Interview vérité sur mon appréciation de la vie actuelle des Maires

L’interview vérité Thomas Sotto 27/11/2013 – 07:45sur Europe N°1

« Un sentiment d’impuissance pèse sur la fonction de maire »

« Avant, le maire construisait, bâtissait. Aujourd’hui, il répare. On est tout le temps dans la solution immédiate à un problème individuel », confie Jean-Marie Darmian.

Jean-Marie Darmian, maire de Créon (Gironde).

Il répondait aux questions de Thomas Sotto.

Vous êtes maire depuis 1995, et vous raccrochez. Pourquoi ?

INTERVIEW-E1-Jean-Marie-Darmian-maire-depuis-1995-de-Creon-petite-commune-de-4.200-ames-jette-l-eponge.-Il-raconte-pourquoi_scalewidth_630« Je raccroche car un sentiment d’impuissance pèse sur la fonction de maire. Nous sommes le dernier rempart de la proximité. Je connais d’autres mandats où la pression est totalement différente. Député, c’est lever la main, se montrer le mercredi à la télévision. Conseiller général, c’est gérer un département avec une distance très longue des administrés. Le maire est en première ligne, 24h/24, sans forcément les moyens pour répondre aux demandes des administrés. Avant, le maire construisait, bâtissait. Aujourd’hui, il répare. On est tout le temps dans la solution immédiate à un problème individuel, des guérisseurs sociaux. Quand l’administré a tout tenté, il va voir le maire : logement, place en maison de retraite… On essaie tout le temps de réparer une société cabossée de tous les côtés. »

Les rythmes scolaires se sont fait sans l’avis des petits élus de terrain comme vous ?

« C’était une réforme urbaine. La plupart des textes votés au Parlement émanent d’une vision urbaine de la nation. Les difficultés ne sont pas que financières, elles sont aussi humaines. Sur les rythmes scolaires, ça veut dire trouver des animateurs qualifiés : pas simple à 25 km de Bordeaux ! Contre qui les enseignants protestent ? Ils vont voir le maire qui a mis en place les rythmes scolaires. Même chose pour les parents, au sujet des transports, et les associations privées de ressources… On est un peu le punching-ball des querelles, des préoccupations individuelles ! La situation devient très préoccupante : les gens confondent intérêt personnel et intérêt général. Une vision des choses insupportable pour les maires. Que faire de son enfant le samedi matin à cause des rythmes scolaires ? Ce n’est pas au maire d’y répondre ! »

Dominique Voynet raccroche à Montreuil. Elle parle d’un sentiment de « tous pourris », que l’on met tout le monde, maire inclus, dans le même sac…

« C’est une souffrance d’être maire aujourd’hui. Souffrance de cette généralisation de la fonction de maire. Etre maire de Montreuil ou de Créon, pour les gens, c’est pareil ! Il est censé avoir les mêmes moyens de répondre. Dimanche, on m’a appelé trois fois entre 13h et minuit : une dame s’est échappé d’un EPHAD, une personne dort dehors, il faut trouver un abri, un enfant de 5 ans a des convulsions, il faut peut-être l’évacuer en hélicoptère… C’est le quotidien ! Ce n’était pas comme ça, avant. Il y avait une prise en charge individuelle beaucoup plus forte des problèmes. Le responsable, c’est l’autre, et c’est l’élu de proximité qui arrive en premier dans le viseur de la responsabilité. On ne va pas voir le député pour un trou dans un trottoir ! 400.000 normes pour la gestion d’une commune ! Sur 28 communes de mon canton, 16 maires arrêtent… »

Vous sentez-vous toujours respecté ? Les politiques nationaux ne sont pas très populaires, l’affaire Cahuzac a fait beaucoup de mal… Ça vous retombe sur la figure au niveau local ?

« Terriblement. Il y a une souffrance personnelle, en ce qui me concerne, du « tous pourris ». La généralisation de la fonction d’élu devient très préoccupante pour la démocratie. Parmi les 16 maires dont je parlais, la moitié arrête pour des oppositions coalisées mais qui n’ont pas les mêmes intérêts. Le gros problème actuel à 20km de Bordeaux, c’est : ‘ »Allez-vous classer mon terrain en terrain à bâtir ? »

Qu’allez-vous dire à votre successeur ?

