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HISTOIRES D’ÉTÉ : essayez de goûter aux joies du quatre-heures

Il y a en été, une grande différence entre le « goûter » et le quatre-heures puisque ces mots ne s’utilisent pas dans le même contexte et dans les mêmes lieux. Le premier appartient souvent à l’élite ou aux couches sociales ayant les moyens de préparer de manière méthodique un mini-repas de fin de journée. Le « goûter » sent le lait, les petits gâteaux, les enfants sages hébergés chez mamie. La madeleine de Proust ne se conçoit pas ailleurs pour les analystes de son œuvre que dans le contexte douillet du salon de sa mère ou de sa tante ou dans salle à manger parfaitement en ordre et cirée. Le second respire la simplicité, l’improvisation, l’originalité et surtout dénote une philosophie beaucoup plus populaire de la vie familiale. En fait c’est surtout dans les campagnes que l’on évoquait le « quatre-heures » dès le retour de l’école. Il constituait le complément idéal de la cantine composé sur absolument aucune autre base que la nécessité de donner au plus grand nombre un repas solide permettant de tenir la journée. Il était récupéré au vol pour partir vers des jeux en plein air ou malheureusement pour participer à des travaux divers utiles à la famille.
Les enfants de l’été actuel ne connaissent absolument pas le bonheur de trouver sur une table un quignon de pain frotté avec de l’ail afin de « faire circuler le sang » et donner cette vigueur que les parents d’Henri de Navarre avaient eu soin de lui procurer avec une gousse appliquée sur ses lèvres de nouveau-né. Quel est celle ou celui dans les nouvelles générations qui apprécierait une grande tartine de miche de quatre couverte de beurre frais et saupoudrée de chocolat en poudre ? Il y avait aussi le pain perdu préparé à la hâte par une grand-mère ou une mère n’aimant pas jeter des restes de pain. Et la confiture avec les petits cubes dorés de melons d’Espagne ou celle des prunes reine Claude quasiment confites, étalée sur une partie du « 700 » posée dans la huche extérieure le matin par le boulanger ? Que penser du clafoutis confectionné avec les fruits les plus mûrs qui menaçaient de se perdre ? Les quatre-heures n’avaient rien de diététique mais on comme on ne savait même pas ce que ce mot voulait dire on ne grossissait pas ! D’ailleurs il est prouvé scientifiquement qu’un enfant qui comme moi n’a jamais eu autre chose que des « quatre heures » devient adulte un adepte du casse-croûte !
Désormais on part à la plage, en promenade ou on sort de la piscine et au retour on trouve des « goûters » achetés dans un rayon de grandes surfaces car ils correspondent à une publicité télévisée répétitive. Sous une cellophane protectrice ou dans des emballages aux couleurs chatoyantes ces produits industrialisés masquent sous des noms attractifs une triste réalité. L’été permet même tous les excès dans ce domaine car c’est l’époque de la facilité. Une bonne bouteille de Coca et du prêt à goûter justement parfaitement adapté à ce que l’affamé préfère par mimétisme, suffisent à transformer ce qui devrait être une fête des papilles en une banale débauche de calories. Le système consumériste a inventé l’équilibre alimentaire pour ensuite le bafouer en permanence au nom de la rentabilité économique.
Que garde-t-on d’un été « chocos BN » ou « Petit Prince » ou du « Nutella » si ce n’est une accoutumance à une marque ? Si ce n’est l’envie permanente d’en remanger ? Le « petite Madeleine » de « Tante Léonie » que Proust retrouve comme un big-bang vers son enfance a forcément un point commun avec toutes les tartines du « quatre heures » car elle avait le goût exceptionnel de ce qui a été préparé spécialement pour celui qui le reçoit. Accepter ce qui n’est pas parfait, aimer ce qui est tellement simple sans en avoir honte, s’approprier l’authenticité d’une préparation, ne pas être déboussolé par une saveur inconnue… constituent des bienfaits essentiels pour le développement d’une personnalité. Le « goûter » standardisé les détruit inexorablement car elle prépare simplement des générations de consommateurs pour lesquelles les choix sont effectués en amont de leur propre libre arbitre. Dans la mesure où rien ne barre la route à cette évolution il n’y aura bientôt plus que des nostalgiques du quatre-heures mot trop familier pour demeurer dans la langue française.
Cet été offrez vous votre madeleine… cherchez ce qui a fait votre bonheur, ce sentiment exceptionnel du retour sur des sensations oubliées. Allez chercher des moments aussi simples que possible qui ne peuvent être qu’égoïstes puisque vous serez le (la) seul(e) à le reconnaître au milieu des autres. Et méfiez vous vous risquez d’y prendre goût !
Jean-Marie Darmian

Cette publication a un commentaire

  1. bernadette

    Les habitudes alimentaires ont change avec les modes de vie. Les enfants qui mangent des configures fait maison sont rares et je dirai meme inexistant.
    Le quatre heure actuels c’est de la viennoiserie industrielle accompagnes de compositions lactees industrielles. Fini les tartines beurrees avec du chocolat tobler rape.

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