Morts au champ d'horreur

Ils sont douze à être morts au champ d’horreur, celui dans lequel poussent les coquelicots du sang versé pour que vivent la liberté, l’égalité et la fraternité. Douze martyrs que la République n’a pas su protéger de l’abominable intolérance dont seules les religions sont capables de générer. Les hommages, les commentaires, les manifestations se ressembleront tous car face à de tels événements il est quasiment impossible de tenter une analyse non-affective. Les morts sont en effet toujours plus grands que vivants. Pas seulement haïs pas les endoctrinés extrémistes d’Al Qaïda mais par bien d’autres intégristes de tous bord Charlie Hebdo et ses dessinateurs ou journalistes payent le tribu historique de tous les contre-pouvoirs efficaces. On n’assassine et on ne tue que celles et ceux qui osent affronter sans aucun complexe les porteurs courageux d’une parole plus forte que les menaces.
Le dessinateur Charb qui figure parmi les victimes de la tuerie, tout comme Cabu, Tignous et Wolinski, autres figures emblématiques du journal avaient dans leur esprit, au bout de leur plume les armes plus fortes que les prêches ou les versets psalmodiés comme des somnifères de la raison. Ils savaient que l’humour, la dérision, la caricature, la provocation provoquent inexorablement la haine, la vindicte et à une certaine époque l’excommunication et ont connu une bûcher ou devant un mur des collègues. Ils le savaient car ils ont essuyé depuis des décennies les pires insultes, les pires accusations au nom d’une morale fortement inspirée par une religion ou une autre.

Tous les thuriféraires de ces artistes du crayon ou de ces journalistes audacieux n’ont pas souvent goûté aux saines exagérations de Charlie Hebdo. Beaucoup ont un jour ou l’autre trempé ce stylo qu’ils brandissent dans le vitriol en réaction à la liberté de ton et de publication de cet hebdo décapant.
L’islam n’est absolument pas le seul sujet à avoir eu droit au traitement satirique de Charlie Hebdo. Ont aussi fait la couverture le pape Benoît XVI, embrassant amoureusement un garde du Vatican; l’ancien président français Nicolas Sarkozy, ressemblant à un vampire malade; et un juif orthodoxe embrassant un soldat nazi…Ce fut la force de ce journal : ne jamais renoncer face à la montée des intégristes de tous acabits ! Maintenant il va devenir de bon ton d’expliquer que l’on ne peut plus vivre sans ces dessins satiriques ayant le propre de ne jamais avoir été aimés par celles et ceux qui maintenant leur trouve tous les mérites.

Il est donc plus sincère de demeurer sur les valeurs. Ce sont plus que des hommes qui ont été lâchement tués par un trio de fous sanguinaires aveuglés par la haine mais des symboles. D’ailleurs en quittant les lieux ils ont proclamé qu’ils avaient prix leur revanche sur « Charlie Hebdo » et que c’est le journal qu’ils avaient assassiné. La vie humaine n’a aucun prix pour eux mais en revanche la non-parution de cet hebdo libre de ses excès ou de ses provocations constituaient leur premier objectif. Tout avait été soigneusement préparé pour détruire un organe de presse grâce à la froide exécution de ceux qui le faisaient survivre.  Ce n’est pas faire injure au drame humain que représente la disparition tragique de policiers, de journalistes ou d’artistes que d’affirmer que la commande portait sur la disparition de ce qui dérange depuis toujours les fascistes ou les fascisants : une presse libre !

Le caricaturiste Luz, qui avait dessiné Mahomet, avait expliqué, en 2012, que ses collègues et lui traitaient les nouvelles comme des journalistes, sauf qu’ils le faisaient avec un papier et un crayon plutôt qu’avec des caméras et des ordinateurs. Et c’était beaucoup plus direct, efficace et justement condamnable aux yeux des intégristes les plus abjects. Le directeur de la publication Stéphane Charbonnier, alias «Charb avait aussi défendu la publication des dessins de Mahomet. «Mahomet n’est pas sacré pour moi, avait-il raconté à l’AP. Je ne blâme pas les musulmans de ne pas rire de nos dessins. J’obéis à la loi française. Je n’obéis pas à la loi islamique.» Il en est mort et c’est là le plus angoissant.

Comment ne pas penser à une chanson de Guy Béart voulant que « le premier qui dit la vérité. Il doit être exécuté »? Le monde évolue vers la violence la plus affreuse faite à la tolérance, à la laïcité, à la sincérité et par certains cotés à la culture. Des hommes libres jusqu’au bout de leur crayon ou de leur stylo sont tombés sous les balles de tueurs salariés de pseudos-musulmans avides de sang et de larmes.

