensant des milliards pour y parvenir risque de constitue l’erreur la plus grave de ce début du XXI° siècle. On commence d’ailleurs sérieusement à s’inquiéter du coté de la SNCF avec des engagements terriblement lourds sur les LGV qui auront comme conséquence de couler l’entreprise… En quelque sorte la SNCF investi dans des équipements qui vont creuser sa tombe au nom de la vitesse. Une erreur quand on sait qu’il existe un juste équilibre entre les 3 critères d’un déplacement : fiabilité, confort et sécurité. Un changement d’appréciation que la société na’ pas pris en compte depuis deux décennies en se lançant frénétiquement sur la… vitesse, rien que la vitesse. L’activité TGV connaît depuis plusieurs années une érosion constante. Sa fréquentation a reculé en 2012 de 0,5 % et de 1 % au premier semestre 2013. Et cela ne devrait pas s’améliorer d’ici à la fin de l’année sous le double effet de raisons conjoncturelles et structurelles.

Il faut bien convenir qu’au prix du voyage, une grande partie des utilisateurs est constituée de personnes se faisant rembourser leur déplacement or phénomène très préoccupant pour la SNCF, la clientèle « affaires » se reporte de la première classe, qui assure 50 % du résultat de la branche, à la seconde. Le secteur loisirs subit le même sort malgré les promotions et autres réductions. Avec le passage de la TVA de 7 % à 10 % sur le transport collectif, décidé par le gouvernement et effectif au 1er janvier 2014, la clientèle loisirs pourrait encore se détourner des TGV. La vitesse ne séduit pas un touriste… ou un retraité qui effectue un calcul simple : arriver dans des délais raisonnables,s ans encombre et à un prix attractif ! « Nous allons facturer la hausse de la TVA dans les tarifs, indique Guillaume Pepy, le PDG de la SNCF, mais nous n’en bénéficierons pas. Pour que les prix restent acceptables par nos clients, nous faisons un geste en plus. Nous nous engageons à ne pas répercuter l’inflation 2014. Nous allons donc devoir réduire d’autant nos marges. »

La marge opérationnelle de l’activité TGV se réduit régulièrement ces dernières années. Au début des années 2000, le TGV tutoyait les 20 % de marge. Il est tombé à à peine 12 % en 2012 et ne sera guère meilleur en 2013 ! L’avenir n’est en effet guère rassurant : charges qui augmentent (comme l’énergie, les salaires, etc.), taxes spécifiques décidées par l’Etat (comme celle pour financer les trains intercités), ou des péages, ces droits de passage à acquitter pour emprunter le réseau ferroviaire. Et plus on construira de lignes nouvelles, plus ces rétributions à verser aux constructeurs seront pesantes sur le budget des LGV !

Autrefois chichement (car protégés) mis à contribution pour payer l’infrastructure, les TGV doivent désormais y participer plus largement et ce n’est pas le désengagement constant des collectivités territoriales qui va arranger la situation. Sur la LGV Paris Bordeaux on compte déjà le nombre dé défections avec les doigts de la main. Rien de grave encore mais la communauté d’agglomération paloise vient de sonner la révolte et cherche un biais juridique pour se retirer. D’après un article récent de Le Monde « après une hausse de 11,7 % en 2011, ces droits à passage ont augmenté de 1,5 % en 2012, de 7,4 % en 2013 et de 3 % en 2014 ». Or 3 % de péages en plus, c’est un point de marge opérationnelle en moins.

Lentement (c’est la seule satisfaction) on se dirige vers un système de la « grande vitesse » non rentable ! La rentabilité du TGV est en effet largement impactée par le… développement du réseau dont les investissements ne coorespondent plus aux besoins de la clientèle préférant désormais trains peu chers et à l’heure. Plus on ajoute de nouvelles lignes, moins elles sont… rentables. « Un tiers des parcours TGV offerts sont aujourd’hui non rentables pour la société publique », assure la PDG de la SNCF ! C’est un constat consternant mais réel. On va donc comme partout ailleurs engager des plans drastiques d’économies pour tenter de juguler la baisse des recettes. La recette est toujours la même ! Des nouvelles formules « discount » pour faire revenir des voyageurs sont en cours d’installation dans la tarification TGV mais rien ne sera plus comme à l’âge d’or de la vitesse triomphante. N’empêche que sous la pression de puissants lobbies on continue à penser que faire Bordeaux Paris en moins de 3 heures est indispensable alors que certains matins il faut… une heure pour effectuer les 25 kilomètres entre le centre de Créon et le centre de Bordeaux !

 

 

 

Cet article a 10 commentaires

  1. fourny

    et les voitures de plus en plus rapides?

