31 ans plus tard les superlatifs et l'emphase ont changé. Pas les résultats !

Tout devient irrationnel dans le système médiatique où plus personne ne prend le temps d’analyser autre chose que l’écume des lames de fond qui envahissent les plages électorales. J’étais l’un des multiples invités du plateau de TV7-Sud-Ouest le soir des élections et je ne suis pas resté après une seule intervention face au déluge de propos convenus qui alimentaient ce qui n’était pas autre chose qu’un défilé de mode juppéiste. Tout tournait autour du triomphe du « chirurgien esthétique » de la ville de Bordeaux ayant réussi à persuader une ville socialement et économiquement malade qu’elle était en bonne santé du moment qu’on lui avait ravalé les façades et enlevé les rides de son visage. C’est révélateur de cette société des apparences où pour triompher il faut être bronzé, lifté et biotoxé « idéologiquement » mais surtout pas solide à l’intérieur.

Bien évidemment il y avait les ténors, les gens qui oublient aussi vite que leur ombre qu’il fat savoir dépasser l’instant pour revenir modestement à la réalité profonde. C’est ainsi que j’avais en mémoire le même soir des élections municipales de 1983… sur la communauté urbaine de Bordeaux ! Dommage que je n’ai pas pu face à ce défilé de mode politique rappeler ce qu’avait été les résultats d’alors. J’aurais eu tant de plaisir à leur dire que leurs propos étaient identiques à ceux de 1983 que j’avais entendu comme journaliste !

Nationalement il faut rappeler que, cette année là, les élections municipales du 6 et 13 mars, furent un véritable raz-de-marée pour l’opposition RPR-UDF. Deux après son élection à la présidence de la République François Mitterrand et son gouvernement sont véritablement sanctionné par les urnes. Jacques Chirac réalise le « grand chelem » à Paris (20/20) afec à Lionel Jospin, la droite réalise les conquêtes d’Avignon, Béziers, Chalon-sur-Saône (défaite de Pierre Joxe), Épinal (avec Philippe Séguin), Grasse, Grenoble (avec Carignon contre Dubedout), Nantes, Nîmes, Reims, Roubaix (un bastion PS), Saint-Etienne, Sète, Tourcoing. Brest. Saint-Chamond, Chambéry, Saint Quentin, Levallois-Perret, Rosny sous Bois, Savigny sur Orge, Athis-Mons…Une seule ville avait fait le chemin inverse (Chatellerault avec Edith Cresson) et Marseille sauvée avec Defferre grâce à la répartition de sièges par secteur. Lors de ces municipales,l’union RPR-UDF-DVD avait gagné une trentaine de villes de plus de 30 000 habitants, le PCF avait perdu 15 villes de plus de 30 000 habitants, le PS en avait perdu 16 !

Quelques mois plus tard ors de l’élection partielle de Dreux en septembre 1983, la liste du FN, représenté par Jean-Pierre Sturbois réalise au premier tour 17 % des voix, le meilleur score jamais obtenu par un candidat FN, lui permettant d’accéder au second tour contre le candidat sortant de la gauche unie et contre le candidat de la liste RPR/UDF. Pour le second tour, la liste RPR/UDF incorpore quatre représentants du FN en place éligible, dont Jean-Pierre Sturbois secrétaire général du parti. Cette alliance est contractée pour éviter une triangulaire qui limiterait fortement les chances de la droite dans une ville que Françoise Gaspard, au nom de l’Union de la gauche, avait remporté lors des élections de mars 1977. En mars 1983, elle avait été réélue mais l’élection avait été invalidée pour irrégularité du scrutin. Lors du second tour, la liste RPR/UDF/FN menée par Jean Hieaux gagne l’élection. Mis à part Bernard Stasi et Simone Veil, qui font part de leur désapprobation, les autres dirigeants de droite restent en retrait ou approuvent cette alliance locale au nom du contexte national (présence de quatre ministres communistes au gouvernement, « tournant de la rigueur ») et international (guerre russo-afghane)

