Les Français s'enlisent dans la démagogie

Le déficit français en matière d’éducation que l’on appelait civique menace la République elle-même. On a accumulé des dizaines d’années de renoncement à un enseignement didactique au nom d la réduction des horaires et des économies potentielles et aussi au fait que cet enseignement n’est plus apparu comme essentiel. Le « vivre ensemble » et plus encore la « solidarité » n’ont plus aucun sens dans une société dans laquelle la démagogie et le poujadisme ont pignon sur rue. Il ne peut y avoir d’avenir démocratique sans une forte campagne de remise à plat des principes essentiels de la vie collective. Tout se délite et à terme la Franc deviendra un pays ingouvernable par n’importe quelle majorité tellement on y cultive l’approximation et l’égoïsme. Un récent sondage sur la vision qu’auraient les Françaises et les Français des impôts révèle la réalité de cet état d’esprit. La facilité consiste en effet à bénéficier des retombées de cette contribution à la vie collective tout en condamnant la participation indispensable à son financement.
Seule une petite majorité considère en effet que payer l’impôt est un « devoir citoyen », et une grande partie d’entre eux juge que l’argent public est mal utilisé.
Certes mais nul se pose la question de savoir comment peut-on changer cette situation pour redonner toute sa valeur à cet effort de solidarité. Il faudrait leur poser la question sur les mesures à prendre. Et alors on verrait resurgir tous les poncifs portés par une opinion dominante gavée de fausses certitudes. Plus rien ne repose sur un raisonnement mais sur du prêt à porter idéologique vendu par des oppositions simplificatrices et surtout dotées d’une solide mauvaise foi. A force de dire n’importe quoi et de ne pas se pencher sur la finalité de l’imposition on en arrive à plonger le pays dans le doute et le rejet.
« La majorité des Français interrogés dans le cadre de cette étude ne remettent pas fondamentalement en cause le principe de l’impôt : pour 56 % d’entre eux, payer l’impôt est un devoir citoyen, c’est-à-dire une obligation morale de contribuer financièrement à ce qui fonde le vivre ensemble et garantit la cohésion de la société »
C’est déjà un moindre mal !Mais une « forte minorité » (37 %) perçoit l’impôt comme une « extorsion de fonds » montre ce même sondage. De façon paradoxale, cette proportion atteint 50 % chez ceux qui ne paient pas d’impôt sur le revenu. Et le problème est là. J’ai vu brailler dans des campagnes électorales des démagogues au sujet des impôts locaux alors qu’ils ne savaient même pas comment on les calcule. J’ai entendu un docte représentant du RPR se délecter en employant le qualificatif me concernant de « matraqueur fiscal » quand je proposait une augmentation du taux de fiscalité de 1 %. C’est une constante : moins les gens contribue et plus ils s’estiment lésés.
L’étude monte à 56 % chez ceux qui gagnent moins de 1 000 euros par mois et 61 % chez les personnes se déclarant politiquement proches du Front national ce qui est extrêmement inquiétant ! Depuis 2008, les pouvoirs publics n’ont cessé d’en appeler à l’effort collectif pour redresser la situation économique du pays. Mais, concrètement, pour les gens, cela s’est traduit par une pression fiscale accrue et non par une amélioration de la situation… Le vrai problème est là : il n’y a pas d’adéquation entre les cotisations de sécurité sociale et le niveau de soins, entre les cotisations retraite et le montant de la pension, entre le nombre de fonctionnaires et les exigences du service public dans tous les secteurs… C’est dramatique et l’on voit des attitudes épouvantables en ce moment avec des propos proches de la pire forme du fascisme. 84 % des personnes interrogées pensent par ailleurs que les pouvoirs publics gaspillent l’argent des impôts sans avoir aucune véritable base d’appréciation. 73 % préféreraient choisir elles-mêmes comment est affecté l’argent des impôts et devraient donc se présenter aux élections ! Sauf que quand on tente, comme je l’ai fait durant deux décennies de dialoguer sur le budget communal la salle était tellement vide que ce n’était d’aucune utilité. Les gens préféraient hurler avec les loups sans avoir les repères nécessaires pour se forger un vrai jugement. Ils confondent tout et souvent ils ne veulent surtout pas entendre le moindre raisonnement.
Le poujadisme consiste surtout à transformer de fausses généralités en certitudes. Les patrons dans la rue aujourd’hui n’ont rien fait d’autre ! Or une majorité des gens concernés par l’étude (56 %) se dit même prête à aider financièrement les entreprises qui se trouvent près de chez eux, en prenant des parts dans leur capital (40 %), en leur prêtant de l’argent (20 %) et même en leur faisant des dons (2 %). Voici la solution que Macron devrait exploiter plutôt que de donner avec… mes impôts des avantages sans retombées aux patrons qui le débinent ensuite dans les rues payées aussi avec mes impôts !

