Quand la politique se résume au choix du grillage !

L’espace public reste le bien commun d’absolument toutes les strates de la société. Par essence il doit être accessible à tout un chacun sans aucune autre interdiction que celle que prévoir la loi. Durant des décennies il a été préservé au nom du principe républicain voulant qu’il y ait dans une société un distinguo parfaitement défini entre ce qui relève du « privé » et ce qui relève du « public ». Il appartient aux élus de tous niveaux de justement se préoccuper du respect absolu de cette séparation de ce qui relève de l’intérêt personnel et de l’intérêt général en préservant le fait que toutes leurs décisions soient conformes à la liberté, l’égalité, à la fraternité principes fondateurs du vivre ensemble. La vraie rupture politique passe par le non respect de ces valeurs au nom de demandes n’ayant aucune dimension autre que celle d’un clan, d’une clientèle électorale, d’un groupe de pression, du monde du profit ou de corporatismes exacerbés. Malheureusement la privatisation de tout ce qui faisait l’essence même de la République s’accélère chaque jour davantage avec l’accord de celles et ceux qui se croient nantis et ont l’espoir d’être de celles et ceux qui conserveront les avantages du public !

Ainsi il paraît que l’affaire des « bancs grillagés » d’Angoulême reposerait sur une demande des « commerçants et de leur clientèle » lassés de voir ce mobilier urbain (qui n’a plus du tout d’urbanité!) squattés par des personnes sans domicile fixe (SDF dans le langage robotisé) qui s’alcoolisent toute la journée. De l’aveu même de l’instigateur divers droite de l’installation de cet équipement outrancier il ne s’agit pas encore « d’éliminer » les utilisateurs asociaux de l’espace public mais simplement de les « déplacer » (Zemmour aurait accepté sans rien trouver à redire le verbe « déporter ») vers des lieux moins fréquentés. Les vraies raisons ne sont donc pas de protéger l’espace public mais de le privatiser indirectement pour une clientèle électorale porteuse du prêt à porter idéologique qui est à la mode. Que cette installation ait eu lieu durant la nuit de Noël avec soit des services publics mobilisés à cet effet ou une entreprise privée surpayée indique qu’en plus il y a eu une véritable préméditation collective ! Éviter les manifestations, éviter les réactions défavorables, éviter les interrogations de cette opinion non-dominante refusant l’intoxication médiatique quotidienne : le calcul aggrave encore plus le caractère pervers d’une décision difficilement assumée ! Ces faits sont beaucoup plus graves qu’on ne le pense et surtout ce sont de vrais révélateurs d’une mutation profonde de la gestion politique de la société.

D’abord parce que depuis des décennies la Gauche cède inexorablement sur le respect des principes fondateurs du vivre ensemble et que Droite faussement réputée républicaine se tourne vers l’exclusion, la haine, la fracture entre les profiteurs sociaux et les victimes sociales. Elle fait de plus en plus dans le superficiel et elle ose tout car elle s’appuie dur le défrichage idéologique entamé depuis 30 ans par le Front national !

Ensuite ce qui est significatif de la terrible superficialité de la réflexion citoyenne dans cette décision c’est que l’on traite de manière répressive les effets d’une situation mais à aucun moment on ne propose la moindre mesure pour en atténuer les causes. Pourquoi des SDF dans notre société ? Quelle solidarité institutionnelle et associative devons-nous bâtir autour de ces gens en déserrance sociale ? Quelles mesures ont été prises pour éviter ces phénomènes de rassemblements de gens (et notamment les jeunes) recherchant dans l’alcool su la drogue un support à leur besoins d’oubli de leur propre parcours ? Comment conserver son caractère public à un espace sans pour autant qu’un groupe (SDF ou autre) le « privatise » de fait à son usage ? Ne sommes nous pas entrés dans le monde de la normalisation sociale, de la répression ciblée, de la faiblesse criarde à l’égard des valeurs essentielles du vivre ensemble ?

Enfin il faut se rappeler que dès qu’on utilise le grillage, vient ensuite le fil de fer barbelé, la clôture électrifiée et les murs avec tessons de bouteilles cassées… On peut même imaginer que pour lutter contre le développement d’une forme de « lèpre sociale touchant les plus vulnérables » il y ait des lieux de relégation grillagés! On entame un processus beaucoup plus dangereux que la pose de grillage sur 9 bancs charentais où même plus une « cagouille » osera s’installer !

Il faudrait réagir avec une occupation du matin au soir des fameux repose-fesses bien en tous genres par des citoyens buvant du jus d’orange ce samedi de grands achats avec des spectacles de rues, un forum des associations caritatives ou humanitaires auquel seraient invités les SDF ! La présentation de ce que fait une ville gérée différemment ! Il faudrait  rappeler que quel que soit le banc sur lequel on se trouve on n’y pose qu’un cul guère plus propre humainement que celui d’un SDF  !   Mais on peut toujours rêver en ce lendemain de Noël où le Pape a parlé de « tendresse » pour lutter contre la violence (il s’agit en effet d’un acte de pure violence) car l’égoïsme est devenu tellement prégnant que toute action collective positive n’attire plus grand monde car les défenseurs des valeurs républicaines ont foutu le camp  se cachent derrière le grillage de l’abstention en clamant ostensiblement que Droite et Gauche c’est pareil !

