Le dessin caché d'une autre territorialisation de la France

Lorsque vous êtes sous le feu de vos ennemis, à découvert, la technique du combat consiste à courir en zigzag sous les balles avec l’espoir d’en prendre le moins possible jusqu’à votre retour aux abris. Il faut savoir aussi savoir reculer aussi vite que l’on a avancé afin de détourner l’attention. Il faut bien avouer que l’exercice est risqué. C’est probablement cette attitude que les conseillers discrets de François Hollande lui ont conseillé pour terminer son mandat. Elle lui correspond parfaitement puisque c’est celle qu’il a toujours adoptée pour échapper aux tireurs d’élite de son propre camp. Le vrai problème, c’est pour les soldats qui l’ont accompagné car il leur faut suivre le parcours et en comprendre l’intérêt collectif. La réforme territoriale en est l’exemple le plus criant. Tout le monde sait, à part le cabinet présidentiel, que le président actuel doit son élection au travail de fond effectué par les élus locaux de son camp en 2011 autour des propositions sarkozystes consécutives au rapport Balladur-Attali. Comme l’entourage présidentiel ignore tout de ce travail de fourmi politique jusqu’au brutal réveil des municipales, avant la raclée des européennes et le désastre prévisible des sénatoriales le chantier va se poursuivre.

Bien évidemment les médias focalisent sur l’écume de la vague réformatrice que semble souhaiter davantage Manuel Valls que François Hollande. Rares sont les « je-sais-tout » des radios, des télés qui ont identifié le virage considérable pris par une poignée de responsables politiques appartenant au PS. En effet après les tergiversations de Jean-Marc Ayrault, Marylise Lebranchu et Anne-Marie Escoffier (elle a payé son indécision) destinées à éviter des écueils dangereux Manuel Valls a brutalement (il paraît que c’est sa marque de fabrique) changé de cap ! Finie la décentralisation et place à la fédération ! Tout désormais va se dérouler étape après étape pour la construction d’une France totalement différente de celle des promesses électorales.

Sachant qu’il n’y a aucun espoir que l’Etat soit en capacité d’assumer ses responsabilités alors l’option politique c’est de refiler le maximum de charges sur 10 ou 12 régions en cours de constitution et sur une douzaine de « métropoles ». Première étape : leur donner une assise suffisante pour qu’elle encaisse le choc sans qu’à aucun moment soit évoqué leurs ressources. Objectif : avoir sur le territoire métropolitain une trentaine de « gouverneurs » avec lesquels on peut plus aisément « agir » à coté le Parlement. L’avidité de l’Association des Régions de France et l’arrivée à la tête des grandes agglomérations de présidents de Droite facilitent le mouvement de transfert… qui, maintenant c’est certain va s’accélérer.

La « fédéralisation » de la France passera d’abord par un découpage territorial (le contenant) et se poursuivra par les compétences (le contenu) en 2015. On appliquera exactement la même méthode au niveau local tant en zone urbaine (métropole ou communauté d’agglomération) que rurale (communautés de communes) dans un second temps. A l’arrivée en 2017 il y aura deux victimes « historiques »… le département et la commune qui seront vidés de leurs substance par siphonnage des moyens financiers et des compétences. En définitive la réforme qui a été lancée à marche forcée par le Président est celles des poupées gigognes à deux niveaux : national et local ! C’est un vrai big-bang « politique » jamais abordé au sein du Parti socialiste mais considéré comme adopté ! Ce changement de cap est plus habile qu’on le pense puisqu’il existe parmi les centre droit ou le centre gauche des adeptes de cette nouvelle vision de la France ! Les forcenés de l’UMP vont hurler sur la forme (décalage des élections) mais ils vont être coincés sur le fond (disparition des départements) car c’est simplement la mise en œuvre du rapport Balladur de 2009 qu’ils n’ont jamais mis en œuvre ! On va donc assister encore une fois à un affrontement superficiel alors que l’enjeu est décisif pour l’avenir de la nation. Ne connaissant ni les départements, ni les intercommunalités Montesquieu voyait dans l’Esprit des lois des exemples de républiques fédéralistes dans les « sociétés de sociétés », la polis réunissant des villages, et les cités elles-mêmes formant des confédérations… Les métropoles et les communautés de communes ne sont pas autres réalités !  En fait on en revient à la vision qu’avaient eu les Girondins de l’organisation territoriale en 1792 et 1793, départements en moins !

Je ne me prononce pas sur le bien-fondé de cette démarche car tout est à construire ! Et c’est là le plus préoccupant car encore une fois pouvons nous détruire sans avoir de vrais solutions pérennes de rechange. Je demande l’organisation d’un Grenelle de la réforme territoriale autour du projet de loi encore décalé au 24 mai ! Courir en zigzags sous les balles ennemies c’est épuisant et guère rassurant et productif.

Cet article a 2 commentaires

  1. Rocky

    Pas faux….

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