Les odeurs envahissent le quotidien estival

En été on aime bien prendre des couleurs et surtout de les apprécier à tout moment de la journée quand on prend le temps de se pencher sur les nuances de vert d’un paysage ou les teintes du bleu du ciel ou de la mer. Ce sont d’ailleurs celles qu’envient les vacanciers avides de silence réparateur face aux grands espaces ou de peaux ambrées sur des portions de sable blanc. Pourtant il faut se rendre à l’évidence, la période estivale est davantage celle des odeurs que celle de tous les autres sens. D’abord parce que la chaleur exacerbe la grande majorité des supports odorants et leur donne une liberté inconnue le reste de l’année. Les activités humaines en plein air accentue cette présence dans l’air commun de pastilles de senteurs habituellement muselées dans les cuisines. On imagine bien enfin que la nature elle-même se parfume pour des matins malins ou des soirées de gala. En été si l’on n’a que le nez dans le vent il est aisé d’appréhender toutes les facettes de la vie.
L’odeur musquée après ou avant un orage est ainsi particulièrement enivrante pour celle ou celui qui sait apprécier les bienfaits d’une pluie bienfaitrice sur un sol surchauffé. Elle monte dans la campagne portant le bonheur de cette terre appelée nourricière alors qu’elle a attend chaque goutte comme une aubaine vivifiante. Les plantes respirent en laissant partir les secrets retenus durant la crispation d’une journée torride. Cet étonnant assemblage est éphémère car il disparaît dès que les nuages accentuent leur envie de se transformer en vaches qui pissent. Ils lavent tout et surtout effacent immédiatement cette odeur ressemblant à celle des ouvriers sous la douche après une âpre journée de travail sous le soleil. Sur les bords de mer ou dans les ports les senteurs deviennent beaucoup plus subtiles quand la marée laisse la place aux algues ou au sable mouillé. L’odeur océane donne des envies d’épopée, de voyages au long cours, de périples dans les embruns du large. Elle-aussi appartient vraiment à l’été des vacances.
Les randonneurs savent eux, que le fameux ver de la chanson n’est pas tout à fait exact n’en déplaise à Jean Nohain : les « petits chemins (ne) sentent (pas tous) la noisette ». Ils sont même très rares ! Il en est pas mal dans lesquels le chèvrefeuille répand ses effluves envoûtantes. Elle ont aussi leurs aises dans les jardins quand tombe la nuit. C’est le moment où les massifs de jasmin se réveillent. Ils embaumaient dit-on les soirées voluptueuses des mille et une nuits et en été ils offrent donc une opportunité aux gens attentifs de partir sous d’autres cieux. Mais rien ne saurait remplacer la lavande aux effluves pures et revigorantes qui ne se gêne pas pour prendre la meilleure place dans l’air provençal ou même, réchauffement climatique oblige, en bien d’autres lieux. D’ailleurs j’ai conservé en mémoire ces flacons ciselés avec une poire de vaporisateur soigneusement rangés sur l’étagère du coiffeur portant fièrement les noms de ces fleurs. Quelques jets sur une coiffure donnaient aux hommes le sentiment de devenir irrésistibles en raison des vertus supposées séductrices des senteurs déployées. Ce fut la Belle époque, celle des parfums simples qui ne portaient pas encore le nom alambiqué « d’eaux de toilette » !
Dans la proximité toutes les odeurs estivales n’ont pas le même prestige. L’apparition des barbecues et des planchas a rendu par exemple les effluves de sardines particulièrement envahissantes dans la proximité. Il y a de plus en plus souvent en soirée, des menus qui se promènent dans l’air. On y trouve des merguez, de l’entrecôte ou de la cote de bœuf sur les sarments de vigne, du mouton, du thon ou bien d’autres poissons, des moules… aux fumets particulièrement alléchants sauf quand ils s’accompagnent de… fumées un peu trop envahissantes. Les cuisines sous les étoiles ou sur les pelouses spécifiques à l’été offrent aux narines une opportunité amusante d’entrer dans leurs secrets. On grille à tout va…avec les combustibles allant des cageots récupérés sur les marchés aux pieds de vignes abandonnés avec leurs produits chimiques inodores mais pas sans effets.
Mais pour ma part je ne peux me débarrasser cette année de cette émanation âcre, oppressante, envahissante de l’incendie qui a dévoré la forêt. Cette odeur angoissante quand elle s’intensifie n’a plus de limites puisque le vent portant le feu envoie au loin, pour concurrencer les nuages, l’avertissement des panaches ou des champignons de fumées grisâtres. L’odeur du feu s’impose, s’insinue partout, se dépose sur tout et finit avec ses cendres par obscurcir l’horizon et pire occulter le soleil. La pire de toutes… car elle est enveloppe dans l’angoisse l’esprit de l’été voulant que tout soit plaisir et détente.

Cet article a 3 commentaires

  1. François

    Bonjour !
    « Et lou regain, P’tit ! L’as oubliat ? »
    Pourtant, quelle senteur de saison, fine et subtile qui remplace avec succés l’odeur plus grossière du foin des premières coupes, avec des variantes selon les plantes (luzerne, ray-grass, fétuque, sainfoin ….) mais aussi selon les altitudes. Mon grand père apportait cette réserve à son cheval par petites fourchées au retour d’une journée harassante ainsi que le dimanche alors que Mémé nous servait son gâteau dominical.
    Certes, il y a aussi le regain de … bonheur dont les effluves s’apparentent à la couette et aux instants iddyliques.
    « Huuuum ! Quel extase !  » aurait dit Jacques Bodoin.
    Cordialement ! !

  2. mlg

    j’apprecie!

  3. J.J.

    ….D’ailleurs j’ai conservé en mémoire ces flacons ciselés avec une poire de vaporisateur soigneusement rangés sur l’étagère du coiffeur portant fièrement les noms de ces fleurs…..

    Celle que je préférais c’était ce n’était pas un parfum de fleur, mais « Cuir de Russie «à cause de son affiche : dans un paysage de neige, devant une isba, sa fumante cheminée et un bouquet de bouleaux, un moujik bras croisés, en bottes souples et toque de fourrure dansait une kamarinskaïa endiablée face à sa dansante « moujike » coiffée de son foulard multicolore…

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