Enjeux des municipales (1) : le periurbain s'enlise dans le trajet domicile-travail

Dans huit jours le premier tour des élections municipales sera tout proche… et encore une fois on aura déblatéré sur les taux d’endettement sans les mettre en rapport avec les réalisations et les outils de services aménagés, on aura établi des comparaisons qui ne sont jamais raisons ; il n’est pas impossible que l’on ait attribué le titre de meilleur maire de France sans tenir compte du mérite et des moyens mis en œuvre ; on aura enterré des prétendants valables au nom du respect que l’on doit à l’ordre établi… Bref une campagne électorale normale avec ses rancœurs personnelles, ses jugements infondés et ses trucages habituels s’achèvera passant à coté des vrais enjeux. Les deux principaux qui n’intéressent en rien les médias centrés sur les vedettes potentielles du petit écran, concernent le devenir du monde rural et les difficultés fortes du périurbain…Ces territoires sans intérêt électoral réel comparé à celui des fameuses grandes villes prétendantes au statut de métropoles, sont pourtant en grande difficulté. Dans les deux cas l’isolement renforce les difficultés sociales, économiques, culturelles ou même financières. L’étalement urbain est au moins aussi dangereux que la désertification rurale mais on va continuer comme si de rien n’était ! Surtout ne pas fâcher l’électeur

Éloignement des lieux de travail, raréfaction des services publics, absence de projets culturels, manque d’équipements sportifs, difficultés budgétaires croissantes constituent les points communs entre ces zones « au contact ». L’enjeu majeur pour la France n’est pas de savoir si Paris, Marseille, Lyon, Bordeaux, Nantes ou Strasbourg changeront de Maires mais de vérifier que la République remplit encore son rôle dans des territoires silencieux ou indifférents. Or dans l’immédiat on cause tram, ponts, grand stade, LGV, rocades,

Par exemple, dans le périurbain, le pavillonnaire dispersé, pour de simples raisons de coût de l’accession à la propriété foncière, va conduire à la ruine des centaines de milliers de ménages endettés. Sur ces communes pèse de plus en plus fortement le « tout-automobile », son coût, ses effets environnementaux, sa pression.  Alors que l’on observe partout dans le monde des évolutions dans les pratiques de déplacement, soutenues par une multitude d’initiatives locales dans notre pays on continue à refuser cette mutation inévitable. Le covoiturage, l’autopartage, le transport à la demande, le télé-travail s’y développent, ainsi que la minimisation des déplacements mais nous sommes encore très éloignés des nécessaires adaptations. Une vraie révolution est nécessaire ! Un certain nombre d’actions concrètes, souvent peu coûteuses, pourraient pourtant amplifier ces transformations : rendre les centres commerciaux accessibles à vélo, y prévoir des aires de covoiturage, des stations de transports en commun, mais aussi des tiers espaces, mettre en place des aménagements pour le vélo, qui a un grand potentiel de développement dans le périurbain, mailler le territoire de sentiers pour les piétons… C’est un vrai programme !  Créon l’a fait depuis 15 ans et a pu constater que les initiatives de ce type doivent aussi s’accompagner d’un changement des mentalités et des comportements qui n’est surtout pas évoqué car il choquerait l’électorat. 

 

Viser un changement très rapide serait optimiste dans le périurbain, esclave de la bagnole, mais, à terme, la voiture individuelle ne sera plus nécessairement la solution de déplacement par excellence dans ces territoires. Elle deviendra même un lourd handicap financier. 206 euros : c’est le budget moyen en effet dépensé par les Français en 2013. Si ce montant enregistre une baisse de 9 % par rapport à 2012, il n’en reste pas moins qu’il est en hausse pour 64 % des Français ! Comme souvent lorsqu’il est question de budget, on observe néanmoins de fortes disparités selon les foyers : ainsi, les ménages gagnant plus de 3 500 € par mois dépensent 257 € mensuels quand les foyers les plus modestes (revenus inférieurs à 1 000 €) ne consacrent aux transports que 95 € (à noter que d’un côté comme de l’autre, le budget subit une baisse presque identique par rapport au budget 2012 {- 17 % et – 19 %}). A l’inverse, la classe moyenne supérieure (aux revenus compris entre 2 000 à 3 499 € par mois) voit quant à elle son budget augmenter de 249 €, soit + 6 % en un an.

Outre les revenus, les montants alloués aux transports diffèrent également en fonction de la structure du ménage — par exemple, le budget des foyers avec enfants est nettement plus élevé que celui des foyers sans enfants (256 € contre 185 €) — et de l’utilisation quotidienne et exclusive de la voiture ou d’un deux-roues motorisé (263 € contre 139 € pour ceux qui n’en font pas usage tous les jours). Ce constat va s’aggraver et peser sur le périurbain dans lequel discrètement des centaines de familles éclatent et des maisons (1) se bradent pour que les banquiers puissent récupérer leur dû. Le trajet domicile-travail va prendre une part décisive dans la vie quotidienne dans un contexte de réduction du pouvoir d’achat. L’étalement urbain sera au moins aussi catastrophique dans la prochaine décennie qu’a été la concentration sociale verticale dans les banlieues. Le seul problème c’est que personne ne s’en préoccupe vraiment  pour l’instant on parle gros sous en affolant le contribuable-consommateur et en ne réveillant surtout pas le citoyen !

 

(1) Un ami investisseur me disait fièrement avoir acheté à 25 kilomètres de Bordeaux un maison de 80 m2 pour 36 000 euros aux enchères.

Cet article a 2 commentaires

  1. Facon

    Bonjour et merci M. Darmian vos réflexions coïncident pleinement avec les miennes. Ne perdons pas courage les bonnes idées et les constats factuels ne peuvent pas mourir, il faut seulement du temps pour que partant de la base ils parviennent au sommet.

    Salutations citoyennes

  2. J-P REIX

    J’ai eu le plaisir de parcourir une bonne partie de votre piste cyclable, loin des véhicules diesels puants et polluants (sans oublier les vieilles voitures essence et les 2 roues motorisés)
    Dommage qu’il n’y en ait pas bien davantage car ce serait très agréable d’aller travailler à vélo sur de telles voies.
    Félicitations aux décisionnaires qui en sont à l’origine.

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