Destination le tombeau pour une Egypte mal en point

La Libye n’existe plus, la Syrie s’effondre, l’Irak titube, la Tunisie s’affole, le Yémen s’agite, la Grèce ne sait plus ou elles en est, l’Algérie repousse à plus tard une tension trop élevée .. et l’Égypte va très mal. Le Moyen Orient est pris de convulsions terriblement inquiétantes et absolument aucun des traitements proposé ne semble pouvoir enrayer ce cheminement vers la mort lente d’un type occidental de gouvernance. Ce ne sont plus des spasmes pouvant être jugulés mais des crises durables, profondes, sanglantes qui détruisent tout sens à la vie collective. Désormais la gangrène s’attaque à l’un des pays les plus imposants des rives de la Méditerranée, celui qui est tenu par la main de fer du maréchal Al-Sissi.
Deux ans après la destitution du président issu des Frères musulmans, Mohamed Morsi, le 3 juillet 2013, l’Egypte doit faire face à une vague de violence sans précédent attribuée aux djihadistes du groupe islamo-fasciste Etat islamique sans que l’on en ait la certitude. Défiant le pouvoir des combattants affiliés à l’EI ont lancé une série d’attaques dans le Sinaï. Des dizaines de soldats auraient été tués après de très violents combats au cours desquels les F-16 de l’aviation égyptienne ont été engagés. Cette véritable offensive djihadiste est intervenue deux jours après un attentat spectaculaire (toujours pas revendiqué) qui a coûté la vie, au Caire, au procureur général. Plus rien ne va sur les rives du Nil qui a pourtant connu bien des révolutions. Nasser doit se retourner dans sa tombe ? Lui le laïque comme Bourguiba doit se retourner dans sa tombe !
La situation générale est complexe et de plus en plus difficile. Certes le maréchal Al-Sissi a réussi à mettre en place de nouvelles institutions après son putsch contre le président Morsi, et même à gagner une certaine popularité, tant nombre d’Egyptiens étaient fatigués de l’instabilité. Cela dit, en décidant, par une répression féroce, de rompre définitivement avec les Frères musulmans dont était issu Morsi et qui représentent 30 à 40% des Egyptiens, il a mis en place un régime d’intimidation. Un régime qui ne se limite pas d’ailleurs à intimider les Frères, mais aussi les révolutionnaires de la place Tahrir, les libéraux, les journalistes, bref, un peu tout le monde. Il cristallise de nombreuses oppositions et de fait ne contrôle plus des parts entières de son territoire. La montée des islamistes, a fait du territoire du Sinaï proche de Gaza et d’Israël, passage vers l’Arabie saoudite,une zone de non-droit très favorable aux groupes djihadistes qui se revendiquent de Daech.
En s’attaquant au parti politique des Frères Musulmans non salafistes le régime militaire d’Al-Sissi a ouvert la porte aux extrémistes incontrôlés. Comme partout dans ce Moyen-Orient poudrière l’Égypte survit que grâce à des revenus venus de l’extérieur : tourisme, canal de Suez, pétrole, aide américaine …
Il reste aussi la rente saoudienne (12 milliards de dollars l’an dernier) qui montre l’importance de l’Egypte pour l’Arabie saoudite qui paiera sans doute les Rafales et les frégates achetés à la France tellement les événements du Sinaï inquiètent les rois du pétrole et leur dynastie sous menaces. L’Egypte en elle-même est donc extrêmement dépendante de l’extérieure et même en partis de sa diaspora éparpillée dans les pays voisins qui alimentent les caisses d’un État mal en point. Al Sissi a bénéficié du soulagement d’une partie de la population après son putsch qui portait l’espoir d’un retour au calme intérieur propice au retour des touristes.
Or une fracture profonde parcourt la société égyptienne entre pro et anti Sissi, entre pro et anti frères musulmans et les affrontements sont permanents empêchant tout retour à l’unité et à cette fierté nationale permettant de participer à la marche du monde comme quand Nasser était un leader des « pays non-alignés ». Et comme à l’habitude les Occidentaux attendent un nouveau désastre pour intervenir ou au moins pour s’intéresser à cette dérive extrêmement dangereuse sur l’échiquier de cette région du monde déjà parcellisée. La position des Américains reste très alambiquée. Après avoir soutenu Morsi, ils ont critiqué le putsch de Sissi, et ont même sérieusement réagi après les massacres d’août 2013 en gelant une partie de leur aide financière.
Depuis, comme la plupart des Occidentaux d’ailleurs, ils ont mis en place une sorte de stratégie réaliste qui a plus ou moins d’intensité. En vendant ses Rafale et ses navires, la France fait par exemple preuve d’un réalisme très marqué. En arrière-fond, il y a cette idée d’appuyer un axe sunnite modéré pour combattre Daech…Or dans le fond s’il n’y avait pas cette menace tout le monde laisserait bien Al Sissi régler tous les problèmes seul ! Plus que jamais le pays des Pharaons revient en arrière vers son histoire mouvementée. Le Raïs qui en était un n’a pas trouvé comme ailleurs dans bien d’autre contrées de remplaçant… dans une société ayant besoin d’un leader emblématique pour son unité.

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