Le Québec terre d'ambition et de modestie

Lors d’une conférence débat le correspondant à Paris du grand quotidien francophone « La Presse » établissait un état des liens entre le Québec et la France. Il faisait partager à un auditoire attentif ses constats : « En France on parle de plus en plus du Canada et de moins en moins du Québec. Et c’est très inquiétant pour les relations historiques, culturelles, sociales et humaines que nous avons entretenues depuis des décennies ! Lentement nous disparaissons sans nous en rendre compte du monde des Français ! » Il faut bien avouer que l’inverse est également vrai et que les Québécois empêtrés dans des affaires politico-financières au moins aussi sordides que celles que nous vivons, ne se préoccupent guère de cultiver leur statut dans la francophonie. D’ailleurs existe-t-elle encore la francophonie quand on sait que les priorités financières ne sont vraiment pas à la défense de notre langue dans le monde ? Dans la « Belle province » on essaie de résister mais de plus en plus mollement puisque le retour du libéralisme lors des dernières élections a fait pencher la balance, comme partout ailleurs, vers des « économies » emportant toute considération humaniste sur son passage. Le pacte franco-québécois a du plomb dans l’aile !

On dresse là-aussi, des listes de suppressions de postes dans l’éducation, dans les avantages historiques pour les étudiants français, dans la culture, dans ce qu’il restait des services publics et on va vers la privatisation totale de pans entiers de la vie sociale avec bien évidemment derrière la puissance de feu du voisin américain qui saute sur toutes les opportunités d’installation de ses multinationales ! Partout des affiches clament pourtant le besoin de personnel médical, d’accompagnants sociaux ou de techniciens qualifiés. L’immigration reste vitale à double titre pour ce vrai faux « pays »: résister à un Canada anglophone envahissant et assurer un développement garantissant les ressources pour une population âgée. Rien de bien nouveau sous le soleil printanier de Montréal ! Désormais il faut donc aller puiser , après Haïti et l’Afrique occidentale dans les élites du Maghreb pour tenir les objectifs initiaux puisque les liens avec la France se sont distendus. On ne rêve plus autant dans l’Hexagone qu’avant de chercher fortune au Québec mais par contre on espère y trouver ce qui fait tant défaut en Europe : l’espoir ! C’est certainement le premier des atouts du Canada en général ! C’est ce qui manque à la jeunesse de France.

Le principe reste le même depuis que le Nouveau Monde existe et il a servi de guide à des millions d’immigrants : on vient chercher ici ce que son pays ne donne plus. Rares sont celles et ceux qui s’imaginent en Rockfeller ou en Bill Gates mais nombreux sont celles et ceux qui espèrent enfin être reconnus à leur juste valeur. Une bonne part des « immigrants choisis » veulent effacer sur le sol canadien les séquelles d’une forme de mépris pour sa jeunesse qu’ont certains pays comme la France. On doute d’eux. On leur demande sans cesse des preuves de leur rentabilité, de leur efficacité, de leur sérieux. On les jauge et on les juge sur des a priori permanents ! Ils vont voir sur les rives du Saint-Laurent si l’on peut être reconnu pour son savoir-faire, son initiative, sa compétitivité! Rien n’est facile au Québec mais au moins on peut chercher et vite trouver sa chance de se prouver que l’on est capable d’être autre chose qu’un individu « manquant d’expérience » ou « coûtant trop cher ! ».

On a oublié chez nous que toute jeunesse se compose de seulement 2 catégories d’individus : les « héritiers » et les « conquérants ». Or à Montréal, viennent ces derniers volontairement et consciemment « conquérir » leur avenir avec tous les efforts et toutes les embûches que cela suppose. Impossible de subir, d’attendre, de se réfugier derrière les défaillances des autres. La liberté d’agir, d’entreprendre est omniprésente… mais elle suppose que l’on se soumet au risque et à la mise en jeu de sa responsabilité. La « conquête » suppose chez les jeunes, un mélange d’ambition et de modestie, deux facettes contradictoires mais indispensables pour réussir. Bien évidemment ces deux qualités n’existent plus dans les sociétés « d’héritiers » car elles leur permettent seulement de réclamer ce qu’ils estiment être leur dû. Le Quebec garde son attrait pour cet état d’esprit particulier propre aux terres d’accueil comme ne l’est plus la France !

La culture multiple et tolérante (même touchée par l’austérité) reste le ferment de la vie urbaine. La créativité sous toutes ses formes tourne les esprits vers l’innovation. L’autonomie donne des ailes à l’entreprise. Le Québec ne peut pas être idéalisé mais c’est un bel espace de vie pour les « constructeurs », pour les « coopérateurs », pour les « partageurs », pour les « rêveurs ». Enfin c’était le cas jusqu’à maintenant car depuis l’arrivée au pouvoir de la province du libéral Philippe Couillard on parle de restreindre les quotas d’immigration et de limiter l’accès à certains emplois. Ce n’est pas ce qui empêchera une certaine jeunesse de continuer en France à croire en un Québec libre !

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