Après les coups : secoué, meurtri mais surtout pas abattu !

Après un « accident » grave il existe une commission d’enquête qui procède à une analyse aussi précise que possible des circonstances, des causes et des suites possibles de ce qui paraît factuel. Ce n’est pas en effet facile, pour celle ou celui qui a été au cœur de l’événement comme acteur ou comme victime de « débriefer » des moments se déroulant souvent à une vitesse stupéfiante. Tant que l’on est pas passé par ces instants on ne mesure pas vraiment l’importance de cette réflexion dépassant les faits eux-mêmes sur lesquelles on ne peut pas de toutes les manières revenir. Alors sortons un peu du « cas personnel » pour revenir sur l’agression dont j’ai été victime (et dont je ne veux plus ensuite parler) pour en tirer quelques constats que je crois dénués de tout parti prix ! Ils confirment maints écrits quotidiens depuis 10 ans sur les supports successifs que j’ai lancés (1) et je n’en éprouve pas forcément une certaine fierté puisque c’est un échec complet de notre société qui n’entend rien, refuse de voir et se tait sur les éléments qui la dérange !

D’abord cette agression m’a renforcé dans ce que je ne cesse de répéter depuis une décennie : l’alcoolisme chez les jeunes est infiniment plus dangereux et répandu que tous les autres fléaux que notre société présente comme désastreux. Nous allons vers un vrai fléau social mais comme les adultes cultivent l’idée qu’il ne peut y avoir de « fête » sans saoulerie plus ou moins forte. Il existe un silence coupable national sur les ravages que fait actuellement chez les 15-25 ans la consommation démentielle d’alcools forts. Mes agresseurs étaient ivres et avaient ajouté certainement une dose de drogue dont ils vivent. Deux d’entre eux sont des spécialistes des vols de whisky dans les rayons des supermarchés locaux avec le soutien plus ou moins consentant de braves gens qui entrent dans leurs stratagèmes. Toutes les nuits sur Créon (2) des groupes mobiles se constituent autour de leaders bardés de mises en examen ou de condamnations légères (TIG, peine de prison, passages en centre d’éducation renforcée) avec bien évidemment des ventes diverses dont celle de butins issus de vols. Tequila, vodka, whisky, gin… circulent dans des bouteilles d’oasis ou de Coca, la bière (le lobby des brasseurs industriels en France est surpuissant).. et les mineurs bénéficient de dotation spéciale. Celles et ceux qui ne sont pas cadrés par un pouvoir familial fort, solidaire, concret sombrent vite dans ce sentiment d’oubli et de surpuissance que donne l’alcool absorbé massivement. Et ce n’est pas un problème de paupérisation sociale : Bien au contraire. Ce n’est pas un problème ethnique ! Bien au contraire ! Ce n’est pas un problème de sexe ! Bien au contraire ! La situation est grave, très grave… mais il faut, comme chaque fois attendre un cas emblématique pour que l’on se décide à agir. Or il existe les moyens de renverser le verre ou la bouteille : les textes interdisant l’état d’ivresse sur la voie publique ! Appliquons le vigoureusement à la sortie des boites de nuit, des bars, dans la rue ! Sans tomber dans la prohibition idiote il est indispensable de renforcer chez les mineurs les contrôles alors qu’on les multiplie sur les adultes entrant d’un repas amical ! L’ivresse manifeste doit être sanctionné au moins aussi fort que le stationnement gênant ou le téléphone au volant ! Pourquoi ne pas faire des contrôles d’alcoolémie systématique sur les mineurs ? En tous cas j’ai constaté à mes dépens que sous l’emprise de l’alcool et de la drogue des hommes devenaient vite des loups pour l’Homme !

