Comment prévoir l'imprévisible avec certitude ?

Dans le domaine de la gestion publique, un élu se doit de présenter à son assemblée délibérante un budget « sincère et véritable » tant dans le domaine des dépenses qui ne peuvent pas être sous-évaluées ou dans celui des recettes qui ne sauraient être surévaluées. C’est un principe que l’on a du à juger  dans la mesure où les capacités de « prévoir » deviennent très aléatoires dans un monde changeant en permanence surtout dans le domaine des recettes. En fait il faut essentiellement se concentrer sur les rentrées espérées d plus en plus liées à des phénomènes indépendants de la volonté de celle ou celui qui établit les prévisions. Comment par exemple assurer que le chiffre annoncé en matière de rentrée fiscale est bien cadré quand les services spécialisés dans la prédiction financière pataugent au mois le mois?. La cour des comptes veille au grain. Elle tente de se substituer au « politique » en donnant à posteriori alors qu’il faudrait juger de la qualité du budget au moment d son élaboration. C’est à dire dans quelques semaines pour l’édition 2015 !

« L’écart entre prévision et exécution sur l’évolution spontanée des recettes fiscales souligne le manque de prudence de la loi de finances initiale et peut soulever une interrogation au regard de la sincérité de cette dernière », écrit la Cour dans ce rapport portant sur l’exécution du budget de l’Etat en 2013. Le moindre rendement des recettes fiscales demeure mal expliqué par l’administration », regrette par ailleurs la Cour. L’institution souligne que les recettes fiscales nettes l’an dernier ont été très inférieures aux prévisions de départ. C’est un constat qui veut démontrer qu’en matière de niveau de la consommation (TVA) de revenus ou des sociétés le gouvernement aurait sciemment dopé ses recettes !

Les impôts, fortement alourdis l’an dernier, auraient dû rapporter à l’Etat 30,2 milliards d’euros de plus qu’en 2012. Mais au final, les recettes fiscales ont augmenté deux fois moins que prévu, de 15,6 milliards, souligne la Cour. Un manque à gagner de 14,6 milliards… La Cour explique ces dérapages à la fois par une croissance plus faible que prévu l’an dernier et par un aspect de technique budgétaire, celui de « l’élasticité » des recettes fiscales. Facile à pronostiquer après coup… quand on est jugé sur une évaluation pessimiste (insincère) ou optimiste (insincère aussi) qu’il est délicat de justifier dans un cas comme dans l’autre !

Dans ses projets de budget, Bercy établit un rapport entre la croissance du Produit intérieur brut et celle des recettes fiscales, la fameuse « élasticité », évaluant ainsi le rythme auquel « rentre » l’impôt.values quand la conjoncture est mauvaise mais aussi des cagnottes quand la croissance surprend à la hausse. Et c’est là le moment d’hypocrisie puisque si votre prévision est supérieure vous êtes accusé de faire le beau en constituant une réserve et dans le cas contraire de créer un déficit ! Pour le budget 2014, l’Etat n’a pas vraiment changé de mode de calcul, puisque la loi de finances initiale juge qu’à législation constante, les prélèvements obligatoires évolueront au même rythme que le PIB. Ce que le Haut conseil des Finances publiques, organe indépendant adossé à la Cour des comptes, a d’ores et déjà jugé « optimiste ».

Dans l’ensemble, bien qu’inférieures aux prévisions, les recettes fiscales nettes de l’Etat ont affiché l’an dernier leur quatrième année consécutive de hausse, progressant de 15,6 milliards d’euros par rapport à 2012, et ont retrouvé leur niveau d’avant la crise de 2008. Ce serait logique compte-tenu des ajustements effectués mais pour la Cour c’est inférieur à ce que l’on attendait. Tout se conjugue pour qu’il en soit ainsi (baisse de la consommation, diminution des bénéfices réalisés par les sociétés habiles à jouer avec les impôts, revenus stagnants ou en diminution…) et c’est plutôt ce que devrait analyser la Cour des comptes. Le reproche essentiel qui peut être fait à ce type de rapport c’est celui d’une analyse globale sommaire mais sans aucune vraie « conseil » à l’Etat ou mieux sans avoir mesuré les effets mais surtout avoir identifié les causes.

