Je souffre d'une addiction au débat public direct

C’est avec beaucoup de plaisir que grâce à l’initiative prise par Mathilde Feld Présidente de la Communauté de Communes du Créonnais j’ai retrouvé le principe des rencontres citoyennes que je porte depuis deux décennies. On n’a beau m’expliquer doctement ou sournoisement que ces moments où les élus vont à la rencontre des citoyens volontaires sont « factices » ou «  convenus » je reste persuadé que rien ne remplacera l’information directe, sans média interposé quel qu’il soit, et aussi performant soit-il ? J’ai participé ou animé en tant que responsable syndical, mutualiste, associatif ou politique à des centaines de réunions publiques et quand je reste des mois sans pourvoir le faire je suis malheureux. On n’a pas cessé pourtant de me répéter qu’elles étaient inutiles car « on y voyait toujours les mêmes » ou inefficaces car « les gens n’osaient pas s’exprimer ». J’ai encore et toujours la passion de l’explication qui dézingue les analyses sommaires. En fait il y a toujours pour certain(e)s une raison ou une autre pour refuser d’organiser ces moments durant lesquels il est pourtant possible au minimum d’entendre des explications ou d’écouter des propos contradictoires. Et on en voit le résultat !
On trouve en effet diverses catégories de personnes : celles qui ne sont pas venues et qui ensuite prétendent ne pas avoir été informées ; celles qui sont jamais venues afin de se réserver le droit de critiquer sur la base de leurs fausses idées ; celles qui savent tout et qui se permettent de donner des leçons à posteriori ; celles qui ne sachant rien refusent d’en savoir davantage pour rester murées dans leur à priori… et enfin celles qui s’en foutent totalement constituant d’ailleurs la majorité de celles qui gueulent le plus fort ensuite ! Quant aux élus ils se drapent dans leur légitimité élective sans se rendre compte que par exemple sur le sujet de la refonte de l’intercommunalité ils n’ont reçu aucun mandat de leur population. Comment peuvent-ils mesurer sur divers sujets le bien-fondé de leur prise de position ? A partir de quels éléments décident-ils ? Qui les assure que leur vote souvent lié à des motifs futiles, personnels, anecdotiques va dans le sens de l’intérêt général ?
Je reste et je resterai viscéralement attaché à la notion minimum d’information réciproque sur les grandes décisions entre élus et population volontaire. Mieux sur un sujet important je trouve que nous avons à réformer totalement les pratiques démocratiques en allant beaucoup plus loin et de manière plus souple vers les référendums d’initiative locale. Si nous souhaitons réconcilier le politique et le peuple (ou au moins une partie malheureusement de plus en plus réduite des citoyens) il devient crucial de bâtir de nouvelles stratégies de gouvernance locale. Il faut avoir le courage de le faire !
L’obligation pour les élus d’effectuer des réunions d’information, l’obligation d’effectuer d’autres comptes-rendus de mandats que sur papier glacé, l’obligation à un certain niveau de décision d’associer les gens avec un Référendum. Il ne peut y avoir de renouveau de la démocratie que si on la décroche du système médiatique en la ramenant au dialogue direct, au face à face physique, au débat contradictoire certes parfois pénible pour les élus mais indispensable pour revenir à la réalité sociale.
Quelle peut-être par exemple l’appréciation d’un contribuable sur la révision du schéma départemental de coopération intercommunale quand il ne connaît même pas les compétences de sa propre communauté de communes ? On peut ajouter que bien des conseils municipaux voteront sur une retransmission partiale ou partielle des enjeux d’avenir de leur décision. L’information se mérite. La désinformations se subit. Et c’est là qu’est le vrai problème.
C’est vrai qu’en 25 ans les affluences aux rencontres citoyennes n’ont jamais dépassé les capacités de la salle. C’est vrai aussi que plus la polémique médiatique est forte et plus on fait recette. C’est vrai aussi que l’on confond souvent communication, publicité et information dans cette société médiatique du paraître. Mon grand-père « Abel le rouge » me racontait toujours avec passion ses expéditions sous les préaux des écoles durant les campagnes électorales d’avan-guerre pour aller apporter la contradiction aux candidats « Croix de Feu ». Qui peut actuellement avoir ce courage, cette détermination puisque les seuls débats proposés le sont dans des amphithéâtres universitaires pour gens capables de comprendre, que les réunions sont réservées aux supporteurs et que le filtre médiatique ne permet absolument pas d’échanges directs.
« Je n’ai pas le temps d’écouter toutes vos conneries ! » me confiait aimablement au bistrot un client auprès duquel je m’inquiétais de sa non-participation à la réunion. C’est la base même de l’édifice politique du Front National qui surfe sur des discours creux. «  Je ne ‘exprimerai plus en commission permanente avouait d’ailleurs le conseiller départemental FN girondin. Je dirai ce que j’ai à dire en séance publique…devant la presse ! ». C’est clair comme choix d’autant que souvent ce sont des phrases lapidaires toutes prêtes venues de Paris qu’il faut ressasser pour qu’elles deviennent des vérités transformables en bulletins de vote.
Informer autrement et inlassablement… Se battre pour la démocratie participative… redonner un sens à la citoyenneté… démolir inlassablement les édifices démagogiques… Je sais c’est usant mais c’est tellement passionnant !

Cet article a 3 commentaires

  1. durbain

    Oui, l’information directe sans média interposé qui raccourcissent les propos sortis du contexte, voilà un des piliers de la démocratie.

  2. Alain

    bien pensé
    continuez a nous informer en direct
    marre des JT et autres qui répètent en boucle le message qu’on leur a donné

  3. Sanz

    Oui, je partage votre avis : c’est usant mais tellement passionnant ! Et les retours, si minoritaires soient-ils, ont toujours été pour ma part de formidables remontants !

    Permettez-moi également d’ajouter à votre propos l’initiative de la République numérique consultable ici : https://www.republique-numerique.fr/
    Personnellement, je trouve ce mode de présentation d’un projet de loi et sa consultation publique par la technologie numérique, une chouette initiative, moderne et pariant sur l’intelligence des citoyens.
    Cela a été un véritable succès : plus de 21 000 contributeurs, 8500 arguments déposés…
    Bravo !
    Selon moi, il faut s’emparer de l’outil numérique dans les possibles qu’il offre (S’inscrire à ce projet contributif rien que pour voir le site et sa construction valait tout simplement le coup !)

    Je crois aussi qu’il peut nous permettre de réaliser des vrais changements de société. Déjà pour s’en saisir dans la seule dimension spatio-temporelle, il nous invite de fait à inventer de nouveaux modes de savoir-vivre et par conséquent de travailler ensemble.

    Ce qui n’élimine en rien le principe des rencontres citoyennes que vous animez : bien au contraire ! Elles en trouvent une nouvelle légitimité, notamment parce qu’elles peuvent tout simplement être relayés dans un espace public (notamment audiovisuel) qui est à investir, et en ce jour, plus que jamais pour ne pas s’en laisser conter par des idéologies qui cherchent à nous endoctriner (et qui, pour certains, y parviennent malheureusement…).

    Bien sûr, comme vous le dîtes, ces rencontres citoyennes n’empêcheront jamais que des bêtises puissent s’y dire ; en même temps, elles me paraissent quand même le plus sûr moyen pour accéder au savoir, seul arme qui ait, selon moi de la saveur… Et puis ne doit-on pas d’abord en dire, des bêtises, pour passer à autre chose justement ?

    Bien à vous, cher Monsieur Darmian,
    Noëlle S.

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