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Revenu de base : quand il y a une volonté, il y a un chemin !

Discours prononcé lors du débat sur l’expérimentation du « revenu de base en Gironde » autour du financement. 

« Monsieur le Président, mes chères et chers collègues,

Figurez-vous que dans ma lointaine jeunesse dans le journal de Mickey et dans bien d’autres, existait la page des jeux avec notamment celui de la « case au trésor ». Un carré dont des chemins sans issue et un seul valable conduisaient au centre où se trouvait le coffre dégoulinant de bijoux ou de pièces d’or. Un seul était valable et le jeu consistait justement à trouver le bon…. Le débat que nous avons sur le revenu de base pourrait s’apparenter à cet exercice ludique. D’abord parce que l’on présente souvent cet «outil de justice sociale et fiscale» à une sorte de pactole à attribuer sur les fonds publics, de manière inconsidérée à une population qui roulerait déjà sur l’or !

Vous aurez bien compris, du moins je l’espère, que les sommes évoquées et surtout les principes guidant l’expérimentation sont très éloignés de cette vision fallacieuse d’une nouvelle donne républicaine de la solidarité.

Ensuite, il existe une vraie crainte sur la manière dont peut se concevoir le financement du revenu de base. Elle est même utilisée comme une arme massive de dissuasion de ce qui constitue une réforme sociale identique  à ce qu’a pu être le R.M.I. ou le R.S.A., la P.C.H. ou l’A.P.A. au moment de leur création. Financement impossible. Milliards alignés comme autant de boulets à la fiscalité toujours trop grande des ménages ou des entreprises. Sommes cumulées selon le principe que plus elles sont extravagantes plus elles tuent l’idée même d’une action salutaire pour des millions de citoyens paupérisés ou au minimum sans piste d’avenir pour leur entrée dans la vie.

Il est donc important de clarifier l’impact du revenu de base sur les finances publiques. En fait le revenu de base obligera la puissance publique à rénover, à modifier voire à bouleverser un certain nombre de repaires actuels en matière de fiscalité et de financement.

Ainsi, il faut aborder un principe clair qui entrera bien évidemment dans les conditions girondines de l’expérimentation en Gironde : un retour au principe de neutralité financière pour le Département de cette mesure ! La Loi nous le garantit. Une convention le garantira et d’ailleurs le rapport du Sénateur Percheron qui a recommandé ce processus expérimental propose «la création d’un fonds spécifique pour les expériences qui seraient conduites par les Départements». En ce qui nous concerne, notre engagement ne dépassera pas le financement de l’évaluation de l’expérimentation  et la valorisation de la mise à disposition de nos personnels pour l’accompagnement et la mise en forme du projet. C’est important pour plusieurs raisons dans le contexte actuel des rapports entre l’État et les Départements puisque nous revenons au principe de «qui décide paye» bien maltraité depuis de longues années pour les Allocations Individuelles de Solidarité. Cette expérimentation placera le Gouvernement qui l’acceptera devant ses responsabilités :

•      Quel équilibre financier entre Département et État ?

•      Quel rôle confié au Département (versement direct ? Suivi des dossiers ?) ?

•      Quelles économies de gestion peuvent être concrètement réalisées dans le contexte actuel  par une automatisation du revenu de base ? Elles devraient être réelles et durables.

L’expérimentation relance la discussion avec l’État sur le financement par ses soins des mesures nationales de solidarité confiées aux Départements. Elle arrive à point nommé au moment où les discussions nationale avec la C.N.A.F. deviennent compliquées sur le paiement aux C.A.F. de frais de gestion du R.S.A. à hauteur de 3 % du montant distribué (7,5 M€ pour la Gironde !).

Outre le problème de l’expérimentation se pose le problème de la question du financement du revenu de base lui-même. Le bouclage des scénarios prévus est indispensable. Et pour reprendre ma métaphore de la case au trésor nous savons déjà que des chemins sont impossibles, puisque pour une expérimentation nous ne pouvons faire que des simulations car nous ne pouvons pas en l’état de la Constitution peser sur la fiscalité et ses règles fixées par la Loi de Finances.

L’Institut des Politiques Publiques réalisera pour début Avril des micro-simulations à l’échelle des ménages, qui à côté du coût réel, prendra en compte les effets redistributifs (consommateurs, économies d’échelle, retour à la vie sociale) des scénarios 1 et 3. En effet, le scénario 2 est en l’état actuel des textes non applicable car soumis à des réformes fiscales échappant à notre compétence.