Ensuite ce fait divers banal si on enlève mon statut d’élu local (des centaines de personnes se font maltraiter pour leur téléphone) traduit une absence totale de repères qui confirme toutes mes déclarations antérieures sur mon renoncement à poursuivre mon mandat de Maire. Dans une société de consommateurs mal éduqués au cours des 40 dernières années la génération montante n’a absolument aucun repère sur les rôles et les fonctions sociales. Pour eux tout ce qui représente un tant soit peu l’autorité morale ou matérielle (gendarme,policier, maire, curé, professeur…) est à combattre car destructeur de ce qu’ils pensent être leur liberté ! Attention le mal est profond car des gens se croyant bien pensants (bonnets rouges, intégristes de tous poils, manifs anti quelque chose..) accréditent ce sentiment qui progresse à une allure vertigineuse. Bashing contre le Président de la République symbole (que l’on ait voté pour lui ou non) de l’autorité républicaine ; généralisations dévalorisantes sur les représentants de l’ordre, ;contestation de la sincérité générale des élus ; affichage médiatique permanent de la violence contestataire de l’ordre établi (quelle différence entre un casseur à Nantes s’en prenant au mobilier urbain et un jeune à Créon détruisant une œuvre d’art végétal patiemment entretenu par des employés communaux?) : pour des esprits faibles ou déréglés il n’y a plus aucun rempart, aucune ligne jaune, aucune barrière puisque la société les tolère de fait chaque jour davantage ! Qui va lancer un vibrant « j’accuse ! » pour dénoncer cette dérive épouvantable pour la République !

Enfin il y a la violence, subite, décuplée, organisée, en meute qui désormais devient incontrôlable et angoissante. Une agression peut virer au cauchemar tellement ses instigateurs alcoolisés, drogués ou malades font dans la surenchère ou la démesure ! Oui ! Je suis intimement persuadé que s’il y avait eu un objet maniable ou s’ils avaient eu un couteau ils en auraient fait usage pour récupérer mon téléphone ! C’est dans le fond le plus inquiétant… car cette banalisation de l’acte agressif extrême progresse chaque jour davantage. La vie n’a plus aucune valeur si ce n’est celle de l’objet que l’on convoite ! Il faut de grandes campagnes contre la violence, il faut des messages sur toutes les chaînes télévisées, il faut éduquer, sans cesse éduquer pour désamorcer cette idée ancrée voulant que le dialogue est inutile ou une affaire de mollasson idéologique ! Elle fait le lit des extrêmes. Elle conforte une sensation d’insécurité liée à des événements exceptionnels !

Pour moi, plus que jamais je veux poursuivre inlassablement un combat . Il faut rassembler autour d’un seul objectif : la citoyenneté dans absolument tous les domaines, dans tous les secteurs, dans toutes les strates sociales de la maternelle à l’EHPAD, de la commune au gouvernement, de l’individu au collectif, du local au global. J’ai pris un coup sur la tête mais il ne m’a pas fait oublier que demain sera encore pire qu’aujourd’hui si nous renonçons par lâcheté collective ou indifférence égoïste à être acteur de l’avenir !  

(1) « L’autre quotidien » puis « Roue Libre »

(2) cité paisible avec un taux de délinquance « locale » extrêmement faible !

Cet article a 12 commentaires

  1. acte inadmissible mais tellement a la mode ; voir l’agression mortelle du papy devant atac à la benauge

  2. marie-claire cherrier

    Votre lettre est tellement vraie….Je suis peinée de ce qui vous est arrivé et vous souhaite bon courage.

  3. Dominique NICOLAS

    Si il est important de se poser la question de savoir quelle planète laisserons nous à nos enfants, il est tout aussi important de se poser cette autre question : Quels enfants allons nous laisser à notre planète !!!

    Le triomphe de l’ultralibéralisme, la transformation des individus en esclave consummériste, la négation des valeurs et des limites dans tous les domaines, la compétitivité en individus à outrance font que notre société actuelle est violente par nature : la violence sociale, la violence économique, la violence écologique…

    Les jeunes sont touchés de plein front par cette violence : chômage massif, impossibilité de se loger sans avoir de multiples cautions, stages à répétition sans perspectives d’emplois durables, inadaptation du système éducatif pour certains qui entraînent l’échec, inadaptation du système de formation, dislocation de la famille, etc, etc.

