You are currently viewing Les vendanges technologiques s’imposent de plus en plus

Les vendanges technologiques s’imposent de plus en plus

Dans bien des propriétés du Bordelais la pression monte. Le moment du choix du jour des vendanges approche et les analyses réputés objectives ou les intuitions nées avec le temps deviennent l’objet de toutes les discussions. Comme la grêle s’est invitée de manière localisée en quelques heures la peur va interférer avec des prévisions qui deviennent de plus en plus précises et techniques. Désormais ce qui a été durant la fin du XX° siècle un moment joyeux, collectif, partagé devient de plus en plus un rendez-vous avec une ingienierie vinicole de plus en plus sophistiqué. En fait le « flair » a été remplacé par une gestion scientifique de la récolte avec des paramètres tellement précis qu’ils ôtent réellement tout espoir de faire jouer l’expérience. Cette année le gel a tout de même modifié les certitudes puisque des équilibres de production sur les parcelles ont été parfois considérablement modifiés. Il faudra une attention accrue pour que le résultat concilie quantité acceptable par achat de vendanges sur pieds et qualité par une nouvelle approche des assemblages de cépages et de terroirs.
Il fut une époque que nul ne doit vraiment regretter où la cueillette des raisins n’avaient absolument lien avec celle débute demain. L’usage des machines a considérablement modifié l’esprit même des vendanges. Solidarité familiale ou de voisinage, choix du jour selon les disponibilités des uns et des autres, utilisation du sécateur et du panier en bois, collecte dans la hotte en métal pour un apport dans des bastes au bout des rangs. Une chaîne humaine intergénérationnelle dans les petites exploitations se mettait en place avec des rôles bien définis pour quelle soit efficace.
Au fil des ans les garçons passaient du statut d’assistant cueilleur avec un « basteau » et des ciseaux adaptés à celui de vendangeurs attitrés. Ils devenaient porteurs de bastes sur une barre de bois portée à l’épaule vers la charrette évacuant la récolte vers le chai. Foulage de la vendange (aux pieds pour l’amusement) mais dans un fouloir à grande roue actionnant des roues cannelées pour placer ensuite le résultat soit directement dans la cuve soit dans un pressoir à vis avec cliquets dont l’installation nécessitait un savoir-faire méticuleux pour l’ordre des pièces de bois posées sur la récolte. Rien de bien maîtrisé dans toutes ces étapes mais un vrai travail humain qui mobilisait souvent dans les semaines antérieures à la rentrée scolaire. Les épisodes de « barbouilles », les concours de vitesse de cueillette d’un rang, le choix du partenaire, le moût bu directement au pressoir ou le bourrut consommé avec modération pour les intestins dans le chai… Autant de moment qu’a emporté le vent de la modernité rationnelle !
Le travail pénible pour tous les maillons de cette production a inexorablement été mécanisé. Il revient avec d’infinies précautions pour la cueillette manuelle que les grands crus ont toujours maintenue mais pour le reste tout ressemble davantage à un mélange entre l’industrie de précision et la le laboratoire œnologique. Même avec l’usage de la machine des règles varient d’une propriété à l’autre. Certains collectent de plus en plus le raisin la nuit car les températures et le niveau d’humidité sont préférables à la chaleur de la journée. Ils passent sur des tables de tri pour enlever les feuilles parasites et les plus mauvais produits avec une précision variable. Les méthodes de vinification sont ensuite à peu près d’un niveau semblables. Plus de bois ! Bientôt plus de pompes puisque la grande nouveauté coûtant une fortune celle des chais gravitaires (quand elle est possible) va modifier en profondeur l’élaboration des grands crus ! Les investissements sont gigantesques et souvent le fait de grands groupes industriels du vin ou de propriétaires étrangers fortunés. On assiste à un étirement considérable des moyens mis en œuvre.
La notion d’exploitant agricole n’a plus de sens dans la mesure où elle s’applique à des réalités sans aucun lien. Le seul avantage ce sont les multiples avantages de ce statut qui sont logiques pour des propriétaires dont le vignoble est le seul revenu alors qu’il est indécent pour des milliardaires ou des sociétés par actions pour lequel le « château » n’est qu’un élément de patrimoine sécurisant des placements financiers. Pour eux la période des vendanges n’aura jamais le charme de celles de ces petites entités familiales dans lesquelles mûrissaient parfois des vins improbables mais aussi des petits bijoux naturels.
Il apparaît maintenant que la différence va se jouer sur les méthodes de culture et de traitement du vignoble et plus tellement sur la vinification. Les produits utilisés pour les traitements vont à l’avenir peser lourdement sur la crédibilité des vins. Quand on constate les polémiques autour des races trouvées dans les œufs on peut penser tôt ou tard il y aura des attaques sur celles qui existent dans les bouteilles. L’intelligence de la profession bordelaises s’est de l’avoir admis, de l’avoir compris et d’avoir entamé une reconversion qui, certes sera lente et difficile, mais qui s’avérera indispensable. En attendant que celles et ceux qui auront la joie toujours discrète de rentrer du beau raisin en profitent… C’est vraiment un plaisir correspondant au vrai bonheur que connaissent seulement ceux qui travaillent sans être certain du résultat !

