On y est : maintenant c'est à qui profite les crimes?

 

Les exégètes quotidiens de la vie sociale sont depuis quelques jours préoccupés par une question existentielle qui va décider de notre sort collectif : « à qui vont profiter les crimes ? ». On sonde à tout va et on attend que les porte-paroles des grands du monde politique délivrent quelques petites phrases que l’on espère assassines. Après les minutes de silence et les enchantements de la Marseillaise on va passer aux travaux pratiques en tentant de rompre ce consensus qui fait enrager les adeptes de l’affrontement systématique. Et dans ce domaine le FN ne laisse pas sa part aux chiens prêts à s’abreuver au sang des crimes. Dans toutes les situations antérieures Le Pen est toujours parvenu à exploiter les circonstances lui permettant d’attiser les haines car c’est son fonds de commerce. Les provocations lui servent évidemment à mobiliser ses ouailles. Il va continuer car les réfractaires à toute logique de compréhension et de tolérance se sont recroquevillés dans leurs certitudes durant une semaine afin de laisser passer le parfum enivrant de l’unité nationale. Sa « fifille » a davantage de mal puisqu’elle a volontairement manqué le rendez-vous des rassemblements des consciences et que si elle souhaite se « dédiaboliser »  elle ne peut rester à l’écart du mouvement « je suis Charlie ».

L’alternative pour elle c »était en effet je participe à ce grand élan de réprobation des crimes barbares ou je cherche (comme papa) à me démarquer au risque au fond de complètement louper la période et d’apparaître ensuite une simple opération de récupération politique. En définitive le FN va se contenter de brailler des fausses propositions comme le référendum sur la peine de mort ou je ne sais quelles exclusions supplémentaires et attendre pour voir ! Les crimes vont-ils lui profiter  ou vont-ils le pénaliser ? Sur le moyen et long terme ces événements ne vont pas se traduire par une recomposition électorale et donc le clan bleu marine va poursuivre son intoxication idéologique. Au contraire avec rapidement un retour aux habitudes de la vie politique française on va repartir pour une présence électorale forte du parti lepéniste. Les manifestations violentes contre la une de la résurrection de Charlie Hebdo vont certainement redonner des couleurs bleu, blanc, rouge aux adeptes de la guerre à l’Islam. « Pour l’instant, il n’y a pas de signes que la succession d’événements qu’on a connu ait permis au FN d’élargir son audience« , a jugé un universitaire spécialiste du FN qui rappelle que l’affaire Mérah n’avait « rien changé dans les intentions de vote ». Le seul danger pour ce parti c’est qu’il y ait un sursaut citoyen dans les classes moyennes votant habituellement à gauche. Mais ça ?

A l’UMP on tente de ne pas se montrer comme briseurs de l’élan solidaire national pour la technique de la lente dérive vers les bonnes vieilles habitudes. Encore trop tôt pour rompre l’unité. On raconte que Nicolas Sarkozy le lendemain de l’ovation faite au discours de Manuel Vals par les députés et ensuite les sénateurs UMP debout, a piqué une colère dévastatrice. Ils ont eu droit à tous les noms d’oiseaux du répertoire sarkozyste ! Il est vrai que le grand numéro qu’il a fait sur le perron de l’Elysée pour accueillir Juppé, Fillon, Raffarin ; son manège pour apparaître au premier rang sur la photo des « grands » venus à Paris ont révélé une fois encore qu’il n’avait pas changé d’un pouce. Pour lui les crimes n’ont guère été « profitables » ! Juppé a bien mieux géré cette période en évitant de contrarier l’envie unitaire de la partie la plus citoyenne du peuple. Il a joué la montre en décalant d’éventuelles critiques à l’après-émotion collective en cours. Dans quelques semaines plus grand monde fera la queue devant les kiosques pour acheter Charlie Hebdo. Il suce la roue Hollande-Vals et surgira le moment venu ! Le Président de la République et le Premier Ministre on en effet largement rassuré les Françaises et les Français et le contraire aurait été étonnant tant ils ont réagi avec efficacité.

La popularité du chef de l’Etat enregistre une hausse spectaculaire en une semaine puisque les bonnes opinions passent de 24% à 34%. Il lui faudrait selon les oracles récupérer une ou deux bonnes nouvelles économiques pour revenir dans des eaux moins glacées de la popularité. Son entourage va lui conseiller d’accentuer la notion de « force tranquille » en allant sur le terrain sans peur et maintenant sans reproche. Il n’a qu’un seul vrai concurrent : Manuel Vals sort en effet incontestablement lui-aussi grandi du terrible épisode qu’a traversé la France. Il tire également profit de son discours à l’Assemblée nationale qui a fait l’unanimité. Le Premier ministre enregistre 44% de « bonnes opinions » auprès des personnes interrogées contre 38% en décembre. Son embellie risque d’être plus durable car il va accentuer ses propos républicains dans les prochaine semaines en pratiquant la « fermeté idéologique » sur les valeurs communes à tous les partis.

Certains médias n’hésitent donc pas à parler de « gagnants » et de « perdants » après les crimes barbares comme si nous étions encore et toujours dans le monde du profit… C’est plus fort qu’eux ! Ils sont eux passés à la phase de description emphatique de l’émotion à celle de l’exploitation mercantile. Reflet réaliste de la société actuelle. Pour le retour aux vraies valeurs, celles du cœur et de la raison, on verra plus tard !

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