L'enterrement sans classe de la décentralisation…

Il y a 31 ans la France se lançait dans la grande aventure que représentait la décentralisation. Une décision annoncée lors des élections présidentielles et donc validée par la confiance accordée à François Mitterrand. Tout le monde savait en votant pour celui qui avait été président du Conseil général de la Nièvre et Maire de Château-Chinon qu’il mettrait fin à la main mise de l’Etat Jacobin sur une gestion de proximité totalement dépassée. Des collèges dans un état pitoyable, des routes à l’abandon, des transports moribonds, une solidarité totalement inégalitaire et un monde rural mal en point ; la grande idée consistait à faire confiance à la proximité, au suffrage universel et ensuite aux élus qui en avaient reçu l’onction pour gérer et d’effectuer des contrôles à posteriori. Il y a trente ans en effet paraissait la loi du 7 janvier 1983 dite « loi portant répartition de compétences entre les  communes, les départements, les régions et l’État ». Cette loi procédait au premier transfert de compétences. Elle faisait elle-même suite à la première loi de 1982, qui avait posé le cadre de la décentralisation.

Voici ce qu’en disait il y a quelques mois Marylise Lebranchu membre socialiste du gouvernement actuel en célébrant les 30 ans de cet acte refondateur de la République : « Ces lois ont changé la France. Elles ont libéré les collectivités de la tutelle de l’État. Elles ont surtout permis d’inventer de nouvelles politiques publiques, de mieux répondre aux besoins de la population et de donner aux élus les responsabilités qu’ils attendaient depuis des décennies. Et si je me permets d’y faire référence, ce n’est ni par nostalgie, ni pour l’anecdote, mais au nom des impératifs de l’actualité et des défis de l’avenir. En 1982 déjà, la décentralisation a correspondu à un besoin vital pour une France en crise. C’était la conviction des auteurs de la loi, notamment de François Mitterrand, qui avait eu cette phrase : « La France a eu besoin de la centralisation pour se faire. Elle a besoin de la décentralisation pour ne pas se défaire. » Trente ans après, la décentralisation est toujours aussi nécessaire car, chacun le sent bien, c’est de la mobilisation commune de l’État et des collectivités locales que viendra la solution à la crise économique que traverse notre pays. Soutien des PME, formation des jeunes, logement, enseignement supérieur, recherche, culture, environnement, écologie : c’est ensemble, État et collectivités, que nous serons à la hauteur des attentes des Français pour relever ces défis.(…). » Elle a dû se sentir mal en entendant le nouveau premier des ministres prendre le chemine exactement inverse et tuer en deux coups de cuillère à pots trente années de confiance dans les élus locaux.

Au nom des difficultés de l’État incapable de juguler ses dépenses accordées par un empilage de textes, de lois, de règlements souvent non évalués et contradictoires. Arrivé à Matignon l’ex-Ministre de l’Intérieur ayant motivé et envoyé au combat les élus socialistes pour soutenir une réforme du système électoral cantonal fait demi-tour en rase campagne pour expliquer que le fameux « conseil départemental » présenté comme garant de la « solidarité territoriale » n’est qu’un OVNI politique. On élira des conseillers départementaux qui effectueront un mandat de 6 ans et ensuite se « suicideront » en 2021. On ne recule devant aucune absurdité.  Il s’agit encore une fois d’un effet d’annonce inconsidéré reposant simplement sur le souhait de conforter les poncifs de l’opinion dominante.

J’avais depuis la réunion post-municipales de l’Assemblée des Départements de France de nombreux indices de cette décision correspondant une fois encore à une vision strictement technocratique de la France. Personne, absolument personne a évalué les conséquences d’une telle suppression qu’avait déjà tenté le gouvernement Fillon avec la fusion absorption des conseillers généraux par les régions ! Il faudra encore une réforme de la Constitution pour imposer cette réforme et une majorité des 3/5° du Congrès ce qui sera impossible après le renouvellement du Sénat ! Sarkozy n’a jamais osé et… Valls vient de le faire avec le soutien de l’ex-Président du Conseil général de la Corrèze monté à Paris !

En entendant le gouvernement va étrangler financièrement les collectivités territoriales avec une nouvelle ponction de 10 milliards s’ajoutant à celle de cette année. Déjà mal en point le mouvement associatif va s’éteindre à petit feu et les investissements indispensables à la vie quotidienne va s’étioler. Qui va remplir les fonctions aujourd’hui occupées par les conseils généraux ? Que devient le financement du RSA, des collèges, des pompiers, etc. Cela peut retourner à l’Etat ou aux communautés d’agglomération ou aux métropoles, selon les cas, mais cela va à coup sûr poser d’importants problèmes, notamment dans les zones rurales. Si on analyse le scrutin des élections municipales, on se rend compte que les citoyens ont demandé plus de proximité. Et voilà le résultat aujourd’hui ! Certes, cette idée du « millefeuille administratif » est dans la tête de tous les gens. Mais c’est céder bien vite à l’opinion publique. Et cela fait du mal à la démocratie. Très mal !

http://patrickkanner.fr/suite-a-la-proposition-du-premier-ministre-de-supprimer-les-conseils-departementaux-a-lhorizon-2021/

Cet article a 6 commentaires

  1. Rocky

    Déjà la réforme de la carte cantonale, avec cette idée baroque du binôme, c’était assez rock ‘n roll, mais là on touche au sublime, la décentralisation sans régions et sans départements, et avec des communes étranglées et sans aucune marge de manoeuvre financière.
    Sarkozy y a pensé, Valls le fait. Génial !
    L’avenir électoral des socialistes s’annonce brillant, avec ça..
    D’un autre côté, quand Sarkozy reviendra, en 2017, on risque de même pas se rendre compte de la différence.

  2. Vinz

    Sarkozy en a rêvé, Valls l’a fait…
    Et la suppression des charges patronales sur le Smic, même Sarkozy n’avait pas osé aller jusque-là. Pas salariales, qui auraient permis un meilleur pouvoir d’achat des bas salaires, non, PATRONALES! Objectif des patrons: tous au Smic!!!

    La droite a pris toutes les villes aux municipales; Paris a tenu, mais Matignon est passé à droite!!!

  3. Vinz

    Mea maxima culpa…
    Je viens de lire dans Sud ouest que c’est bien les charges salariales qui seraient supprimées… Ils disent n.importe quoi sur France Inter!
    Ceci dit, je viens aussi de lire qu’il allait assouplir la réforme des rythmes scolaires… Ça sent l’enfumage et l’enterrement de 1ère classe…

  4. Vinz

    C’est à n’y rien comprendre… Je viens d’entendre l’extrait du discours de Valls. Il parle bien d’exonération des charges patronales… Et d’un autre côté, à la radio, de gain de pouvoir d’achat de 500€ par an pour les smicards du fait de la suppression des charges salariales… Ça commence dans la clarté cette période de cohabitation!

  5. chollon

    Cher Jean Marie, je partage 90% de ton point de vue mais il faudrait que tu précises si tu vas intervenir auprès de la députée Martine Faure dont tu es le suppléant pour qu’elle ne vote pas ses lois car si tu parles de technocrates qui pensent les lois, il ne faut pas oublier que ce sont encore les députés qui les votent. Comme ils ont voté la décentralisation il y a 30 ans. Alors je te rejoindrai à 100%. Amitiés

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