Les maisons d'enfance sont les paradis de l'été

tabléeUne maison de vacances n’est pas systématiquement lointaine et onéreuse. En fait il suffirait d’interroger les gens qui comptent sur leur choix en la matière et on aurait une vraie image de ce qu’ils sont profondément. Des somptueuses villas dans des sites réputés paradisiaques louées pour des sommes folles, avec pieds dans l’eau, môle d’accostage et plage privée reflètent la réussite sociale dans le monde du profit. Il est même significatif de préciser dans les articles « pipole » dont raffole la ménagère de plus de 50 ans consignées sur la chaise longue de son jardin la surface de la location ou de la propriété ce qui constitue un échelon supérieur dans la fortune. Le paraître social prend toute sa démesure en été relayé par des magazines et par des rédactions tablant sur l’admiration des lectrices et des lecteurs pour le fric triomphant.
Pour peu que l’occupant(e) des les lieux soit une vedette du cinéma ou de la télé-irréalité et la demeure devient mythique. La période estivale est insupportable pour ce goût prononcé des médias en faveur des gens qui ne comptent pas justement en matière de budget dans un monde en perdition socialement, moralement et économiquement. L’argument suprême reste que ce n’est pas nouveau et que les « gens » adorent ça. Le Touquet, Deauville, ont perdu pied à une certaine époque face à Saint Tropez et Mandelieu puisque le monde du « showbizz »a supplanté celui des maîtres des forges ou des banquiers dans l’appropriation des vacances par procuration. Dans les années 60 par exemple les frasques de Bardot ou d’Eddy Barclay dans leur repaires faussement secrets de la Côte d’Azur ont beaucoup plus compté que les sorties familiales des grands patrons. Ce fut un vrai changement ! Ils peuvent désormais aller prendre la mer sur leurs yachts sans problème puisque la seule traque qui compte c’est celle des occupants « vedettes » de villas extraordinaires désireux de faire savoir qu’ils sont là !
Bien évidemment il y a aussi la très grand majorité des locataires estivaux qui retrouvent systématiquement ou découvrent un appartement ou un gîte. Les premiers sont les plus nombreux car on constate que les vacanciers réservent souvent le même emplacement de camping, le même bungalow ou la même location d’une année sur l’autre. Ils y amoncellent les bons ou les mauvais souvenirs et ne veulent surtout pas s’imposer un autre choix car dans le fond la force de l’habitude remplace l’esprit d’aventure. Pour eux ils ont le sentiment d’avoir dénicher le « coin » parfait avec ce qu’il faut pour se sentir décontracté. Pas question de confort, de visibilité externe, de standing mais simplement de plaisir de ne pas avoir à trouver des repères. Ces « maisons » provisoires ont le charme que chaque occupant veut bien leur donner. Souvent on y trouve des amis tout faits ou entretenus au fil des ans. Ils permettent d’écrire une histoire simple des séjours, construite avec des échanges sur les évolutions professionnelles et familiales des mois passés. C’est exactement comme sur le bateau « les copains d’abord » quand « (…) Au rendez-vous des bons copains…Y’avait pas souvent de lapins…Quand l’un d’entre eux manquait a bord…C’est qu’il était mort (…). On ne viendra jamais les voir pour un scoop et si la presse passe c’est uniquement avec le stagiaire d’été pour « le marronnier » sur le premier bilan de la saison touristique.
Il n’en reste pas moins que pour ma part, la vraie et la plus belle des maisons de vacances demeure celle des étés de son enfance ou celle dans laquelle on peut recevoir ses proches. Une soirée avec autour de soi, toutes les générations et tous les parents que l’on ne voit que de temps à autres constitue une perle rare de l’été. Pour celles et ceux qui y ont construit leur vie le retour en arrière reste magique. Chaque pièce, chaque odeur, chaque couleur, chaque moment de la journée ramènent des années en arrière avec leurs jardins secrets, leurs joies simples, leurs peines futiles mais surtout avec une foule de sensations construites au contact des autres. Les enfants y puisent à leur tour la matière à écrire leur propre album et souvent les petits-enfants s’imprègnent d’une atmosphère avec étonnement. Cette transmission, été après été, dans un espace que l’on a le privilège de posséder ou de partager prend une importance particulière dans un moment où les liens se distendent à cause des aléas de la vie, des emplois précaires et surtout des situations familiales de plus en plus complexes. Une grande tablée sous les étoiles simple, fraternelle est plus efficace pour des vacances réussies que tous les gueuletons standardisés. Que du bonheur de revivre chaque année une soirée en cercle fermé, discret, diverse en un lieu portant son propre cheminement! Si on n’a pas cette chance on perd vite le goût du paradis !
Marguerite Duras a résumé ce que pouvait représenter ce nid dont tout le monde s’envole tôt ou tard. « La maison, c’est la maison de famille, c’est pour y mettre les enfants et les hommes, pour les retenir dans un endroit fait pour eux, pour y contenir leur égarement, les distraire de cette humeur d’aventure, de fuite qui est la leur depuis les commencements des âges ». C’est encore plus vrai en été !

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