Royal a le ticket en ressuscitant la vignette pour camions étrangers

Paul Ramadier reste l’un des hommes politiques les plus connus dans les plus anciennes générations du pays. Il n’a pourtant jamais eu la verve idéologique de Jaurés, la stature historique de de Gaulle, la rigueur morale de Mendés-France ou l’habileté manœuvrière de Mitterrand. Sa barbiche trotskiste ou Napoléon III (selon ce que l’on retient des ses orientations politiques) ne lui a jamais valu une notoriété particulière tellement elle semblait héritée de cette III° République fondatrice de l’austérité républicaine.

Avocat défenseur des coopératives, militant socialiste dès1904 et député socialiste de l’Aveyron il avait eu un passé de combattant de la guerre 14-18 où comme beaucoup il avait échappé de peu à la mort après un acte héroïque lui ayant valu la Médaille militaire et la Croix de guerre. Favorable à la participation des socialistes au pouvoir, il avait quitté la SFIO pour rejoindre l’Union socialiste républicaine. Il faisait partie du fameux… gouvernement Léon Blum en 1936 comme sous-secrétaire d’État (mines, électricité et combustibles liquides) puis du gouvernement Camille Chautemps comme sous-secrétaire d’État (quelle déchéance ce serait à notre époque) aux Travaux publics. Sous le Front populaire, il fait adopter d’importantes lois sociales qui ne porteront jamais son nom : loi sur les accidents du travail, la retraite et les 40 heures ! Il est ministre du Travail de janvier à août 1938 dans le cabinet Édouard Daladier, puis démissionne quand celui-ci remet en cause la semaine de 40 heures qui est au cœur des réformes lancées par le Front populaire. Il s’illustre par ses coups de gueule et son intransigeance idéologique et il refuse donc avec véhémence et courage de reconnaître les pleins pouvoirs à Pétain en juillet 1940.  Résistant il rejoint de nouveau la S.F.I.O. pendant l’Occupation pour mener une action en faveur des Juifs lui valant d’être inscrit sur la liste des Justes parmi les nations.

À la Libération, il est ministre du Ravitaillement de novembre 1944 à mai 1945 (gouvernement de Gaulle) et se voit surnommé « Ramadan » ou « Ramadiète », bien qu’il donne l’exemple en travaillant dans un bureau non chauffé (on est vraiment dans le symbole). Il occupera divers ministères après avoir été confronté à d’énormes difficultés dans tous les domaines comme chef de gouvernement en 1947. Un énorme travail politique, une fidélité à ses engagements, un courage à toute épreuve et donc plus de 30 années de bons et loyaux services républicains sont effacés par des « erreurs » outre-mer dont il n’était absolument pas responsable. Il a toujours assumé ses idées mais il est entré dans l’Histoire par le plus mauvais des chemins : celui des taxes !

En 1956, les finances publiques françaises sont à sec, mais Guy Mollet veut trouver une nouvelle source de financement pour garantir un revenu minimum à toutes les personnes âgées de plus de 65 ans, via un nouveau « Fonds National de solidarité ». Le choix se porte sur l’automobile, produit considéré comme luxueux à l’époque. Il invente la fameuse « Vignette » qui le fera entrer dans l’Histoire. Les plus de 65 ans en sont exonérés. Adopté par le Parlement, le 27 juin 1956, le texte entre en application en septembre et les premières vignettes arborant la mention « Fond national de solidarité » sont apposées sur les pare-brise en décembre. Cette année-là, ce nouvel impôt a un effet contestable sur les finances publiques : la consommation d’automobile baisse et la perte de TVA dépasse à elle-seule le produit du nouvel impôt (270 millions de francs de l’époque), sans compter les effets indirects sur l’industrie automobile française et ses salariés.

Les années suivantes, cet effet est masqué par la croissance continue du secteur, et l’État ne renonce pas à cet impôt mais la constitution de 1958 réaffirme le principe d’unité du budget de l’État, et interdit d’affecter une recette à une politique. Ramadier est trahi ! En 1959, l’état prend acte de ce principe et récupère directement le produit de la vignette : jamais jusqu’en 2000 quand Laurent Fabius la supprime elle a servi à son objectif initial. Ramadier meurt en 1961 et ne verra aucun retour de sa création fiscale ! Ségolène Royal a repris l’idée à son compte pour compenser la disparition programmée de l’écotaxe !

L’une des pistes envisagées consisterait ainsi à forcer les camions étrangers à emprunter le réseau autoroutier à péage « plutôt qu’encombrer les routes ». L’Etat pourrait ensuite prélever une partie des recettes supplémentaires encaissées de ce fait par les sociétés d’autoroute pour entretenir les routes. Pas facile ! Autre piste à l’étude, déjà mise en œuvre en Suisse : créer une vignette qui serait payée par les camions étrangers à la frontière.  « Comme ça, on est sûr de ne faire payer que les camions étrangers et donc il n’y a pas de distorsion de concurrence avec les transporteurs. » Il n’est pas certain du tout qu’au nom de la concurrence libre et non faussée Bruxelles ne mette pas un bémol à la royale vignette ! Ramadier n’avait pas eu ce problème pour taxer les « bagnoles » françaises.

Cet article a 2 commentaires

  1. J.J.

    Ramadier était célèbre en son temps : un de mes voisins avait baptisé son chat « Ramadier »….

    Il est étonnant comme on fustige toujours (à bon droit parfois, quand au lieu de faire participer les plus riches on ponctionne les plus modestes) ceux qui créent et proposent de nouvelles taxes.
    Mais, tel un train arrivant à l’heure, on ne glorifie jamais ceux qui les suppriment : la disparition de la vignette a été accompagnée d’un assourdissant silence.

    Il serait parfaitement normal que les camions étrangers dont nous subissons les nuisances et qui usent et détériorent notre réseau routier, géré avec nos contributions, participent à son entretien et à son développement.

    Un exemple entre autres : les poids lourds quittent l’A10 à Poitiers et traversent gratos le département de la Charente dont ils accaparent et abiment sans contre partie la RN10.

  2. dubernat

    bof il faut pomper les français comme des éponges une taxe de + pour qui cette fois
    pas les « vieux » mais pour boucher les trous sans fin

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