Sur le scénario 1, le coût réel peut se résumer à la manière des formules que l’on apprenait dans les cours moyens : Coût global réel = dépense brute effectuée – (retombées économiques directes et indirectes + suppressions des allocations financières + économies de gestion)  Or de manière simpliste, ne sont diffusés que les coûts globaux faussant ainsi toute objectivité du débat. Si l’on part simplement du principe que sur 2.000 personnes entrant dans le champ expérimental on place 1.000 ressortissants du R.S.A. – sur un revenu de base non dégressif (c’est-à-dire au maximum) on obtient pour un an et pour le Conseil Départemental les chiffres suivants (base 2016)

 

R.S.A. versé actuellement par le Département 5.721.000 €
Part de l’État 3.721.000 €

(déjà payés)

Reste à charge Département 2.000.000 €

(qui ne sont plus à charge)

 

Sur les 1.000 autres, la part départementale est nulle puisque l’A.P.L. et la prime d’activité n’entrent pas dans les calculs des dépenses départementales. La dépense totale d’une expérimentation sur un an d’un revenu universel et inconditionnel de base se situerait en coût brut à 14 M€ avec environ sur le scénario 1 une récupération existante d’environ 8 M€. Le coût réel est donc évalué à 6 M€ soit en moyenne environ 250 € par personne et par mois. Il faudrait également pour être parfaitement juste enlever les économies de gestion.

La réalité est toute autre que les propos d’estrade ou de débat télévisé sur le revenu de base. L’évaluation au bout de 3 ans doit tenir compte de nombreux autres paramètres. Précisons pour compléter cette estimation sur l’échantillon que je n’ai pas tenu compte d’une individualisation du revenu de base et donc de sa dégressivité éventuelle sur l’échantillon non R.S.A. des autres ressources. Le coût réel serait plus proche de 5 M€ que des 6 M€ estimés à 100 %. Nationalement ces constats seront probablement discutés, affinés et mieux décrits car je le répète une part de ce revenu fixe, durable peut apporter des retombées fiscales indirectes à chiffrer (T.V.A., consommation, …).

Si l’on prend le scénario 3, il faut convenir qu’il s’attaque à un autre volet celui d’une réforme fiscale en profondeur qui s’ajoute à celui du recyclage de certaines aides sociales. Chacun recevant un revenu de base mais verserait aussi un impôt sur le revenu de base selon ses ressources (patrimoine compris). L’augmentation de la dépense publique présentée globalement serait là encore un argument de campagne électorale fallacieux. Il faudra reprendre la formule sur les débits et les rentrées pour afficher un chiffre sérieux du coût net de cette mesure après les transferts de richesses prévus.

En effet cette formule prévoit des réformes profondes du système fiscal avec par exemple  la fusion de l’impôt sur le revenu et de la C.S.G. qui permet une plus grande justice fiscale car elle prend en compte la totalité de l’assiette d’imposition. La fiscalisation deviendrait universelle et commencerait au premier envoi pour renforcer. On y ajouterat une réforme en cours mais élargie de la taxe foncière et une amélioration du rendement de l’I.S.F. (très faible dans la réalité). En fait, on financerait ce revenu de base par la prise en compte nationalement d’un constat d’injustice fiscale fort : 10 % de la population possède en France 50 % du patrimoine  quand 50 % des moins fortunés n’en possèdent que 8 %.

Bien évidemment, l’expérimentation girondine sur 3 ans permettra de fournir des bases précises, argumentées, irréfutables des coûts réels d’un revenu de base. En découlera alors un vrai débat démocratique sur les modalités d’une généralisation d’une application partielle, des ressources nécessaires. En fait, il faut seulement mes Chers Collègues, se souvenir qu’en matière de financement là où il y a « une volonté, il y a un chemin » !

Cet article a 5 commentaires

  1. LEON

    J’ai lu et essayé de comprendre, non sans mal; lecture qui m’a donné l’impression d’une visite d’usine à gaz en construction, car ce n’est pas du tout mon domaine. Oui, une volonté ouvre un chemin. Chemin certainement difficile en l’occurrence, et long jusqu’au but visé. En cours de route le but peut avoir tellement changé qu’on se retrouve ailleurs, ou revenu … au point de départ. Si je m’amuse avec les mots, c’est à cause de l’appellation non contrôlée (!) de ce « revenu universel d’existence, « revenu universel de base », « revenu de base »… Une volonté cherche à ouvrir un chemin et c’est respectable. A condition de ne pas appeler un chat autrement qu’avec le mot « chat », un RSA autrement qu’ RSA. L’imprécision des mots n’empêche pas l’idée d’aller voir plus loin, ni la volonté d’aller voir plus loin et d’essayer; car elle est elle-même la marque du premier défrichage, des premiers tâtonnements de la recherche. Une curiosité prospective s’allume, elle est salutaire. Ce qui ne me convient pas du tout, c’est de donner si vite à une idée qui nécessite un long travail de réflexion le statut d’un projet déjà mis en œuvre ou presque. Dans l’ordre, il y a la rêverie, l’idée, puis le projet, sa mise en œuvre et les divers bilans. Beaucoup de chemin donc, avant que l’idée puisse devenir un pilier essentiel dans un programme électoral dont on attend qu’à partir d’un socle solide, concret, il réponde aux urgences et aux nécessités. Ce qui me gêne, c’est donc le statut de « produit d’appel » qu’on a donné à ce qui n’est pour longtemps encore qu’une idée. On peut l’annoncer comme une recherche et commencer l’expérimentation; mais crier trop vite « eureka » n’est pas sérieux, et c’est même vite suspect. Il est vrai que B. FRIOT n’a pas à répondre aux injonctions d’une course à la présidentielle, mais cela lui permetau moins d’avancer avec circonspection dans ce domaine, et de parler de « salaire universel », lui, en sachant de quoi il parle. Enfin, il me semble…

    1. bernadette

      Selon B.Friot, le travail doit s’émanciper. Curieuse affirmation.
      Le travail émancipe le pauvre humain. C’Est par son utilité que l’humain s’émancipe.
      Le travail est utile, bien sûr, il y a le coût du travail qui est le salaire.