Nous leur devons le respect sincère avant toute chose. Nous leur devons un hommage républicain collectif sincère. Nous leur devons une émotion sincère. Nous leur devons une solidarité sincère sans faille autour de leur journal qui ne doit surtout pas disparaître. Ce serait une second mort pour eux ! Ce serait admettre que la liberté peut se diluer dans le sang ! C’est notre affaire à tous aujourd’hui,demain et probablement plus dans l’avenir. Mais le plus terrible c’est que très rapidement on exploitera de la manière la plus dégueulassement politicienne…ce qui constitue avant tout un acte calculé !

Cet article a 4 commentaires

  1. batistin

    Qu’il est donc terriblement difficile de choisir entre se taire, souffrir de la peine que l’on imagine, ressentie par les proches des morts assassinés, et le sens que l’on voudra bien donner à tout ceci.
    Il y a-t-il au fond un autre sens que celui-ci:
    tout est vain et creux, il n’y a que l’amour que l’on porte à ses proches qui donne bel et bien un sens à la vie.
    Alors, comment des hommes, nos frères humains, peuvent-ils tuer, aujourd’hui ici, mais ailleurs, partout et tout le temps…
    La chaleur du foyer, quand l’ouvrier d’usine d’armement revient chez lui, est bel et bien la preuve de la monstruosité de nos égoïsmes.
    La douce mère du banquier international avide, qui aura dans une journée dépouillé du strict minimum quelques milliers ou millions de personnes, oui cette douceur est la même que celle que porte une maigre et sidaïque femme de Somalie… ou d’ailleurs, à son squelettique enfant.
    La même douceur brille chez une maman grecque quand elle trouve dans une poubelle de quoi faire sourire un peu son bel amour..

    Quel est donc le sens des vies de nos dessinateurs, luttant chaque jour pour préserver une idée du monde, quand comme nous même, toutes les discussions finissent autour d’un bon repas…
    Quand finirons-nous par comprendre que l’ennemi assassin n’est pas celui qui, devenu fou, oublie le sens et la beauté, la magie de la vie, et tente un dernier baroud, mais bel et bien celui qui calmement, consciemment, jour après jour affame le monde.

    Tout est vain, idiot, violent, inutile, et le restera, dessins de presse et actes de folie meurtrière sont frères ennemis.
    Ils ont tout deux la même raison d’exister, de vivre, et d’en mourir:
    l’avidité de nos chefs respectifs.

    Batistin
    réserviste service défense 2°RIMa
    artiste

  2. le chat François

    Je partage votre avis et tout spécialement votre dernière phrase qui résume à elle seule bien des interrogations sur la dérive de notre monde . Ce n’est pas la première fois qu’une presse satyrique subit pressions, surveillance et intimidations , mais cette fois il y a des morts . Cette horreur marque la fin d’une époque , l’impertinence n’est plus tolérée , l’insouciance des 30 glorieuses est derrière nous , la politique mondiale a généré un chaos dont il sera bien difficile de sortir . Le mot fraternité qui constituerait un espoir , semble dérisoire devant la violence de la réalité .

  3. pc

    Il est, dans ces circonstances tragiques, curieux de voir tant de gens pleurer un journal que la plupart ignoraient superbement depuis longtemps, au point qu’il était financièrement à l’agonie.

    Certains parmi les plus visés par les dessins satyriques de CH devaient même souhaiter secrètement sa mort pour en être débarrassé.

    Y-a-t-il des gens prêts à aider à la survie de CH ? oui certainement et ils sont nombreux. Mais dès que la lumière des caméras se sera éteinte, les plus influents passeront à autre chose.

    Quant à l’union nationale…….

    Malheureusement, il est à craindre que 12 personnes soient mortes pour rien, assassinées lâchement et par des débiles manipulés par des fous furieux.

    Des milliers de « Je suis Charlie » fleurissent partout mais qui il y a 2 jours « Personne n’était Charlie ».

    Je n’ai dans mes connaissances qu’un seul lecteur fidèle à CH depuis sa création , moi-même ne le feuilletant qu’occasionnellement.

    CH va survivre quelques temps, mais la disparition de ses âmes créatrices le condamnent irrémédiablement car de toute façon sans Chab, Cabu, Wolinski et autres talents irremplaçables Charlie ne sera plus Charlie.

    Qui peut croire que notre société puisse changer au point de devenir tolérante, alors que la moitié des Français adhèrent à des degrés divers aux thèses néo-racistes , sans comprendre que c’est la stigmatisation qui crée la radicalisation.

  4. le chat François

    Quant à la liberté d’expression ou d’information, dont tout le monde revendique haut et fort la nécessité qu’elle soit préservée , il faut être vraiment angélique pour ne pas voir ce qu’il en reste depuis qu’elle est confiée à des chiens de garde eux mêmes à la solde de grands groupes .. Quelle hypocrisie .

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