Les réactionnaires reviennent dans le jeu politique

En 1995 dans un contexte défavorable à la gauche en général et au PS en particulier, nous sommes partis dans l’aventure d’une élection législative avec Bernard Castagnet le maire de La Réole. Nous avions après une campagne éclair, échoué de quelques dizaines de voix que nous n’avions pas pu faire basculer. Une défaite honorable… en quelque sorte. J’ai de cette période un souvenir très précis d’un discours qu’Henri Emmanuelli avait prononcé dans l’espace culturel de Créon. « La France n’a jamais été à gauche. Il existe depuis des siècles dans notre pays, en profondeur, un e société réactionnaire en léthargie qui ne demande qu’à se réveiller. Ne vous faites pas d’illusions tout se joue chaque fois sur un résultat qui varie nationalement de 2 à 3 % dans uns en sens ou dans l’autre. Parfois c’est dans les villes que se fait l’écart mais l’ancrage de la droite est forte dans le milieu rural ! La gauche ne tient que par le périurbain et les banlieues… » Comment ne pas avoir en ces moments difficiles ces propos de celui qui n’a jamais retenu ses analyses face à la droite. « Vous verrez avait-il prédit lorsque cette droite réactionnaire assommée par le succès de Mitterrand reviendra à le surface nous traverserons une période difficile ». Et il faut admettre qu’elle est là et qu’il avait raison !
Cette Droite traditionaliste, moralisatrice, liberticide reprend lentement sa place au soleil de la politique. Elle se montre et surtout elle a pris confiance en elle en faisant reculer la gauche sur des valeurs essentielles comme la laïcité, la fraternité, la démocratie, le progrès social. Durant ces derniers jours elle vient de remporter deux victoires : le passage de l’avion anti-Hollande au-dessus de Notre Dame de Lorette a été son fait de guerre et surtout elle a fait capituler de manière lamentable le prodigieux Sarkozy, capable de ses petits bras musclés de lutter contre toute les racailles, de vaincre les pires ennemis et de devenir un chef emblématique grâce à ses conférences dans lesquelles il est rétribué grassement pour résister aux courants de pensée rétrogrades ! La gauche avait déjà plié devant elle depuis une bonne décennie avec des positions de « synthèse » qui laissent la place aux extrémismes considérés comme francs et réalistes par une population « surmédiatisée » et hypnotisée par une télé-réalité castratrice de la réflexion. Elle a baissé l’échine lors du débat sur l’école réputée libre en 1982 et depuis elle n’a cessé de reculer millimètre après millimètre face à une tache d’huile qui a envahi les esprits.
La France populiste est devenue raciste. Il n’y a que ses élites qui ne s’en rendent pas compte. C’est fait et le pire c’est que désormais c’est assumé. Les sondages sous-évaluent considérablement ces phénomènes d’empilage de diverses formes du racisme. Il fut une terrible époque où il fut exclusivement dirigé contre les juifs mais désormais on a une mosaïque de comportements racistes directs ou indirects qui touchent toute la société et même les enfants. Tendez vos oreilles dans les cours de récréation et observez certains comportements et vous perdrez vite le moral. Asseyez vous au comptoir d’un bistrot et écoutez ce que les brèves de comptoir portent. Entrez discrètement dans une salle de profs… Faites vous « invisible », installez vous dans une palombière ou un vestiaire de football. Le cumul des haines devient un vrai fléau. Les événements actuels n’arrangent rien car ils accentuent le phénomène en créant des peurs virant à l’angoisse. C’est être un utopiste que de contredire idéologiquement cette triste réalité.
La disparition des « amicales laïques », des « patronages laïques», des « foyers ruraux », les « foyers des collèges et des lycées »s ans financements qui bâtissaient un vivre ensemble dans l’action bénévole concrète (kermesse, ateliers, formation citoyenne, sorties, activités ludiques, sport, culture, journaux…) à coté de l’éducation a provoqué un vide dans lequel se sont engouffrés les communautarismes.
La France réactionnaire a donc pris le pouvoir à travers la lutte contre l’avancée sociétale du mariage pour tous qui n’est, pour elle, qu’un prétexte pour réhabiliter la morale religieuse intégriste. Elle a régénéré les idées d’avant le siècle des Lumières (la Tartufferie n’a jamais été autant prospère). Elle surfe sur ces convictions désormais profondément ancrées dans le monde rural ou paupérisé sous influence des télés. Le parisianisme continue pourtant à clamer son indignation mais ne s’attaque pas au mal. Les élites constatent mais ne proposent rien. Les « corporatismes » aveugles réclament des améliorations matérielles et occultent les causes des difficultés de fonds.
Le bleu de Marine a un terrain très favorable devant lui à cause de cette accumulation de poncifs. Il va croître et embellir dans ce que les « saigneurs » des partis appellent la « France profonde », que Raffarin avait baptisé la « France d’en bas » et que le géographe passionnant Christohe Guilluy nomme « la France périphérique ».
La réforme territoriale voulu par des technocrates ne vivant pas la réalité des territoires, en détruisant la proximité va accentuer le sentiment d’abandon éprouvé par cette France en mal être et faire des ravages imprévisibles. Elle a déjà fait entrer dans cette proximité (c’est déjà le cas aux municipales) des propagandistes d’idées réactionnaires. Ils sont déjà là cachés sous des étiquettes honorables alors que depuis la Libération ils n’osaient plus se montrer. Demain il sera trop tard ! La faute à qui ?

Cet article a 2 commentaires

  1. J.J.

    Voilà qui rajeunit les plus vieux d’entre nous : on commence à se croire ( pour ce que j’en ai entendu dire, ou vu lire ) aux temps de la cagoule et des sanglantes journées de février 1934.

    Ce n’est hélas pas un fait nouveau, et l’on a vu où cela nous a conduit.

  2. PC

    Et oui le racisme est partout dans nos campagnes, dans les entreprises etc…. il serait temps que nos grands penseurs de la capitale s’en rendent compte car Marine guette……
    Quand on voit comment les affiches du FN et du MIL fleurissent dans nos contrées sans avoir l’air de gêner personne, il y a lieu d’être très inquiet. Et on est là bien au-delà du conservatisme et du traditionalisme, le fascisme nous menace et ne comptons plus sur un « réveil citoyen ».
    « Ce n’est pas quand on s’est fait dessus qu’il faut serrer les fesses » dit-on dans mon village….à méditer pour 2017…

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