« Qu’il ne parte pas sur les mêmes bases que moi, qu’il voie les choses de façon un peu plus lointaine. Qu’il se préserve de cette vampirisation que représente la fonction dans la vie sociale quotidienne »

Cet article a 5 commentaires

  1. bernadette duhem

    Le contenu de cet interview mériterait débat. Il me semble que les élus, et les maires en priorité, devrait apprendre à travailler davantage en équipe, à déléguer véritablement.
    Mais cela ont-ils vraiment l’envie de le pratiquer? Car déléguer c’est perdre un peu de pouvoir et ça il faut bien convenir qu’ils ont bcp de mal à le concéder. Ah, pouvoir quand tu nous tiens!!

  2. Cousso Frederic

    Elle est élue cette brave dame?

  3. J.J.

    « Il me semble que les élus, et les maires en priorité, devrai(en)t apprendre à travailler davantage en équipe, à déléguer véritablement. » »

    Voilà qui est bien dit et vite dit !

    Je n’ai pas l’expérience de la fonction de maire, mais dans la vie associative on trouve un peu le même problème : J’ai, dans l’exercice de mes fonctions, toujours essayé d’impliquer les autres membres, essayé de former une équipe, d’abord et tout simplement parce que l’on est pas irremplaçable.

    En vain.

    Toujours, on me faisait remarquer que je me débrouillais très bien et que ce n’était pas la peine que l’on vienne s’immiscer dans ma gestion.
    Cette flatterie masquait tout simplement le fait, me semble -t-il, que puisqu’il y avait un individu qui « assurait » , c’était bien inutile que l’on se fatigue.

    L’individualisme et l’égoïsme se retrouvent à tous les échelons de la société.

    Je n’en éprouve aucune amertume, mais que l’on ne vienne pas dire que je n’ai pas essayé de déléguer et de travailler en équipe
    C’est ce que font la plupart des maires, qui ne sont pas ivres de pouvoir.

    Il peut y avoir des exceptions, c’est vrai…

  4. FB

    Cette brave dame ne doit vraiment pas connaître la fonction d’un élu ou d’un maire … et encore moins de son quotidien….

    Je lui souhaite d’avance toutes mes félicitations pour sa réussite au élection municipale de mars 2014… en espérant qu’elle mette en pratique ses propos…

    Nous pourrons alors débattre du sujet à la fin de son mandat ….!!!

    Ce type de critiques est simpliste, surtout quand on n’a pas les mains dans le « cambouis » chaque jour… sans oublier que chaque commune a sa propre histoire, ses problématiques, et chaque conseil municipal fonctionne selon ses membres …. avec souvent une opposition que l on doit prendre en compte pour travailler dans le dialogue et le consensus…!!! d’ailleurs avec certains qui veulent être conseiller municipal uniquement pour leur propre intérêt personnel (exemple : « pourquoi mes bois, mes terrains ne passent pas constructibles? ») sans vouloir les inconvénients de la fonction… »c’est trop fatiguant »….

    Oui, en tant que maire il n’est pas toujours simple de pouvoir déléguer, mais ce n’est pas qu’une question de perte de « POUVOIR » !! trop simple !!

    Signé :
    Un maire fatigué qui cède sa place sans regret en mars 2014

  5. Trupin

    Je suis maire depuis pas mal de mandats (trop diront certains) et j’arrête car il faut qu’il y ai une fin à tout, mais j’ai la conviction que c’est le plus beau mandat d’élu . Pas de faux fuyant, pas de possibilité de dire que “j’étais à l’Assemblée ou à la Région“ C’est vrai que dans les petites communes nous avons un contact permanent avec nos administrés. Nous sommes souvent le premier et aussi hélas bien trop souvent le dernier recours pour eux. Les chiens qui divaguent, le travail pour le petit fils, l’appartement, beaucoup d’entre nous connaissent çà, et le prendre en compte fait partie de ma vision du mandat que m’ont donné les habitants de ma commune. Mais il y a aussi tout le reste, l’aménagement et la préservation du site, la vie scolaire et culturelle, la vie sportive, le contact avec le monde associatif, l’insertion dans les CDC et je pourrais encore et encore dire et écrire sur des pages entières combien ce mandat de maire est noble et important. En ce qui me concerne je suis fier de l’avoir exercé. G.T.

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