Cette propension des autorités de « tutelle » ou de « jugement » à juger le « politique » devient préoccupante car elle dénie tout sens aux valeurs portées par les élus. En déconnectant ses observations des réalités locales, on en arrive à des jugements hâtifs et surtout très peu fouillés. Un budget peut ainsi être particulièrement sommaire mais se pourrait être sincère et véritable. Comment l’apprécier ? C’est extrêmement difficile puisque très peu de chiffres destinés à être plantés sur les pages blanches du Commissaire sont forcément insincères car liés à une estimation ayant le propre de ne pas pour être sincère à 100 %. C’est la seule prévision indiscutable !

Cet article a 2 commentaires

  1. FOURNY

    L’art de la prévision est bien difficile, surtout dans le contexte actuel, car il fait appel à plusieurs vecteurs.
    Que l’on peut résumer au nombre de trois principaux qui sont totalement interdépendants, le contexte politique, le contexte économique et le contexte sociologique.
    Il est évident que lorsque le gouvernement établit sa loi de finances, et dans les contraintes actuelles, il a tout intérêt à annoncer de manière raisonnable des lendemains qui chantent
    Sinon quel serait l’objectif de la mise en place de sa politique, si lors du vote demain serait pire qu’aujourd’hui. Il ne peut faire autrement que d’annoncer que ses mesures en général, celles que l’on retient et qui sont impopulaires, ne dureront pas et disparaitront dès la sortie de crise.
    Dans le même temps, il dispose d’indicateurs nombreux parfois contradictoires, pour l’aider à élaborer sa politique budgétaire, FMI, OCDE, UE, INSEE etc (d’ailleurs à ce sujet il faut lire le canard enchainé qui s’amuse parfois à faire le comparatif entre les prévisions annoncées et la réalité de ces organismes savants et c’est parfois cocasse).
    Donc politiquement, si l’on est contraint à la sincérité lors de l’élaboration d’une loi de finances, on se doit aussi à l’optimisme.
    Pourtant, les réalisations ne sont pas toujours à l’hauteur des espérances, si les impôts ne sont pas rentrés autant que prévus, il faut noter que le déficit s’est avéré en pourcentage un peu moins fort que ce qu’annonçaient les premières estimations, la « vérité » des chiffres.
    L’influence du politique existe donc, mais il n’est pas seul décisionnaire, le contexte économique mondiale pèse beaucoup sur les résultats, on connait tous, les deux chocs pétroliers qui ont rebattu les cartes de l’économie mondiale, mais on a des exemples plus récents et plus anecdotiques comme le Tsunami dans le Sud Est Asiatique et FUKUSHIMA qui ont eu d’énormes impacts liés à la concentration économique sur les semi-conducteurs et d’après certains analystes ont ralenti la croissance mondiale de 0,1 à ,0,2%. Cela démontre les relations qui existent entre le politique et l’économique.
    La dimension sociologique est loin d’être négligeable, ce que d’anciens politiques répétaient « il faut rétablir la confiance », je ne parle pas de rétablir la confiance dans le Politique car là la difficulté est énorme, je parle de rétablir la confiance dans la ou les politiques mises en œuvre, tant que le citoyen, consommateur, contribuable lambda n’aura pas confiance en son avenir et qu’il le verra moins rose que le présent, aucune vraie politique économique ne pourra être mise en place. L’influence du consommateur final est la clé de voute de la réussite d’une politique économique car il est aussi bien souvent le contribuable. Et celui-ci à l’égal quasiment d’un aléa climatique qui est le plus difficile à cerner dans son comportement.

    Alors, quand les thuriféraires de la norme comptable, de la vérité des chiffres viennent donner des conseils a posteriori en grande pompe, revêtus de leur parure rouge sur la vérité des chiffres qui ne représente qu’une situation à un instant I, qui n’est déjà plus vraie au moment même où on l’évoque, je citerai Beaumarchais qui lui-même la reprenait « la critique est aisée, mais l’art est difficile »

  2. J-P REIX

    A mon sens la réserve est de loin préférable à un déficit supplémentaire.

Laisser un commentaire