Quand les chemins de l'été mènent à Calais

En cet été 2015 et depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’exil n’a jamais été aussi important dans le monde et en Europe. Jamais le phénomène n’a autant été autant minimisé dans l’actualité estivale qui doit être avant tout agréable, optimiste, porteuse d’espoir. Même la météo se doit d’éviter de noircir le ciel estival en mettant les nuages les plus discrets possibles sur les cartes. Plus de 50 millions de personnes ont dû abandonner leur foyer et parfois leurs proches pour se mettre en route, forcé de chercher refuge. Parmi elles, 17 millions ont même été obligées de quitter leur pays ce qui représente un quart de la population française. Les pays qui accueillent le plus grand nombre de réfugiés, à savoir les pays les moins riches, n’ont plus les capacités d’honorer, seuls, leurs obligations. Alors que tout est fait pour favoriser la libre circulation des gens dotés du pouvoir d’achat touristique les conditions d’entrée sur les territoires se durcissent, les droits ne sont plus garantis, comme l’illustre la situation au Liban où un habitant sur quatre est réfugié de Syrie ou encore en Égypte où ces derniers sont plutôt indésirables. La dégradation de la situation sécuritaire dans nombre de pays de transit ou de premier refuge conduit malheureusement une partie de ces personnes à reprendre une deuxième et parfois une troisième fois leur migration forcée.
Il faut bien reconnaître que selon le lieu d’arrivée de ces malheureux, l’intérêt médiatique n’a pas la même importance. Imaginons un peu que ces déracinés affamés, apeurés, exploités débarquent sur une plage monégasque, de Juan les Pins, de Cap Nègre, du Cap-Ferret, de La Baule ou de Deauville ? Rêvons un peu : des dizaines, des centaines, des milliers de migrants installent des campements d’infortune à Ca nnes, Saint-Tropez, Mandelieu La Napoule, Argelés sur Mer ou Saint Jean Cap Ferrat ? Que se passerait-il s’il tentait d’aller en Grande Bretagne ou ailleurs en envahissant un port de plaisance avec yachts et voiliers de grande classe ? Ils sont pour le moment massés à Calais dont les atouts touristiques même réels sont pas nécessairement essentiels pour l’équilibre commercial de la France. Le malheur de ces candidats à un exil qu’ils croient tous comme doré alors qu’il ne sera qu’aussi plombé que le ciel anglais c’est que la ville dans laquelle ils échouent ne parle vraiment pas aux vacanciers et donc en été il n’y a aucun espoir de mobilisation. A moins de perpétuer le cycle de l’échec de ces quinze dernières années, les gouvernements anglais et français doivent changer radicalement leur approche de la situation et ne pas laisse sombrer les valeurs humanistes européennes Ériger des murs, déployer des kilomètres de barbelés, dresser des remparts de grillages électrifiés, renforcer la surveillance, nier les liens évidents qui peuvent exister entre certaines personnes présentes à Calais et le Royaume-Uni ne mènera nulle part, sauf à davantage de souffrances et à une situation qui ne cesse de dégénérer. Trop de personnes, y compris des enfants, depuis trop longtemps, risquent leur vie et leur intégrité pour être protégés.
Des enfants français sont morts cet été , mis en danger par nos pratiques sociales quand d’autres le sont uniquement par l’indifférence de politiques qui eux ne pensent qu’à coller à leur opinion publique. Calais n’est que le reflet du monde, de ses conflits et des violations des droits humains en différents points du globe. La fermeture du centre de Sangatte où les réfugiés et migrants ont été accueillis pendant trois ans, les expulsions à répétition des campements, les mesures de contrôle et de surveillance n’ont pas produit les effets attendus par les autorités qui voulaient dissuader ces personnes de venir. Ce ne sont que des mesures destinées à masquer un échec terriblement plus indigne : le refus d’assumer une vraie politique des Droits de l’Homme ! Environ 3000 personnes vivent dans les campements à Calais. La présence des migrants et réfugiés sur les côtes de La Manche n’est pas nouvelle. Cela dure depuis 13 ans et en 2015 on a cependant atteint les sommets en matière d’indifférence sur le fond du problème !
Cet été aura vu débuter ce qui sera le plus grand problème des décennies qui arrivent : les fux migratoires politiques, sociaux, climatiques, alimentaires, économiques. Ils sont lancés comme un rouleau compresseur pour les certitudes politiques en vogue. Ils ne s’arrêteront plus malgré les digues policières ou frontalières. C’est le phénomène estival embarrassant et démoralisant car il va à contre-courant de tout ce que porte la notion même de vacances estivales. Pas grand espoir que le sujet soit celui des apéros de soirées entre amis !

Cette publication a un commentaire

  1. J.J.

    J’apprécie énormément l’attitude de l’ONU qui stigmatise les pays recevant des migrants, comme la Grèce par exemple, au prétexte qu’ils ne font pas davantage d’efforts.
    Par contre les pays de l’Union européenne qui développent des idées (si on peut appeler ça des idées…) et des politiques xénophobes, racistes et fascisantes n’ont à ma connaissance fait l’objet d’aucune remarque désobligeante.

    Tartuffe au pouvoir !

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