A droite on se gaussait du gouvernement socialiste en perdition, à gauche on ressassait sa déception en s’égosillant au front « républicain ». Au RPR avec la même arrogance on parlait du Président de la République fraîchement élu ayant usurpé son pouvoir à son altesse Giscard, de la dérive du pouvoir d’achat, de l’insécurité, de l’austérité rampante, de la nullité des ministres, de rejet d’un certain Pierre Mauroy premier Ministre. Au PS on niait l’évidence en parlant de la crise, de l’impatience coupable des électrices et es électeurs, de l’absence de lien entre la politique nationale et les verdicts locaux.. Pour les commentateurs il fallait un remaniement… qui arrivera le 22 mars 1983 quelques jours après le second tour sans rien changer à l’appréciation générale sur les socialistes nuls et sans aucune qualité. Avez-vous suivi les plateaux de la heure couture politicienne ? Rien de nouveau. Aucune leçon retenue de l’Histoire… Les mêmes discours avec les mêmes éléments de langage préparés autour d’un repas entre directeurs de cabinet. Les mêmes sondages. Les mêmes villes. Les mêmes constats… et les mêmes conséquences : l’affaiblissement des « politiques » !

On aura donc dans 15 jours un gouvernement Ayrault 2 replâtré, réduit en nombre, avec un jeu traditionnel des chaises musicales. Il lui faudra appliquer une politique de rigueur terrible sous la férule de Bruxelles et rien ne changera sous le soleil des sunlights télévisés. Aucun recul ! Quand j’ai dit sur le plateau que, quels que soient les résultats, la journée était marquée par « la défaite de le citoyenneté » on a vite tourné la page ! Car c’est la seule différence réelle 30 ans plus tard : la désertion des citoyens dégoûté des produits de consommation courante locaux a été patente. On s’en accommodera du moment que l’on est élu(e) et on l’oubliera vite si on est battu(e) or c’est le plus important !

En 83, localement il y avait eu à Bordeaux une jeune femme (seule différence avec Feltesse) qui avait osé s’attaquer au Duc d’Aquitaine. Catherine Lalumière plus ou moins soutenue par les caciques du PS girondin (comme Feltesse) avait obtenu… 29,54 % face à Jacques Chaban Delmas qui culminait à 65,61 %. On parla de « défaite », puis de « déroute », enfin de « débâcle », et on enterra celle qui était la candidate unique de la Gauche. Feltesse et Maurin sont arrivés 31 ans plus tard à 29, 5 % (bizarre!) et on entend exactement les mêmes commentaires. On parle du « triomphe », du « destin », de « l’exceptionnel talent » de Juppé avec ses 59,7 % alors qu’on est loin très loin de la performance de Chaban en 83 mais comme peu de monde s’en souvient on fait du neuf avec du réchauffé. Quand on vous ressasse par ailleurs le « basculement » de la Communauté urbaine, c’est du même tonneau. En 83 les commentateurs étaient beaucoup plus réservés alors que 3 « énormes » communes tombaient : c’était la fin de règne d’ Henri Deschamps (PS) à Talence (un vrai séisme) ; la défaite de Pierre Lalumière (PS) à Le Bouscat ; celle de Pujol (PS) à Pessac et Michel sainte-Marie laissait son fauteuil de Président à… Jacques Chaban-Delmas malgré l’arrivée de serge Lamaison (PS) à Saint Médard en Jalles ! C’était il y a 31 ans et seuls les superlatifs, l’emphase médiatique ont changé ! Les erreurs humaines et tactiques sont les mêmes !

Cet article a 3 commentaires

  1. cussac

    Pour ma part j’apprécie particulièrement cette ville de Bordeaux où le maire a su rendre le fleuve aux Bordelais et donner un cadre de vie apprécié. Peu m’importe les statistiques politiciennes, l’ autosatisfaction et le besoin des politiques de tout bord d’exister au travers d’une sémantique qui les isolent. Cette élection ne constitue pas à mes yeux une chute de la citoyenneté, Ce n’est pas un hazard si M. JUPPE a été réélu dès le premier tour avec 61%des voix. Pensez vous qu’une liste élue sans concurence dans une ville de 4000 habitants a plus de légitimité ?
    Pour la première fois les responsables et commentateurs se penchent sur la signification de l’abstention et c’est heureux. Beaucoup n’ont pas voté suite à un choix délibéré.
    Je ne prétend pas être intellectuel, j’essaie d’être pragmatique.

  2. David Girard

    Juppé condamné il y a quelques années à un an d’inéligibilité pour une histoire d’emploi fictif à la mairie de Paris. Juppé qui préfèrerai voter blanc s’il devait choisir entre le P.S. et l’extrême droite….Voilà la médiocrité intrinsèque à l’UMP. C’est un maire bon pour Bordeaux, ville bourgeoise et endormie, mais moi je veux mieux que ce genre de politicard sans scrupules. Ne soyons pas girondins dans les têtes.

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