    Leur alcoolisme n’est qu’un révélateur d’un mal être profond qui s’exprime chez eux pour y faire face de manière plus ou moins inconsciente.

    C’est toute la société qui est malade, l’alcoolisme et la violence des jeunes en sont un des symptômes. La guérison ne peut se concevoir sans un « changement de civilisation » comme le dit Edgar Morin.

  4. gerbeau

    courage à vous

  5. J-P REIX

    Rien ne justifie, ni même n’excuse de tels actes !
    Toute ma sympathie.

  6. Julien Huguet

    Tout d’abord je tiens à condamner ce dont vous avez été la victime, acte injustifiable et judiciaire. Cependant Jean-Marie il est un point sur lequel votre argumentaire devrait s’appuyer. Il est en effet nécessaire d’inculquer des valeurs « citoyennes » dans la jeunesse d’aujourd’hui. Vous faites référence à l’éducation…Or l’éducation est de nos jours transmise par les enseignants ( vous en avez l’expérience ). Ce que j’évoque c’est l’éducation dans les deux sens, celle de la transmission de savoirs et celle du savoir être. Le problème actuel est que les parents souvent se dédouanent de la seconde. Mais les enseignants n’ont pas la fonction de ce rôle, c’est aux parents d’assumer celui ci. On se retrouve alors dans un cas d’une « jeunesse » (qu’il ne faut pas non plus stigmatiser) avec comme repère des enseignants ayant une fonction « bâtarde » (excusez moi du terme) et des parents sans « autorité ». Nous voilà dans une société où les « jeunes » se retrouvent sans repères, avec de piètres modèles identificatoires et quand ils ne s’y identifient pas sont à la recherche de sensations pour se sentir être. Et donc cela passe par des consommations de toxiques, alcool, cannabis et autres qui de façon illusoire leur permettent de le ressentir.
    Je me répète et condamne ce que vous avez subi et vous envoie mes salutations.

  7. H. Luneaud

    Voici bien le reflet d’une société qui se nivelle par le bas.
    A force d’interdire d’interdire, certains jeunes en mal de pères et de repères n’ont pas de limites.
    Notre société est coupable d’avoir voulu une civilisation de « Playmobil » tous possédant ces possessions (qui nous possèdent), ces possessions qu’il faut avoir pour le paraitre.
    Un des fléaux véritables provient des parents coupables « d’élever » des enfants rois qui ne subissent aucune frustration et doivent tout obtenir tout de suite… Ces enfants qui déjà à l’école maternelle ne redoutent pas l’autorité des enseignants et qui répondent à la maîtresse sous les sourires béas de leurs parents fiers parce que leur fiston à de la « personnalité »…
    Le deuxième fléau vient à mon sens de la télévision et de ses programmes toujours plus vulgaires et violents. Qui sont ces programmateurs qui diffusent régulièrement les mardis soir et les week-end des films interdits au moins de 10 ans ?
    On nous montre en exemple des cagoles marseillaises en string qui aboient sur des Dylan aux cheveux peroxydés. Ces mêmes chaines érigent en « star » des plateaux des filles aux QI de bigorneau et accordent une importance imméritée à ces êtres qui font la promotion du néant et de la grossièreté. Alors, et puisqu’ils passent à la télé on voudra parler comme eux, on devra s’habiller comme eux, et les mamans (pas toutes et c’est heureux) courront acheter la panoplie qu’il faut avoir : du shampooing Nabila (non je rigole quoique…) aux chaussures des Ch’tis…
    Nous voici dans une société de plus en plus individualiste, où tout doit être formaté, calibré, ou l’on n’écoute plus les « vieux » puisque hi hi hi ils sont vieux, ou l’on ne se préoccupe pas de l’écologie parce que hi hi hi les verts sont des barbus gauchos,
    où il ne faut surtout pas vieillir parce que les rides c’est « horrible »…
    Le laxisme et son cortèges d’utopies dans lesquels nous nous vautrons depuis des années fini par gangrener nos vies. Le respect et la tolérance se sont enfuis à tous les vents…
    La vie est dure, alors on boit, et elle nous semble douce… On boit et on est invincible… On boit parce qu’ainsi on est dans une parenthèse enchantée…
    L’alcool est certes responsable mais effectivement, au risque de choquer, je dis qu’une fête sans alcool n’est pas une fête. Et que celui qui « teufe » au jus de tomate vienne nous raconter ses soirées… S’enivrer n’est pas un phénomène nouveau il y a toujours eu des bagarres au sortir des bals mais n’avoir pour unique réponse à une réprimante que la violence est absolument terrifiant.
    Mon texte pourra sembler un peu sombre mais si nous ne réagissons pas, la violence qui pousse sur le terreau de l’ignorance et du désespoir, aura tôt fait de s’imposer…
    Gardons espoir…et agissons tous à notre niveau…
    Monsieur, je vous souhaite de vous remettre au plus vite.

