Il n'existe plus depuis longtemps de vengeur masqué

Nous gardons toutes et tous des marques intérieures d’un film, d’un livre, d’un feuilleton surtout s’ils appartiennent à cette période à cette période de l’enfance où s’impriment facilement les images, les récits ou le suspens. Une génération des premiers téléspectateurs a ainsi été marquée par deux héros américanisés mais capables de mondialiser les bons sentiments : Rintintin et Zorro, un chien et noble justicier. Deux visions de l’armée impliquée dans le l’éternel affrontement entre le bien et le mal venues d’Outre Atlantique sur la demande expresse des autorités d’alors en pleine guerre froide. Dans un cas l’une est conquérante, protectrice, juste et se range derrière la bannière étoilée dans des combats alors que l’autre envahisseuse en d’autres temps d’une part du territoire américain est cruelle, ridicule, misérable. Grâce au flair fort différent de Rintintin ou de Zorro l’issue est toujours favorable pour le peuple ! Pas une femme cependant dans tous les épisodes qui puissent jouer un rôle majeur dévolu à Rusty l’ enfant soldat et Diego l’héritier incapable de se décider en faveur de la gente féminine !
Je regarde la série de Zorro (oui je l’avoue!) qui est actuellement rediffusée sur France 3 le samedi et le dimanche en soirée. Elle reste d’une véritable actualité et d’une extraordinaire naïveté et pourtant on peut retrouver les éléments essentiels du monde actuel. On a en effet découpé la série en plusieurs grandes parties avec 78 épisodes de 25 minutes : Zorro contre Monastorio (pouvoir dictatorial de l’armée) durant les 13 premiers épisodes, puis contre L’Aigle du 14eme au dernier épisode de la première saison (une secte de comploteurs). Ils furent diffusés en 1965 sur la télévision française en noir et blanc pour être colorisé avec une tonalité ocre qui leur donne un charme particulier. Il faut rappeler que seulement 39 des films Disney furent seulement diffusés lors de leur apparition en France ! A l’ORTF on ne plaisantait pas nécessairement avec les réalisations qui ridiculisaient globalement l’armée !
Il y a dans tout homme de pouvoir un Zorro qui sommeille ! Pas un seul responsable de haut niveau ne joue pas en effet le double jeu en avançant parfois masqué pour régler leur compte à des adversaires politiques embarrassants ou réputés défavorables. Ils ont tous leur Bernardo qui espionne en permanence avec une différence fondamentale : eux ne sont pas muets ! On trouve également bien des gens qui les entourent avides de richesses et prompts à trahir pour s’enrichir. La vie en Californie n’a guère changé sur le fond avec des immigrés en situation absolue de précarité au service de grandes exploitations agricoles qui existent encore. Une aristocratie du pognon se partage encore et toujours les biens. Zorro redonne espoir à tous ceux qui ont une âme de sauveur providentiel et qui préparent leur retour au moment le plus opportun. Le seul problème c’est qu’ils sont nombreux et qu’ils se livrent quelques singuliers combats en espérant tous signer d’un Z vengeur sur le corps de leurs rivaux. Plus d’épées pour les affrontements mais des « petites phrases » qu’ils espèrent assassines, plus de duels endiablées mais des embuscades médiatiques soigneusement montées. La noblesse de cœur du vengeur masqué constitue la trame de ses aventures mais elle n’existe plus c’est ce qui fait le charme de cette série colorisée. Si on la partage avec une âme d’enfant on a encore du plaisir à suivre les aventures moralisatrices de celui qui défend la veuve et l’opprimé en se cachant derrière un goût désuet pour les arts afin de jouer en douce les redresseurs de tort.
J’aime bien Zorro car il s’oppose aux imposteurs qui, profitant de l’éloignement géographique de l’autorité légitime, oppressent le peuple et détournent le pouvoir à leur profit. Dans son personnage il y a à cet égard une référence à Robin des bois qui lui, n’était pas seul car il avait mobilisé l’avant-garde du prolétariat de l’époque. Zorro, a contrario, est un héros solitaire investi par lui-même et non parle peuple d’une mission de justicier. Il agit aussi masqué alors que le héros de Sherwood revendique son identité de noble se mettant au service des déshérités et des opprimés. Zorro affiche pourtant le contraire du concept communiste de la lutte des classes en vigueur dans les années 60 ! Il se trouve en effet bel et bien dans le camp capitaliste dominant des gros propriétaires terriens dont est son père adepte d’une gouvernance apparemment « sociale » empreinte aussi d’un respect strict des statuts respectifs. Zorro serait Gattaz défendant incognito les immigrés des haciendas modernes que sont certaines exploitations agricoles!
Qu’on le veuille ou non le vengeur masqué, avec quelques accrocs historiques volontaires, appartient pourtant à l’histoire des USA. On retrouve exactement les mêmes repères avec Batman, Superman, ou Captain America. Tous les super-héros chargés de rétablir la justice dans des mégalopoles trop modernes et livrées à elles-mêmes (la référence à Los Angeles n’est pas innocente), ont une dette à acquitter vis à vis d’une société injuste, cruelle et oppressante qu’ils ne supportent plus. Ils veulent tous incognito jouer les justiciers sociaux et combattre le mal! Ils sont tous plus ou moins des fils de Zorro le justicier masqué. Les autres, dans la politique, ne sont que des usurpateurs !

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