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Anniversaire : me voici en première ligne !

C’est fait : je suis entré dans ma soixante et onzième année puisque je viens d’achever la soixante-dixième… Ma grand-mère maternelle maintenait toujours, contre tout le monde, que les ans annoncés lors des anniversaires étaient faux puisque en fait on comptabilisait ceux qui étaient écoulés et que l’on débutait le jour référence de sa naissance le millésime suivant. Tant qu’elle a vécu elle n’a jamais calé sur ce principe. Maintenant que j’ai sept décennies au compteur sa position ne m’importe guère ! Je garde en revanche d’elle le souvenir du millas qu’elle préparait selon une recette tenue sécrète pour qu’au fil des ans je puisse sacrifier à la tradition de souffler les bougies. Avec parfois des œufs au lait en prime on abordait les années supplémentaires avec un vrai plaisir des papilles. Le gamin né dans la maison familiale de Sadirac n’a pas en mémoire le moindre autre cadeau pour ce rendez-vous avec son histoire personnelle à part quelques pièces permettant de se croire indépendant en allant chez la buraliste acquérir des bonbons au détail ou beaucoup plus tard une tablette de chewing-gum sortie de son emballage collectif par une vendeuse soucieuse de quintupler son bénéfice. Les anniversaires ont pourtant lentement marqué l’évolution de ma vie puisque aucun d’entre eux n’a ressemblé aux autres. Les plus beaux ont été au début les décennies. Avoir dix ans, vingt ans ou trente ans a marqué le début d’un épisode nouveau de la vie.

J’ai dans un coin de ma mémoire celui labellisé « 10 » car il marquait mon passage de l’école primaire vers le cours complémentaire où nous devions partir à seulement 3 de toute l’école du village. Un premier étage où s’arrêtait déjà l’ascenseur social. L’enfant d’un mariage mixte italo-français d’après guerre accédait quelques mois plus tard à cette classe de sixième réservée à l’élite dans le village. Avec le recul du temps cette référence ne représente plus rien pour les jeunes générations. S’ouvrir le droit à apprendre, à espérer , à s’offrir un avenir : on n’en mesure l’importance qu’à 70 ans et on a au fond de soi une estime particulière pour un homme en blouse grise qui vous poussait au bout de vos possibilités pour le rejoindre à l’étage suivant de la promotion sociale ! « L’instit », personnage clé de l’enfance, dont on ne mesure l’importance décisive que quand on l’a quitté, est associé à cette première dizaine !

Est-ce un hasard si quand les 20 bougies furent alignées sur un gâteau acheté chez le pâtissier (promotion oblige) j’étais à mon tour devenu celui qui devait apporter l’espoir aux autres. Ce jour là ma carrière était tracée et je pouvais penser à construire une vie indépendante. Une réussite nouvelle pour mes parents : j’étais instituteur ! Le moment fut encore essentiel car j’avais été convié à passer un examen plus redoutable que tous les autres : convaincre la famille de celle que j’aimais que j’étais digne d’elle ! Inimaginable mais bien réel. Cravate, chemise blanche, veston pied de poule, chevelure parfaitement maîtrisée et une fausse décontraction : tous les atouts de gendre idéal étaient de mon coté en ce jour particulier et j’obtins le droit de poursuivre l’aventure qui dure maintenant depuis 50 ans !
Le plus terrible fut le rendez-vous suivant celui avec la trentaine : jambe brisée enserrée dans un plâtre depuis plus de 2 mois ! Abandonnées avec désespoir les batailles footballistiques dominicales pour celles de la politique locale depuis quelques mois : une autre équipe naissait pour une période ininterrompue depuis de fidélité à des valeurs apprises dans le syndicalisme ou la mutualité. Une vraie passion pour les autres se forgeait et ne s’éteindrait plus avec 8 élections consécutives diverses gagnées… et une vie de famille parfois oubliée par égoïsme ! Chaque fois la même joie d’avoir convaincu. Elle ne disparaîtra jamais depuis, malgré les aléas des querelles de personnes ou les inévitables désillusions générées par la vie publique.

Chaque anniversaire fut ensuite marqué au gré des décennies successives par l’appauvrissement douloureux du cercle de famille ou son enrichissement par l’arrivée de jeunes pousses porteuses d’espoirs. Difficile d’imaginer qu’un gâteau aurait une importance particulière : celui de mes 70 ans ! Il a plus de valeur que tous les autres. En effet depuis le début il y avait toujours autour de la table quelqu’un qui courait devant moi. Mes grands parents, mes parents…  ont disparu du peloton familial ! Pour la première fois je suis en tête ! Me voici comme on dirait sur une grille de départ de Formule 1 en « pole-position ».

« Privilège de l’âge », comme si le fait de plier le dos sous le poids des ans constituait un avantage spécifique ! Désormais la lucidité oblige à penser à soi et au fait que la prochaine décennie peut être précédée du mot « fin ». En attendant c’est drôlement sympa de vérifier que plus vous vieillissez et plus les gens tentent de vous démontrer que vous êtes encore jeune !

Cet article a 9 commentaires

  1. deyris

    Quelle intelligence. Texte magnifique digne de la belle personne que je découvre via Facebook. Moi aussi j’ai ce sentiment pas toujours agréable de êtreen ppremière ligne. Le fait d’être actif de se donner aux autres chacun à sa façon nous permet d’exister et d’espérer encore.bonne continuation Jean marie

  2. J.J.

    « nous devions partir à seulement 3 de toute l’école du village. Un premier étage où s’arrêtait déjà l’ascenseur social. »

    Ce n’était pas toujours « gratifiant » d’entrer en 6°, étant déjà élève au Lycée (où à l’époque il y avait encore des classes primaires) , j’avais mauvaise conscience auprès de mes petits voisins d’être un privilégié (ce qui en réalité n’était pas le cas).

    Le mois prochain, je vais avoir vingt ans…. pour la quatrième fois….

    Je te souhaite un traditionnel et sincère bon anniversaire Jean Marie !

  3. bernadette

    Bonjour Monsieur,

    L’estime de soi donne confiance en soi.

    Aujourd’hui c’est ma fête.

    Bien à vous et bon anniversaire

  4. faconjf

    Bon anniversaire Monsieur Darmian, chérissez vos proches construisez avec eux de beaux souvenirs.

  5. LAVIGNE Maria

    Bel anniversaire, ensoleillé, plein de tendresse avec les jeunes pousses et votre famille !
    Nous nous suivons et moi aussi, je suis en première ligne mais il ne faut pas y penser puisque la vie continue avec nos petits.

  6. bernadette

    Je voulais dire que les valeurs de soi sont celles de l’ancrage familiale, c’est toute une histoire. Une histoire dans l’histoire.
    Il devient nécessaire pour se faire plaisir et offrir notre passé à ceux qui restent, c’est de l’écrire. Écrivons nos mémoires….
    Mémoires de vie, mémoires d’éternité..

  7. LEON

    Je ne vous connais pas, mais le hasard du calendrier me permet de vous le souhaiter bon et joyeux avec un jour de léger retard, moi qui suis né le 19. Que le proche avenir nous apporte de belles énergies et des joies nouvelles sur le parcours.

  8. bernadette

    Bonjour Leon,

    Aujourd’hui 19 /2 c’est votre anniversaire selon vos dires.

    Profitez de cette journee pour jardiner et faire du rangement.

    Belle journee de fevrier, le printemps c’est tres bientot.

    1. MAGICAPO2

      Jean Marie , bon anniversaire et continuez à conserver cet esprit critique et humaniste .
      amicalement

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