Cet article a 4 commentaires

  1. J.J.

    Et oui, tout fout le camp ! Du moins tout le côté humain qui avait un peu perduré dans l’agriculture.
    La machine à vendanger, n’a pas été élaborée pour supprimer une tâche qui, -avouons le- était relativement pénible, mais pour se passer le plus vite possible du recrutement d’un personnel coûteux (du moment que l’on paye quelqu’un pour travailler, c’est coûteux) et parfois indocile et aléatoire, que l’on n’hésitait pas à traiter en esclave. Dans le Cognaçais, les « gens du voyage » embauchés pour les vendanges étaient souvent traités avec mépris, logés dans des taudis et payés une misère.
    Le carnet anthropométrique qu’ils devaient faire viser par le maire était appelé avec un élégant humour « le carnet d’anthropophage ». Sympa, n’est-ce pas ?

    Tout évolue, et sûrement pas dans le bon sens, à l’heure ou des « chevaliers d’industrie »(comment les nommer autrement?) projettent de promouvoir une ferme de 4000 vaches, il ne faut s’étonner de rien, à défaut de le déplorer.

    1. bernadette

      Pas d’accord avec vous sur les venuances.
      Je trouve très grossier d’associer l’esclavage en viticulture avec le contenu du travail à faire par des ouvriers saisonniers. Cet esclavage à été relayé par quelques associations syndicales et politiques. La stigmatisation portait ainsi à bout de bras détruit l’image de l’hospitalité chez le viticulture.

      Il est dure de trouver du personnel
      pour travailler dans les vignes.
      Quant aux nomades qui faisaient les vendanges, c’étaient des bosseurs à la main leste

  2. bernadette

    Suite de mon commentaire : la stigmatisation de l’esclavage en viticulture détruit la viticulture elle même comme elle dévalorise le saisonnier agricole. Il n’y a pas d’esclavage en viticulture c’est faux, archi faux.

    1. J.J.

      Je ne prétends pas qu’il y ait eu (il n’y a plus, faute de travail avec les machines à vendanger !) un esclavage systématique, mais ayant travaillé dans le cognaçais, je sais très bien que les gens non sédentaires étaient très mal traités par certains (pas tous, évidemment !) employeurs.

      Ne serait-ce que les enfants qui étaient employés à travailler dans les vignes au lieu d’aller à l’école. Ensuite, on voulait me faire signer les certificats de présence, ce que je refusais de faire, m’attirant la colère de certains propriétaires (l’un deux, un vieux fossile, m’a d’ailleurs avoué un jour qu’il était bonapartiste !!!!!)qu’une simple allusion à une visite de la gendarmerie suffisait à calmer.
      Les bosseurs avaient peut-être la main leste, mais certains employeurs avaient des épines dans leur porte monnaie équipés de puissants élastiques.

Laisser un commentaire