La nuit d'été aux belle étoiles filantes en tous genres

Il paraît que c’était hier soir ou jamais qu’il fallait dormir à la belle étoile. C’était la nuit idéale pour s’allonger sur l’herbe ou le sable et mettre son nez vers la voie lactée pour y déceler les Perséides réputées fugaces et lumineuses. On pouvait donc, pour celles et ceux qui n’étaient pas sous les orages ou prisonniers des nuages, s’offrir une cure de sans domicile fixe. Il existera bien quelques fachos pour trouver que c’est justement une chance pour les SDF que celle de pouvoir profiter d’un spectacle gratuit que le salarié contribuable accablé de charges n’a pas le loisir de contempler.
Pendant cette semaine du mois d’août, la Terre va en effet traverser la traînée qu’a laissée la comète Swift-Tuttle dans le passé. Et donc, cela a lieu une fois par an, quand la Terre revient au même endroit dans le trajet qu’elle fait autour du soleil. Les débris de la comète sont de la taille d’un grain de sable. En entrant dans notre atmosphère, ils se consument et laissent derrière eux de belle traînées lumineuses. Un coup de chance, ce sera la nouvelle lune, sa luminosité ne viendra donc pas gêner l’observation de la voûte céleste. Les amateurs pourront même apercevoir certaines planètes et en particulier Saturne et ses anneaux ! En fait peu de monde a le courage de se complaire volontairement sous la voûte céleste à l’ancienne de l’hôtel le plus exceptionnel qui porte le formidable nom de « la belle étoile » !
Il faut pourtant évoquer toutes celles et tous ceux qui n’ont pas eu d’autre choix.
Regardez ces « pauvres » Balkany à qui on vient d’enlever la jouissance de leurs demeures princières bien mal acquises mais dont ils ont bien profité. Ils se retrouvent à la rue comme des va-nu-pieds qu’ils pourchassaient au nom de la salubrité et de la sécurité publiques dans leur ville. Pour eux qui ont vécu dans les diamants étoilés et sous les cieux des tropiques la vision de ces Perséides, poussières de l’univers a eu un sens particulier la nuit dernière : celui de la morgue et du mépris réduits en miettes ! S’ils pouvaient ressentir la détresse des réfugiés qui hantent l’horizon gris de Calais et pour qui le ciel est vraiment sans intérêt et sans pitié ! Mais c’est peine perdue car ils se moquent pas mal des étoiles filantes car leur seule poésie reste celle du pouvoir auquel ils s’accrochent avec l’énergie du déshonneur.
Pas loin de là 80 familles venues chercher un avenir plus souriant en France ont passé cette nuit avec angoisse. Le ciel risquait en effet de tomber sur la tête dans leur bidonville dit de la « place du samaritain » à La Courneuve où ils ont constitué une petite communauté protégée et améliorée patiemment par la Fondation de l’abbé Pierre et Médecins du Monde. Les rares étoiles connues se situent dans les yeux des enfants et elles ont filé quand les forces de l’ordre ont débarqué pour les chasser au nom du Maire soucieux lui aussi de faire place nette. Ces réfugiés avaient aménagé une église au cœur de leur « village » précaire et ils croyaient donc davantage à la venue des Rois mages suivant l’étoile du berger qu’aux éclats des flash-balls. Ils espéraient en leur bonne étoile venant du lieu où ils situent leur sauveur. Pas question de filer vers d’autres cieux car ils ne le peuvent pas ! Leurs mille et une nuits estivales se ressemblent toutes : sombres, mortes, incertaines ! Et rien ne dit qu’ils auront bientôt la sérénité de pouvoir s’offrir le temps de faire un vœu en voyant passer une poussière de comète dans le ciel du pays des Droits de l’Homme et du Citoyen.
Alors pour celles et ceux qui n’ont pas vu les grêlons maudits s’abattre sur leur tête ou la pluie tomber à verse il restait le plaisir extraordinaire de scruter l’origine de la Terre. En s’éloignant des lumières artificielles de la civilisation perturbatrices de la perception céleste naturelle ils ont accédé aux mystères de ce qui a fait rêver il y a bien longtemps des civilisations entières. Bien évidemment il y a toujours eu des religieux pour détourner la science au profit de croyances totalement absurdes. En été on croit encore dans les vertus des horoscopes annonçant des rencontres prometteuses, des orages conjugaux ou des réussites professionnelles pendant… ses congés !
Aujourd’hui, les étoiles filantes ont plutôt bonne presse : quand, par une nuit claire, l’une d’elle semble se détacher du firmament, glisser en silence puis se perdre, la coutume est de faire un voeu ; autrefois, on pensait qu’elles étaient liées aux âmes ou en étaient la figure, et que leur chute présageait le décès de quelqu’un ou un changement dans la condition des morts. « Quand vous verrez une nuit choir une étoile, sachez pour vrai que c’est un de vos amis qui est trépassé, car chaque personne a une étoile au ciel pour lui, et quand il meurt, elle choit . » C’est ce qu’on lisait dans les « évangiles de Quenouilles », un des « best-sellers » de la littérature de colportage dans les campagnes. A méditer pour tous ces hommes, ces femmes, ces enfants morts en voulant suivre leur bonne étoile.

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