  8. J-P REIX

    @ H. Luneaud :
    (…) au risque de choquer, je dis qu’une fête sans alcool n’est pas une fête (…)

    Une soirée alcoolisée qui met des jeunes ou des moins jeunes dans un état pareil ce n’est pas une fête mais une grosse défaite !

  9. Serge Morin

    Je crois, Jean-marie, que nous somme hélas nombreux à avoir essuyé injures et coups! Cela n’est pas une raison pour ne pas s’indigner de ces comportements qui témoignent des conséquences du consumérisme et de l’individualisme. faire du Consommateur c’est obligatoirement ne plus faire du citoyen responsable et critique.
    Nous touchons là les effets du saccage de l’école de la République depuis les années 60 et les lois Debré auxquels s’ajoutent ceux des inégalités grandissantes et inadmissibles comme l’épuisement de la démocratie de terrain trop souvent oubliée par nos petits marquis produits de l’ENA ou de Sciences Po.
    Jean-Marie trouve ici tout mon soutien et toute mon amitié.
    Serge Morin futur ex-maire de Branne

  10. dav bretagne

    Ils ne connaissent pas les valeurs, ne respecte pas les couleurs et tous ordres, voilà l’une des conséquences d’avoir supprimés le service militaire pour les garçons, ordre et discipline et surtout le service était là pour apprendre le respect de l’autorité, les parents de nos jours ne récolte que ce qu’ils ont semé, plus de liberté, mais à quel prix l’insécurité au quotidien..

  11. Alain

    Je suis tout à fait d’accord, mais il faut dire, concernant ce passage: « Bashing contre le Président de la République symbole (que l’on ait voté pour lui ou non) de l’autorité républicaine ; généralisations dévalorisantes sur les représentants de l’ordre, ;contestation de la sincérité générale des élus « , que les élus, pour certains, pas les moindres, justement, ne font pas grand chose pour que les citoyens pensent différemment… Penser à Sarkozy, Hortefeux, Tapie, Guéant, Mitterrand en son temps avec Pela (Urba etc), Takkieddine et j’en passe! La démocratie? Existe-t-elle encore quand à Bruxelles on fait passer le traité commercial transatlantique dans le dos des citoyens sans leur expliquer les réels enjeux et les conséquences sur leur vie future et celle de leurs enfants, justement? Dans l’Education Nationale, on favorise cela, qu’on le dise ou non! On demande de travailler par compétences, en diversifiant, si le principe est très louable et bien sur pertinent, PAS un mot sur la responsabilité des parents et des enfants dans la réussite de leur parcours. Tout cela cache mal qu’on demande avant tout à l’école de s’adapter au public, quel qu’il soit, sans rien exiger en retour, ou seulement en facade, dans les faits… On pourrait développer, mais ce serait trop long ici… On pourrait revenir sur 2005 aussi, les retournements de veste de Hollande, aussi, quoi que vous en pensiez, il a trahi ses électeurs! Florilège:
    – Cahuzac
    – Pacte de compétitivité (Mouarf!)
    – ANI
    – Liste Falciani?
    – Séparation bancaire?
    – Lutte contre la fraude fiscale?
    etc, etc.

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