Seuls les aventuriers vont encore chez ma "tente"

Depuis des décennies le camping qui constituait le support le plus populaire des vacances a entamé une mue spectaculaire. De plus en plus rares sont en effet les adeptes de la tente canadienne nécessitant certes moins d’efforts pour son édification que les modèles famille nombreuse mais dans laquelle l’espace vital était tout de même un peu réduit. Des modèles dépliables en un simple geste n’ont pas redonné sa valeur à l’usage par les touristes d’un abri de toile épuré. La très grande majorité des utilisateurs des espaces dévolus au « tourisme de plein air » a changé ses références de confort. Le bungalow, l’habitation légère de tourisme, le camping-car ont pris le dessus sur les tentes ou les caravanes. Finie l’époque ou le plaisir se trouvait dans une vie de boy-scout avec le fameux camping-gaz, les casseroles gigognes, la table pliante, les fauteuils de toile et le duvet sur le liant pliant tubulaire. Il faut le confort formaté avec surtout des « accessoires » indispensables. Comment imaginer que l’on puisse partir en congé sans l’accès à la télévision, au téléphone mobile et bientôt au wi-fi. Même à quelques centaines de mètres de la plage, la piscine devient également un équipement incontournable. L’été doit être une période des addictions sociales maintenues. Jamais sans ma télé ou mon portable et d’ailleurs les audiences de l’une ou le volume d’utilisation de l’autre s’envolent durant les mois de juillet et d’août.
Il suffit de se promener dans les allées d’un camping pour constater que les « étranges lucarnes » fonctionnent à plein régime en soirée. Tous les camping-cars portent une antenne permettant de se replier sur un confort similaire à celui de la maison le moment venu. Partout le téléphone mobile s’insinue dans le quotidien de l’estivant quel que soit le lieu où il se trouve. Les conversations réputées familiales ou confidentielles envahissent le silence d’absolument tous les lieux publics. On vit sourd avec les oreillettes branchées mais plus du tout muet sur la santé de mamie, les dernières frasques du clébard laissé en garde, les rendez-vous du soir, les descriptions météorologiques, les comptes rendus détaillés des exploits des « petits » ou des sorties familiales. Comme tout au long de l’année pour certains ou dans ces circonstances exceptionnelles pour d’autres on envoie dans l’espace environnant une bonne part de sa vie avec l’envie de la faire partager au plus grand nombre. Les vacances prennent une drôle d’allure puisque les conventions ne volent pas en éclat ! Bien contraire elles suivent de plus en plus dans le lourds bagage des habitudes ou des conventions sociales dont nous ne savons plus nous passer.
Seuls les nouveaux aventuriers de l’itinérance se débarrassent vraiment de ces pesanteurs sociales du bien vivre. Sur leur dos, les marcheurs ne vont qu’à l’essentiel puisque le superflu les ramène au rand d’âne bâté. La mise à sac devient d’ailleurs l’heure des sacrifices : impossible de tout caser ! Les choix sont parfois déchirants et témoignent surtout de l’optimisme de celle ou celui qui les font. La tente n’a même pas parfois sa place et l’on se fie à sa bonne étoile pour des nuits avec le nez dans le ciel !
Un autre « race » de navigateurs estivaux au long cours s’impose. Quand les randonneurs s’approprient les sentiers, les cyclistes tracent leur route sur les pistes avec dans leur sillage des remorques de plus en plus profilées ! La technologie est au service de ces voyageurs au long cours chevauchant des bicyclettes dignes des grandes compétitions aux sacoches parfaitement étanches ne laissant aucune place à l’improvisation. Pour eux aussi l’hébergement nocturne sera réduit au minimum comme le feraient des caboteurs allant d’une crique à une autre. Ils mettent pied à terre, dressent une tente dans un pré ou dans une clairière après de longues journées passées à pédaler. !
Lentement une fracture s’installe dans les modes estivaux de vacances. Comme dans d’autres domaines on trouve de plus en plus d’adeptes de la rupture temporaire avec le monde social installé. Chercheurs de l’or de l’été que représentent l’originalité, l’exploit, l’aventure ils refusent la promiscuité des campings HLM. Pour eux peu importe l’abri pourvu que l’on ait l’ivresse de vivre autrement pour se découvrir et renoncer à cette fausse communication par écran interposé !

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