La Faute : symbole de l'ambiguité du statut des élus !

Près de cinq ans après le passage de la tempête Xynthia, qui a coûté la vie à 29 habitants de la commune de… La Faute sur Mer dans la nuit du 27 au 28 février 2010, la justice a condamné le Maire ainsi que son ex-adjointe à l’urbanisme, à respectivement quatre et deux ans de prison ferme. Considérant que l’ancien maire n’avait pas « pris les mesures pour éviter les conséquences désastreuses de la tempête Xynthia », le tribunal est allé au-delà des réquisitions du parquet. Il ne s’agit nullement de refaire un procès qui a eu lieu et qui se tiendra à nouveau dans 18 mois environ à Poitiers en appel mais il est certain que pour l’opinion dominante cette très lourde sanction pénale sera vue de manière simpliste car elle ne sait pas grand chose des processus d’urbanisme qui concerne la vie communale. L’éducation citoyenne est tellement limitée que, dans le contexte actuel de généralisation de la chasse aux élus de tous rangs, les protestations des associations sont inaudibles. On accrédite en effet l’idée selon laquelle ce maire comme bien d’autres est un autocrate décidant ans aucun contrôle de l’urbanisation de sa commune et qu’il devrait tout anticiper. La procédure mériterait d’être rappelée par l’une de ces magnifiques infographies dont raffolent les médias. Tentons cependant de la rappeler aussi simplement que possible.
Les communes doivent en effet se doter d’un document d’urbanisme qui fixe les zones et les conditions de constructibilité. Il est élaboré par un cabinet spécialisé après une longue concertation avec tous les partenaires potentiels dont…les services de l’Etat qui épluchent minutieusement la conformité des propositions au code de l’urbanisme et aux prescriptions de différents schémas ou plans prévisionnels liés, aux risques technologiques, aux risques d’incendie, aux risques des carrières, aux risques des avalanches, aux risques de mouvements de terrain… et celui des inondations, d’environnement et tant d’autres. Tous ces documents sont arrêtés par le Préfet représentant de l’État et s’imposent aux décisions pouvant être prises dans le cadre de la « carte communale », le « plan local d’urbanisme » (PLU) anciennement appelé le Plan d’occupation des sols (POS). En plus désormais le Maire doit appliquer une schéma de cohérence et d’organisation territoriale (SCOT) lui aussi travaillé pendant des années, soumis lui-aussi à tous les services et validé par le Préfet… il est opposable au PLU et donc empêche les élus de déroger aux obligations qui sont les siennes.
Souvent les documents de référence (POS) sont très anciens et révisés périodiquement toujours avec le visa de l’Etat. Si des zones à urbaniser ont été inscrites antérieurement à l’arrivée d’un maire il doit les assumer sauf à fournir des arguments extrêmement cohérents et précis permettant de retirer le droit à construire. Or souvent dans les années 70 ou 80 on a généreusement distribué les droits à bâtir ce qui fait que les retirer relève de la prouesse !
Toute personne voulant construire doit s’il est lucide et informé aller en mairie regarder le PLU et surtout parfaitement lire le règlement de la zone où se trouve le terrain à acheter. Rares, très rares sont les gens qui effectuent cette démarche. Ils se contentent d’un « certificat d’urbanisme » ou des dires du vendeur… et ne regardent que le prix du m². Ils ne découvrent la réalité que bien plus tard avec souvent des approches polémiques à l’égard du Maire qui refuse un permis de construire ou démontre que le projet envisagé est illégal ! Et c’est la guerre… avec des propos dont on n’imagine pas la violence dès que des histoires de fric sont derrière la démarche du vendeur ou de l’acheteur.
Le dossier déposé en Mairie est encore pour quelques mois envoyé dans la très grande majorité des communes petites ou moyennes aux services de l’Etat (Direction Départementale des territoires et de la Mer plus connue sous le sigle de DDE pour ce que l’on appelle « l’instruction » qui passe par la consultation de tous les services (eau, électricité, assainissement, bâtiments de France parfois) ou d’autres collectivités s’il existe des « réservations » pour des réseaux.
Des fonctionnaires indépendants étudient les plans et la conformité du projet (lotissement ou bâtiment) avec le règlement du PLU, de la carte communale ou du règlement national d’urbanisme ! Il éditent un document avec l’ensemble des prescriptions positives ou négatives qu’ils transmettent au maire qui doit le signer dans la majorité des cas avant les délais légaux. Allant selon les cas de 2 à 5 mois. S’il refuse ou s’il la modifie la proposition de la DDTM sa décision est normalement soumise à l’autorité de tutelle qui peut exiger qu’elle soit rapportée. Il existe un délai de deux mois durant lequel le permis doit être affiché et peut faire l’objet d’un recours au tribunal administratif… ce n’est donc pas là qu’est le coeur du problème !
Alors les généralisations, plaies de notre époque, sont hâtives et dénuées de tout fondement réel !Mais il faut bien trouver comme dans une infinité de cas un « coupable-responsable » à ce qui ne sont que des affaires de fric. En fait la véritable activité citoyenne concerne la période d’établissements des documents d’urbanisme. La racine du mal, s’il existe, est là… et pas dans les décisions ultérieures et dans le jugement il faudrait savoir exactement quelle a été la position de l’État au moment de placer une zone « urbanisable » derrière une digue ! C’est la clé de cette triste affaire…
Afin d’améliorer la situation l’état ruiné va retirer dans 6 mois ses fonctionnaires instruisant les permis pour en laisser la seule responsabilité aux élus avec un refrain bien connu « mutualisez, payez et démerdez-vous… ». Dans quelques années il y aura, je vous le garantis, des dizaines de procès Xynthia !

