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L’engrenage de la vengeance va broyer l’humanité

Qu’on l’appelle la « Trêve des confiseurs », la « semaine de Noël » ou la période du « calendrier de l’Avent », les quelques jours qui débutent ont perdu de leur superbe. En quelques heures la mort a précédé une fois encore ce que les croyants pensent être la fête de la… Nativité. Des dizaines de victimes d’une succession d’actes aussi ignobles que barbares ont été recensés en une seule soirée. Il y a des peurs, du sang, des larmes et le sentiment épouvantable de voir le monde sombrer dans les ténèbres alors que partout il veut briller des lumières du partage festif. Il va falloir mettre nos espoirs en berne car plus rien n’arrête la violence et la vengeance calculée ou folle.

Tout a commencé dans cette Suisse se voulant accueillante et se croyant préservée des poussées extrémistes. Selon la police, « un inconnu est entré dans le centre islamique » de Zurich vers 17 h 30. D’après des témoins, il portait des habits et un bonnet de laine de couleur sombre. Plusieurs personnes se trouvaient dans la salle de prières et a « tiré plusieurs coups de feu sur les fidèles », au hasard évidemment. « Trois personnes ont été blessées » et sont âgées de 30, 35 et 56 ans. Il faut supposer qu’il s’agit d’un acte en lien avec la religion des gens paisiblement installé dans leur lieu de culte. Le tireur aurait été retrouvé mort (suicide?) quelques heures plus tard ce qui ne permettra pas de connaître les motivations d’un acte mais il n’y a guère de doutes sur leur origine. Un anti-musulman assassine des hommes qu’il considère comme devant être éliminés pour leur engagement religieux personnel. Rien d’autre !

Quelques minutes plus tard à Ankara au cours d’une conférence de presse pourtant sécurisée l’ambassadeur de Russie en Turquie est tué dans un attentat »terroriste » perpétré par un homme armé qui a évoqué une « vengeance » pour la ville syrienne d’Alep, en passe de tomber aux mains du régime de Damas avec le soutien de Moscou. Selon les autorités turques, le tireur, « neutralisé », était un policier (sic). Cet acte intervient un an après l’attentat contre un avion russe décollant d’Égypte, revendiqué par l’EI . On peut simplement envisager qu’il s’agisse dans ce cas d’un musulman voulant venger ses frères ou ses enfants massacrés par centaines dans une guerre de Syrie qui dévastatrice qui s’en prend au représentant officiel d’un État russe qu’il juge responsable de ces crimes. Rien d’autre!

La police allemande annonce alors vers 20 h qu’un camion avec deux hommes à bord a foncé dans la foule, en empruntant un trottoir où se trouvaient des badauds sur un marché de Noël tout près de l’église du Souvenir, dans un quartier chic de l’ouest de Berlin. Deux heures plus tard les autorités annonçaient que le chauffeur du camion avait été interpellé et que son passager était mort alors qu’une opération de sécurité massive s’était mise en place dans la capitale allemande et que la police avait appelé la population à « rester à la maison ». Dès qu’il aura été interrogé on apprendra certainement que l’on s’inscrit dans un comportement barbare lâche pour assouvir encore une vengeance démesurée. En peu de temps la magie de Noël s’est évanouie. terrible mais inévitable !

Chaque « camp » s’exonérera dans chaque cas, de toute responsabilité dans ces carnages répétés en les justifiant par les fautes de l’autre. La haine sera renforcée par une nouvelle haine dans un engrenage broyant les consciences et les esprits. Les morts sont oubliés puisque d’autres morts les remplacent dans les médias qui aussitôt se mettent à diffuser en boucle les images terribles de la réalité de ce qui s’appellera inexorablement d’autres actes « terroristes » pour les uns ou « courageux » pour d’autres. Il est à peu près certain que l’on va se battre à coup de revendications ou de justifications en oubliant la valeur de la vie humaine et les innocents d’Alep, de Zurich ou de Berlin. Les spécialistes des communiqués de condoléances ou de solidarité vont gratter toute la nuit des textes larmoyants sur le malheur des gouvernants touchés par ces événements terribles. Erdogan, Poutine, Merkel et consorts auront droit aux condoléances attristées de leurs collègues. Des messages d’alerte seront diffusés puisque le danger d’une épreuve similaire reste omniprésente dans le quotidien de chacune et chacun d’entre nous. Bref la routine dans une société mondialisée incapable de maîtriser des spasmes suicidaires mais qui va donner plus de poids à certaines morts qu’à d’autres !

La violence s’insinue partout et sous diverses formes : économique, financière, morale, religieuse, environnementale, physique, verbale, culturelle, sociale, sportive, conjugale, judiciaire… mais nous fermons les yeux avec l’espérance d’être épargné par ses effets. « Il y a une équation qui se vérifie toujours dans l’Histoire : « la somme des injustices d’aujourd’hui est égale au montant des violences de demain » a expliqué dans une conférence le journaliste dénonciateur de la télé-réalité Philippe Bartherotte. Je crois que la note va être salée !

Cette publication a un commentaire

  1. faconjf

    bonjour,
    notre civilisation et nos « valeurs » vont elles se collapser comme une bulle de vapeur sous l’effet de la pression. Telle est la question qui se pose devant le terrorisme. Le terrorisme est incapable de raser une ville ou d’anéantir une armée, son objectif est de susciter chez l’adversaire sidération et disproportion de la réplique. C’est l’image de la mouche ( le terroriste) qui rend fou l’éléphant (la nation) dans le souk (la société). Les états occidentaux nous ont vendu l’image d’une société qui protège en permanence le citoyen en échange d’une allégeance du corps social aux règles imposées par la classe dominante. Bourdieu, dans La Noblesse d’État. Grandes Écoles et esprit de corps, esquisse une théorie de l’État comme organisation revendiquant « le monopole de l’usage légitime de la violence symbolique ». L’utilisation de la violence « illégitime » par les terroristes détruit les fondements de la doxa des nations car elle met à jour l’impossibilité de protection du citoyen et remet en cause l’allégeance au système imposé. « Sont des endoxa […] les opinions partagées par tous les hommes, ou par presque tous, ou par ceux qui présentent l’opinion éclairée, et pour ces dernier par tous, ou par presque tous, ou par les plus connus et les mieux admis comme autorités. » (Aristote, Topiques : I, 1)
    Bourdieu révèle que l’espace social est organisé par les deux principes de différenciation croisés que sont le capital économique et le capital culturel, dont la distribution définit les deux oppositions qui sous-tendent les principales lignes de clivage et de conflit dans les sociétés avancées, celle entre dominants et dominés.
    Aujourd’hui nous récoltons les fruits d’une société qui ne se consacre plus qu’à l’argent et méprise la culture ( épisode de la princesse de Clèves). Société où la doxa se forge dans les merdias pilotés par des milliardaires intéressés construisant les éléments de langage des politiques justifiant les pires atrocités terreau fertile de tous les terrorismes.
    Demain la guerre civile devant les sales gosses capitalistes qui ont joué avec les allumettes assis sur le baril de poudre ???
    salutations républicaines

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