Cet article a 7 commentaires

  1. ipotheque

    Peut-être vaudrait il mieux déployer plus de compétences pour appréhender le coté humain des SDF quelquefois plus mal traités par rapport à certains animaux ……Coluche n’avait-il pas montrer des motifs de motivations aux politiques pour leurs donner à manger avec autant de déterminations…!Maintenant une même opération avec certains partenaires pour leur trouver un Toit .C’est un devoir de notre mode de société détaché et pas toujours prévenant et respectables vis à vis des plus démunis .Nous
    devrions avoir Honte de montrer cette image au pays des droits de l’homme…..Les idées de L’abbé Pierre sont encore loin d’être solutionnées depuis son appel.. On ne peut que déplorer que ces états de faits perdurent et s’accentuent et pas délivrer des messages de paroles de nos élus mais de le présenter dans l’action pour mieux faire …..Mr Madrelle a été reconnu pour cette ferme volonté d’indiquer les bienfaits et les prises de décisions des actions….déployées. Un exemple reconnu même par ses adversaires politiques…..!

  2. Gillet

    étant handicapé en fauteuil roulant, les places libres ou pas sur les bancs publics ne me gênent pas mais pour entretenir une conversation avec les utilisateurs de ces bancs, il faut se battre en permanence pour que les accès soient réalisés et entretenus afin de nous faciliter la vie.

  3. Fauchez

    La privation du domaine public est une insulte pour notre démocratie. Nous nous battons depuis maintenant plus de 3 ans (et avons dépensé plus de 3 500€) suite à la vente illégale du domaine public par l’ancien Maire (PS), avocat et qui a vendu en toute illégalité et en toute connaissance de cause (au seul artisan résidant autour de cet espace public (sur 7 résidents au total) une placette publique qui est clôturée depuis et donc inaccessible aux citoyens à qui elle appartient !..

  4. Schlomo

    des lieux de relégation grillages il y en déjà comme le dit Espace Hoche près de Strasbourg pour y concentrer des Roms
    http//:la-feuille-de-chou.fr/archives/63331

  5. Fauchez

    Sans parler de la fermeture du parc du Château à Schiltigheim (toujours par le Maire Nisand-PS) pour faire plaisir aux « gentils » habitants qui étaient gênés par les « méchants » jeunes qui venaient de temps en temps passer leurs soirées dans ce parc faute d’espace leur étant proposé…et tout cela pour 180 000€ d’argent public bien évidemment ! Après, on se demande pourquoi les jeunes vont casser, bruler, manifester leur mécontentement…

  6. J.J.

    Cette réaction (dans tous les sens du terme) de la nouvelle municipalité d’Angoulême, nouvellement élue après une campagne ou la calomnie le disputait à la diffamation, n’a rien d’étonnant.
    Déjà, Honoré de Balzac faisait allusion(Les Illusions Perdues) à cette petite bourgeoisie mesquine et pseudo aristocratie rance du « plateau ».
    Il y a des traditions qui hélas ne se perdent pas.

    Dernière hypothèse : les individus visés par la décision municipale trouveront rapidement un autre lieu à proximité pour se rassembler, ce n’est pas la première fois que ça arrive, ils ont l’habitude !

  7. batistin

    Qui sont les perdants de cette histoire. Et bien peut-être ceux là-même qui luttent à leur manière pour préserver un savoir vivre, une idée d’une France propre et heureuse, en repoussant donc les plus inadaptés d’entre nous.
    Je m’explique.
    Qu’est-ce qu’un SDF ? Est-ce un être dénué de toute pensée politique, de toute envie d’une vie possible en société ? Est-ce une être dénué de toute instruction ?
    Surement pas, puisque nous retrouvons dans ces situations affreuses et fort difficiles à vivre des êtres parfois d’une instruction et d’une intelligence pour le moins égale à celle dont peuvent se targuer celles et ceux d’entre nous qui vivent au chaud.
    Alors qui est et qui sera le perdant au bout du compte ?
    Le SDF, qui aura pris déjà depuis longtemps la terrible décision de renoncer à croire en son pays, en ses valeurs, presque toutes bafouées ?
    Décision de dépit ou mure réflexion ?!!
    Ou le nanti, ou qui croit l’être, qui aura laissé remplacer l’esprit, la réflexion, l’humanisme, ce qui fait bel et bien la fierté du beau pays de France, par la froideur.

    La froideur d’un vivre ensemble transformé en consommer ensemble.
    Rien à voir ici avec le plaisir savant d’une chasse partagée autour d’un feu, rien à voir ici avec un sens commun d’un avenir riant pour la tribu.
    Il ne s’agit plus que, pour ceux qui possèdent encore, de préserver au plus loin les restes froids d’une veillée oubliée…

    Qui sera le perdant, celui qui s’affiche en déchéance, ou celui qui encourage une machinerie de guerre ouverte ?

    L’intelligence brille en tous les êtres, chacun faisant à chaque instant ce qu’il peut, au mieux, à cet instant précis.
    Le Sdf ne serait-il pas un phare, un espoir, en espoir étrange dans le courage que nous pourrions retrouver à renoncer à obéir aux sauvages avidités?
    Et si oui, comment vaincre sans tomber en déchéance?

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