Cet article a 6 commentaires

  1. Gilbert SOULET

    Bonjour Jean-Marie et merci pour tes remarques qui savent mettre les point sur les i et les barres sur les t.
    Je viens de vivre, dans notre Commune de Pertuis-Vaucluse (20.000 habitants), la démonstration de la Communauté du Pays d’Aix et d’un cabinet spécialisé au sujet du futur PDU envisagé pour l’horizon 2015-2025; Très peu de citoyens se sont déplacés; Certes, le PDU n’est pas le PLU, mais me semble-t’il, l’un dépend de l’autre. Et lorsque notre PDU sera mis en application, il fera probablement l’objet de réclamations : http://www.pertuisien.fr/flash.php?flash=65757;
    Mon amitié,
    Gilbert

  2. batistin

    A vous lire, Monsieur, je ne comprends pas pourquoi le Maire et son adjoint sont tenus pour seuls responsables.
    A moins, et je ne vois pas comment, qu’ils aient à eux seul détourné toutes les vérifications nécessaire à l’établissement d’un PLU.
    Avec le respect nécessaire au malheur et à la peine des familles, je ne peux toutefois ici qu’apprécier le titre de votre texte, que j’ai en première lecture, ayant oublié le nom de cette localité, lu comme ceci:
    « la faute.. le statut des élus »…
    Ce qui n’encouragera certainement pas les vocations.
    Sauf celles de Ministre peut-être, celui responsable du PLU.. Il doit bien exister cet homme là.. ou cette femme..
    A partir d’aujourd’hui, en croisant le, la, Maire de mon village je la saluerai comme ceci:
    « Bonjour Fusible! »
    Avec encore une fois mes excuses à celles et ceux touchés par le malheur, mon humour de merde ne cache, comme vous, qu’une immense colère, augmentée ici par l’incohérence et la violence politique d’un tel jugement.
    Comment, pourquoi les promoteurs immobiliers ne sont-ils pas eux aussi cités à comparaître, les notaires ayant validé les ventes, les gendarmes en charge de la sécurité et de la surveillance des populations, ainsi que de la bonne application de toutes les lois… et d’autres que j’oublie…
    Les assureurs de maisons individuelles, et les banquiers prêteurs sur gage d’un avenir riant …
    Tout ceci est monstrueusement ridicule, ce n’est pas un jugement c’est une farce.

    « La farce présente des situations et des personnages ridicules où règnent tromperie, équivoque, ruse, et mystification »

    1. Sanz

      Cher Batistin,

      Tout-à-fait d’accord avec votre point de vue : la responsabilité ne peut être que collective. Et dès que je viens de dire cela, je veux ajouter immédiatement qu’il ne s’agit pas de diluer dans ce collectif la responsabilité individuelle.
      Comment les composer ?
      Ce qui vient d’arriver à cet élu est le résultat d’une bêtise où il faut à tout prix un bouc émissaire : c’est ce que risque toutes celles et ceux qui sont érigés en figure de proue sur laquelle viennent éclater tant les encensements que les flagellations.
      Qu’est-ce qui se joue alors ?
      N’est-ce pas la question de l’autorité et je ne parle pas de l’autoritarisme d’une personne dictatoriale mais de ce qui fait autorité comme ce qui résulte d’une décision collégiale, prise en responsabilité, après avoir pesé les avantages et inconvénients que toute décision comporte avec son nécessaire suivi, comme sa révision, dans le temps. Serait-ce de la sagesse dont je parle… en tout cas ce je ne sais quoi qui me permettrait personnellement de reprendre confiance dans mes engagements aux côtés et avec d’autres en co-reponsabilité…
      Bien amicalement

  3. Jean

    Il serait peut-être bon d’attendre d’avoir pris connaissance des motivations du jugement, avant de le commenter.

    1. Jean-Marie Darmian

      Jean,

      Je ne me permets pas de commenter le jugement mais de rappeler une procédure…que je connais bien !

      1. Jean

        J’entends bien, mais ca mérite d’aller y jeter un oeil :
        http://prdchroniques.blog.lemonde.fr/2014/12/12/xynthia-la-motivation-du-jugement-qui-accable-lancien-maire-de-la-faute-sur-mer/

        …. « La Faute-sur-Mer était l’un des endroits les plus dangereux de la côte vendéenne au regard d’une possible submersion de zones très habitées et très vulnérables en raison de leur altimétrie. La digue de protection n’était pas un rempart suffisant en cas de phénomène naturel intense. L’urbanisation de ces secteurs se poursuivait. Plus qu’en n’importe quel point du département, la situation était alarmante. Les prévenus élus savaient tout cela, avaient à maintes et maintes reprises été incités, puis enjoints, à prendre en considération ce risque par différents leviers, avec une aide de l’Etat qui ne leur aurait pas été refusée.

        Ils ont intentionnellement occulté ce risque, pour ne pas détruire la manne du petit coin de paradis, dispensateur de pouvoir et d’argent. Ils ont menti à leurs concitoyens, les ont mis en danger, les ont considérés comme des quantités négligeables, en restant confis dans leurs certitudes d’un autre temps. Ils ont parié que le risque connu ne se réaliserait pas, mais la mise de fonds de ce pari a été l’intégrité physique des habitants de La Faute-sur-Mer. »

        Tu fais ça, toi ?

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