  2. bernadette

    Comme Leon, j’ai eu du mal a comprendre ce billet.
    Pour ma part je proposerai Que le RSA soit verse en echange d’une journee de travail par semaine dans les communes.

  3. bernadette

    C’est possible, il faut organiser un planning d’occupation de l’allocataire du RSA. Actuellement les petites communes ont du mal a trouver un budget pour offrir aux contribuables et non contribuables des allees non desherbees et propres. Ramasser les detritus dans les fosses est une tache non assuree chez moi.
    Tenir compagnie aux personnes agees.
    Qui sont ces allocataires du RSA, ce ne sont pas des animaux ?
    M. Darmian, les connaissez vous ?.
    Travailler un peu doit permettre une socialisation.
    Enfin, je le pense….
    Il vous faut faire des propositions dans le sens de l’eveil.

  4. Georges SIMARD

    L’aumône du voleur au producteur de richesses : « Consomme et tais-toi ! » …

    Ce n’est pas un hasard si Benoit Hamon, voiture balai d’un parti $olférinien effondré, s’en est fait récemment le chantre ; les media aux ordres présentent le « revenu universel » comme la panacée aux maux du système capitaliste en crise.
    Ce projet s’inscrit dans la stratégie du CAC 40. Il est concocté depuis quelques années déjà par les « think-tanks » de « mon amie la Finance ».
    [ Littéralement , « think tank » se traduit par « réservoir d’idées » ; personnellement je préfère l’expression « chars d’assaut de la pensée …dominante ». ]
    Cette idée lumineuse nous est aujourd’hui – ô miracle ! – vendue comme « progressiste », ou « marqueur de la goôoche » par les apothicaires d’un système capitaliste tenu de refaire constamment les peintures.
    Une fois encore – c’est dans ses gènes politiques – le candidat $olférinien fait campagne pour les idées du MEDEF voilées sous la burqa rose bonbon.

    Le capital « moderne » ne veut plus s’ennuyer avec les soucis du « fournisseur d’emploi » … : Il devient trop « lourd » de gérer l’affrontement avec le bétail destiné à la tonte. Il est plus confortable de devenir « purement » rentier, d’autant que les gains de productivité prodigieux des dernière décennies sont aujourd’hui bien encapsulés dans les « procédures qualités » des multinationales.
    Pour en finir avec le détricotage des conquis du CNR, encore attachés aux institutions du salariat, – qui décidément, malgré tous leurs efforts, ont encore la vie dure …- il convient donc d’opérer un nouveau « ravalement » :
    — « Baillons donc à ces manants un peu d’oseille, à seule fin qu’ils consomment et se taisent ! » … Et surtout qu’ils restent soumis à nos impératifs d’exploitation, si d’aventure ils avaient le désir de bénéficier d’un peu plus que le minimum vital.
    Voilà le sens de la proposition typiquement réformiste de Benoit Hamon qui, vous l’aurez noté au passage, ne se donne même plus la peine de parler de la nécessaire reprise en main de notre économie nationale …. puisque l’État – dans son projet – est voué à devenir l’agence centrale du Secours Populaire, Catholique et Restos du Coeur réunis et que les producteurs de richesses sont réduits au statut d’êtres de besoins, de consommateur assisté.
    Rien sur les destructions massives d’emplois, on la joue pianissimo sur la remise en cause radicale du code du travail.
    L’argument qu’il avance selon lequel les « mutations technologiques » imposeraient un « nouveau modèle social », débouche en réalité sur un retour aux archaïsmes sociaux du Moyen-Âge, qui voyaient les journaliers de l’époque tenter de vendre leur sueur, chaque matin, sur le « marché du travail » en place de grève.

    L’analyse scientifique des processus économiques, nous démontre exactement le contraire :
    Les mutations technologiques et les gains de productivité qui les accompagnent ouvrent des possibilités nouvelles d’élévation de la qualité et de la durée de vie des travailleurs …
    Sous réserve, bien entendu, que producteurs de la richesse se donnent politiquement et économiquement les moyens d’une véritable maîtrise de la valeur qu’ils génèrent.

    Je vous convie à entendre sur Youtube la conférence de Bernard Friot, expert en économie, professeur émérite à Paris X – La Défense, spécialiste reconnu de la sociologie du salariat et des systèmes de protection sociale en Europe :
    https://youtu.be/lHujBHqNSBg

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