Cet article a 6 commentaires

  1. J.J.

    Etonnante, cette manifestation des patrons !
    J’ai d’abord eu envie de sortir mon mouchoir pour sécher les larmes qu’allaient m’arracher la description de leur pathétique situation.

    Puis je me suis un émerveillé : pas de casseurs en fin de manif, présence plus que discrète des forces de l’ordre, point de jets de grenades, etc….comme à une manif de la FNSEA.

    En voilà une belle organisation !

  2. François

    Mr Darmian , je suis idéologiquement plutôt du Front de Gauche mais Républicain avant tout , ce qui signifie qu’à ce titre , je ne porterai pas de critique sur une corporation qui en arrive à occuper la rue pour alerter l’opinion. Les PME sont le premier employeur de France loin devant les entreprises du cac 40 qui pour la plupart sont loin de contribuer à l’effort national. Quand elles ne mettent pas leur siège social dans un paradis fiscal , elles délocalisent sans aucun scrupule et continuent de réclamer toujours plus..et l’obtiennent au pris de divers chantages .
    Les gens qui défilaient hier ne sont pas de cette trempe. Les petits patrons sont admirables pour la plupart. Ils se battent pour s’en sortir et garder leur personnel, malgré la disproportion de ce qui leur est fiscalement demandé en comparaison des très grandes entreprises. Mais ce n’est pas tout , outre les charges fiscales ils dénoncent aussi les charges administratives que leur imposent des technocrates . Le calcul de pénibilité du travail concernant leurs salariés requiert de leur structure un surcroît de paperasse et de travail qui s’ajoute aux heures et au souci pour « gérer leur boutique » sans parler de l’urssaff et autres complications.
    Que le MEDEF quémande sans cesse me choque, mais que les petits patrons manifestent , je le comprends et les soutiens. Désolé. Je suis d’accord avec le reste de votre billet.

  3. reformator

    Les patrons qui manifestent, c’est rare c’est sûr; mais quand lis le font, c’est pour de bonnes raisons..Car l’Etat décourage les entrepreneurs avec toutes ses normes et ses charges..Le parti socialiste voit en l’entrepreneur la cible de toutes ses taxes…pour redistribuer à ceux qui ne travaillent pas, la fameuse solidarité nationale…toujours puiser sur celles et ceux qui travaillent pour aider celles et ceux qui ne travaillent pas…d’accord, mais il va falloir là aussi remédier à cela…ceux et celles qui ne cotisent pas depuis des années et des années, alors qu’ils sont en bonne santé, ne doivent plus bénéficier des largesses de l’Etat, profiter de la sueur des travailleurs..