  2. ROCHER

    Heureusement que le TGV dégage une faible marge car, sous Sarkosy, il y a quelques années, les travaux d’ approche avaient commencés pour le privatiser, dans la logique de la séparation entre RFF et des  » opérateurs  » divers louant les sillons après appel d’offres. On a fait marche arrière certes, mais rien ne dit qu’ après 2017…

  3. Kwak Frédèric

    Sur les routes de campagne, la vitesse minimale de circulation devrait être mieux respectée. Il y a trop de restrictions différentes cumulés, des petites vitesses non justifiées, des lents dangereux possible car lents (Tél, manger, lire, SMS, …).
    La fluidité invite à la concentration et au plaisir de conduire. Les réglements et les lois sont partout, on est toujours sous contraintes. Ce n’est pas enréduisant sans cesse, et appliqué sans cohérence, la vitesse que la route sera plus sûre et plus saine.

  4. Michel d'Auvergne

    Personnellement, il y a longtemps que je n’ai plus le temps de courir ! Je souhaite même que mon dernier voyage soit rythmé par le pas d’une mule afin que mes ultimes invités aient le temps d’en raconter quelques bonnes !

  5. semin claude

    Excellent article qu’il faudrait compléter par un exemple concret prouvant la non-rentabilité des nouvelles LGV.
    La LGV Bordeaux Toulouse affichait une rentabilité de 5% (TRIE) lors du débat public de 2005 donc au delà de la norme de 4%.. Or, les couts de construction ont été multipliés par plus de 2,5 fois. Sur ce simple critère, une variation des coûts de 10% impacts le TRIE de 0,8 point. Alors avec une variation de 169% le TRIE devrait être négatif. Ne parlons pas du report modal très largement surestimé ni des autres critères..
    Cette seule LGV creusera encore plus le déficit de la SNCF ou le prix du billet pourrait être exorbitant ce qui dminuerait encore sa rentabilité.

  6. BAQUE Christian

    OK Jean Marie, on ne voit pas l’intérêt de gagner une heure pour aller à Paris.
    Mais c’est une pierre dans ton jardin: pourquoi alors le Conseil général a-t-il décidé de financer à la hauteur de 160 millions d’euros les travaux LGV (chiffres parus dans la presse) ? Pourquoi dans le même temps a-t-il refusé de participer au financement de la réhabilitation de la ligne SNCF Blaye-Bordeaux, en répondant « ce n’est pas de notre compétence »? Pourquoi ce gouvernement « de gauche » ne relance-t-il pas un authentique plan fret, qui libèrerait nos routes de dizaines de milliers de camions ? Nous sommes toujours dans la logique de privatisation voulue par l’Union européenne, qui faisait dire à un chef de cabinet de Borloo, ministre à l’époque du projet de grand contournement, qu’il fallait attendre, avec la libéralisation, que les grands groupes (Veolia transport etc…) s’intéressent au fret…

  7. BOTTARO Jean

    J’aurais bien aimé lire la réponse de notre Ami Jean-Marie ? J’ai bien apprécié son article, mais j’aimerais bien avoir sa réponse ?

  8. PEGELLA Giuseppe

    Je suis très heureux de voir que JM Darmian, que j’apprécie beaucoup pour certaines de ses positions courageuses, se décide enfin à rejoindre le camp des opposants aux LGV (aujourd’hui largement majoritaires dans tous les sondages, toujours avec les arguments réalistes déjà avancés dès les débats publics de 2005 et 2006).

    En effet, lui qui est souvent un apôtre de la lenteur, ne s’était pas beaucoup illustré dans la négation de ces infrastructures pharaoniques, ruineuses, destructrices et inutiles. Et je pense d’ailleurs qu’il ne faisait pas partie des 8 conseillers généraux qui se sont opposés aux avances de financement sur le projet GPSO au sud de Bordeaux.

    Mais enfin mieux vaut tard que jamais, et bienvenue au club des opposants à ces infrastrutures, particulièrement ce GPSO.

    @Semin C
    Comme par hasard, juste avant les débats publics sur les 2 projets de LGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux- Espagne, si ma mémoire est fidèle, le seuil de TRIE était à 8 %. Et comme par hasard, pour faire accepter ces projets dans les débats, il est passé d’un seul coup à 4 %.
    Cherchez l’arnaque !
    Et comme vous le dites avec toutes les augmentations depuis, où en serait ce seuil de TRIE et la rentabilité de ces infrastuctures !…

    Info :
    De nombreuses associations sur tout le Sud-Ouest se sont opposées aux LGV : en Gironde cherchez SEPANSO, LGPE LEA, et les liens qu’elles donnent…

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