L'utopie de la dévaluation de l'Euro

Durant des décennies, hors du carcan libéral européen, la France avait dans sa manche un atout monétaire efficace qui était la dévaluation. Dans diverses déclarations des responsables politiques ont tenté (ou vont tenter!) de persuader l’opinion publique que l’une des solutions à la crise passe par la dévaluation de l’euro voire sa suppression. C’est purement démagogique car s’il est possible de faire baisser le niveau de la monnaie européenne, toutes les autres recettes sont illusoires. Le système est en effet parfaitement verrouillé.

La dévaluation de la monnaie a pourtant longtemps permis à des pays de se sauver avant 1980. L’ennui, c’est que cette recette ne semble plus guère efficace aujourd’hui dans le cas de la zone euro et la dernière en France date de 1983 ! Les raisons en sont multiples mais la première concerne le fonctionnement actuel de la Banque centrale européenne qui n’a pas de contrôle politique. Elle a pourtant une politique qui est plutôt convenable en injectant plus de 1.000 milliards d’euros dans le système bancaire de fin 2011 et début 2012. il se dit que 665 milliards ne sont toujours pas récupérés. La BCE a racheté des obligations d’Etat sur le marché secondaire et a diminué considérablement son taux de refinancement à 0,5% ce qui aurait dû faire baisser le cours de l’euro. Peine perdue rien en change car le problèmes se trouvent dans le rapport des forces mondiales sur lequel la BCE n’a aucun pouvoir.

Aux États-Unis, la Fed pratique une politique encore plus agressive que la BCE en injectant chaque mois 85 milliards de dollars sur le marché. Tant qu’il en sera ainsi, et même si le rythme ralentit, l’euro sera plus prisé que le dollar, car plus rare… Une course à la planche à billets deviendrait donc suicidaire.

Au Japon la banque centrale utilise un autre système qui fausse les données : elle rachète de manière toujours plus massive des bons du Trésor ce qui fait pression sur les taux. Mais le pire est en Chine où tout est fait pour protéger le yuan et ce à n’importe quel prix et sans que les autres pays puissent intervenir.

Face à ces trois géants, la politique monétaire de la zone euro apparaît presque restrictive. Même avec des taux plus bas. Pas assez d’audace à cause du veto allemand et, à l’arrivée, des monnaies qui se concurrencent au détriment de l’Euro paradoxalement plus « solide ». Dans ce contexte il ne peut être question de dévaluation et le clamer comment le font de pseudos politiciens avertis c’est tout simplement jouer aux bateleurs de foires pour attirer la clientèle !

La vraie dévaluation reste avant tout un acte politique (rappelez vous du fameux et grandiose film Le Président avec un Gabin époustouflant) qui nécessite un régime de changes fixe et un strict contrôle des capitaux. Et dans tous les cas, il faut une banque centrale aux ordres du gouvernement, prête à intervenir pour faire respecter sur les marchés la décision. Quand il y avait un étalon-or ou un étalon-dollar, le système était simple : une ordonnance fixait brutalement la nouvelle valeur de la monnaie et le tour était joué. Il ne fallait pas de fuites et surtout une décision rapide, forte et solidaire ! Ce processus est mort.

On a eu ensuite le célèbre « serpent monétaire » destiné à lier entre elles les monnaies européennes qui avait rendu les dévaluations plus complexes. Le mécanisme a été enrayé par la mondialisation des échanges qui rend impossible la mise en place d’un vrai contrôle des changes. Les banques centrales des pays ont perdu une belle part de leur rôle régulateur et c’est trop tard pour revenir en arrière ! Certains gouvernements n’hésitent pourtant pas à utiliser l’inflation pour de fait dévaluer leur monnaie… et la recette marche. Laisser filer… et revenir à une cours réel dévalué de fait serait la seule méthide pour faire baisser l’euro. Mais la BCE ne l’acceptera jamais ! J’étais de ceux qui avaient lors du traité de fonctionnement européen sillonné les sections du PS pour justifier le rejet du texte par justement le statut de la BCE qui échappait à toute influence directe du « politique » sur ces décisions. Maintenant c’est inutile de modifier ce contexte.

Toutes celles et tous ceux qui emploient le terme « dévaluation » savent donc fort bien que ce n’est qu’un jeu de rôle : ils tentent de se persuader qu’ils peuvent encore imposer leur choix au milieu économique…Ce n’est bel et bien qu’une pièce de théâtre sans aucun lien avec la réalité. L’euro ne sera jamais dévalué ! Pas plus qu’il est envisageable d’en sortir. Et pourtant Marine Le Pen va surfer sur ces idées simplistes et fera un tabac aux européennes… et tout le monde aura oublié les mises en garde répétées de certaines femmes et certains hommes de gauche qui prévoyaient cette situation de blocage absolu ! On se remettra difficilement, très difficilement, de la trahison ayant consisté à ne pas respecter le verdict populaire du 29 mai 2005. Un beau combat inutile mais certainement le plus politique du XXI° siècle !

Cet article a 2 commentaires

  1. Baillet Gilles

    Le problème c’est le BCE qui n’est pas contrôlée par le pouvoir politique. D’autre part, un euro trop fort, c’est le souhait de l’Allemagne et c’est elle qui décide en ce moment en Europe. Ce n’est pas un problème météorologique…

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