    1. François

      Je ne crois pas que les choses soient aussi simples. Voir le monde divisé en deux catégories, les travailleurs d’un côté et les fainéants de l’autre, est un raccourci qui ne tient pas compte des réalités . La crise est un prétexte qui valide bien des régressions , en ce sens elle s’auto-alimente par l’équation : recherche de profits , rentabilité, réduction des salaires , pouvoir d’achat/ consommation ouverture à une concurrence libre mais faussée par les disparités de niveau entre les pays et cela sans protection douanières qui pourraient taxer les produits conçus dans les pays à faible coût de main d’œuvre. Les USA eux , taxent ce qui rentre. N’oubliez pas non plus que le plein emploi n’est pas dans l’idéal des employeurs qui préfèrent , par la peur du chômage, instaurer une concurrence entre travailleurs,et qui permet de baisser les salaires , ce qui a pour effet de baisser aussi la consommation donc les carnets de commande. Un cycle pervers qui ne profite qu’à quelques uns , mais sûrement pas à la majorité des victimes parmi lesquelles figurent aussi les petits patrons et leurs employés. De là à traiter ceux qui ne trouvent pas de travail d’assistés, (même si toute société comporte des cas sociaux incasables) , je trouve le raccourci que vous faites un peu.. simpliste.

  4. J.J.

    Ce qui est exécrable, c’est que ces « petits patrons », qui par leur mode de vie, leurs soucis, leurs difficultés sont plus proches de ce qu’un ancien ministre outrecuidant, prétentieux et mégalomane a appelé « la France d’en bas », fassent cause commune avec les malfaiteurs du CAC40.
    Ils ont mal choisi leurs alliés et en adoptant une attitude poujado-répulsive ils n’attirent pas la sympathie.
    Dommage !

  5. François

    Je laisse une réponse à Reformator dont le pseudo résonne comme terminator ,
    Mon âge me permet de vous dire que dans mon entourage , je n’ai pas connu de sangsues proprement dites. Quelques personnes en difficulté psychologique temporaire , et quelques autres manifestement inadaptés , injustement privés par Mère Nature des capacités de s’intégrer, oui.. Que la solidarité nationale les prenne en charge constitue pour moi une vertueuse mesure .
    Vous dites connaître beaucoup de sangsues et je ne remets pas en cause votre constat. Vous n’êtes pas sans savoir que jamais il n’y a eu autant d’écarts entre riches et pauvres dans nos sociétés. Cet écart (ce n’est pas moi qui l’affirme) ne cesse de s’accroitre. Dans le même temps , l’impôt est diabolisé alors qu’il est le moyen de contribution le plus juste qui soit quand il est calculé par rapport aux revenus des contributeurs. On pourrait se questionner sur ce que coûte la solidarité nationale (sangsues comprises) et le manque à gagner dont l’état se prive pour faire allégeance aux très riches sociétés cotées en bourse qui préfèrent faire de l’argent avec de l’argent plutôt que de contribuer au vivre ensemble. Le monde du travail , jadis paternaliste, a durci ses règles dans des proportions telles que la pression psychologique côtoie de prés le harcèlement et les salaires sont tirés vers des seuils si bas que certains , peut être, décrochent, quand ils ne sont pas décrochés pour des raisons de rentabilité.
    Les « travailleurs » sont des acteurs indispensables dans la création de richesse , Sans main d’œuvre , pas de travail . Cet incontournable mériterait de prendre en compte une donnée qui devient tabou dans la course au profit débridée , ça s’appelle redistribution ou partage des richesses .. Que certains décrochent parce qu’on exige d’eux des conditions de travail et un retour salarial si disproportionné qu’il s’apparente à une forme moderne d’esclavage , c’est finalement compréhensible. Mais je doute que la générosité nationale dont ils bénéficient offre une vie bien enviable et durable dans le temps.
    Si vous êtes bien rémunéré (donc considéré) par votre travail, tant mieux pour vous mais ce n’est peut être pas le cas pour tout le monde. Mais si vous acceptez des conditions de travail qui vous laissent juste de quoi vous nourrir avec en plus une ambiance au travail limite inhumaine, vous tiendrez combien de temps , vous , avant de rejoindre les parasites ?

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