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L’algorithme obscur des libertés d’inscriptions estudiantines

Il devient de plus en plus difficile de parler des libertés individuelles dans des sociétés libérales qui considèrent que toute contrainte réglementaire, même si elle permet de préserver une valeur républicaine essentielles ; sont des contraintes inadmissibles. Les protestations sur l’inclusion dans la loi des dispositions de l’état d’urgence ne soulèvent pas autant de protestations que l’augmentation de la CSG ou les modifications du code du travail. C’est ainsi il faut être concret pour intéresser et ne pas parler de principes qui sont des notions dépassées ! S’il est une institution capitale dans ce registre de la défense des éléments démocratiques fondamentaux c’est bel et bien la commission informatique et libertés (CNIL).
Dans un contexte où nous sommes épiés, fichés, décortiqués, monétisés et même parfois cernés la CNIL ne dispose pas assez de moyens pour éviter que des abus soient commis par une société de l’exploitation tous azimuts des éléments personnels collectés. Il n’est donc pas certain que de nouvelles techniques ne soient pas mises en œuvre à l’insu du plein gré des citoyen(ne)s devenu(e)s consommateur(trice)s. Ne vous faites pas d’illusions les garde-fous ont explosé ou ont été contournés depuis belle lurette ! Il arrive pourtant que la CNIL joue pleinement son rôle. Ainsi en 2016, elle avait été saisie d’une plainte à l’encontre du traitement « Admission Post-Bac » (APB) dont l’objet est le recueil et le traitement des vœux des candidats à une admission en première année d’une formation post-baccalauréat. Cette disposition absurde sur le fond car véritablement inégalitaire cause des ravages dans une jeunesse déboussolée par le fait que ses résultats scolaires ne jouent aucun rôle dans l’orientation.
La Présidente de la CNIL a décidé en mars 2017 de diligenter des contrôles afin de s’assurer de la conformité de ce dispositif à la loi « Informatique et Libertés ». Les investigations menées ont révélé plusieurs manquements aux règles gouvernant la protection des données personnelles. S’agissant des formations non sélectives, seul l’algorithme détermine automatiquement, sans intervention humaine, les propositions d’affectation faites aux candidats, à partir des trois critères issus de l’article L. 612-3 du code de l’éducation : le domicile du candidat, sa situation de famille et l’ordre de préférence des vœux qu’il a formulés. Or, l’article 10 de la loi Informatique et Libertés précise qu’aucune « décision produisant des effets juridiques à l’égard d’une personne ne peut être prise sur le seul fondement d’un traitement automatisé de données destiné à définir le profil de l’intéressé ou à évaluer certains aspects de sa personnalité ».
Cette remarque est capitale puisqu’enfin il est reconnu la déshumanisation absolue d’une utilisation de la technologie. En quoi le domicile, la situation de famille et l’ordre de préférence des vœux peut se révéler utile à l’avenir scolaire d’un jeune. L’un d’entre eux que j’ai rencontré et qui était désespéré me soufflait : «  dites leur de faire des cartes à gratter avec une filière imposée ou la réussite si on trouve deux numéros identiques. Ils pourraient aussi mettre une case exonérant des droits d’entrée . Au moins ce serait amusant entre nous ! » Les refoulés de l’algorithme sont amers et désabusés ! Un prétendant, à tort ou à raison, à la filière STAPS se retrouve en…sociologie ! Par ailleurs de multiples atteintes à la citoyenneté effective des jeunes sont énumérés par la CNIL.
Il est admis que l’information des candidats sur le portail de sélection au pif est insuffisante, au regard des exigences de l’article 32 de la loi Informatique et Libertés, s’agissant notamment de l’identité du responsable de traitement, de la finalité du traitement et des droits des personnes. La CNIL ajoute que la procédure de droit d’accès ne permet pas aux personnes d’obtenir des informations précises relatives à l’algorithme et à son fonctionnement, notamment la logique qui sous-tend le traitement APB ou le score obtenu par le candidat or il devrait pouvoir connaître « les informations permettant de connaître et de contester la logique qui sous-tend le traitement automatisé en cas de décision prise sur le fondement de celui-ci et produisant des effets juridiques à l’égard de l’intéressé ».
Compte tenu des enjeux éthiques qu’ils soulèvent, le législateur a prévu que l’utilisation des algorithmes ne pouvait exclure toute intervention humaine et devait s’accompagner d’une information transparente des personnes. En conséquence, la Présidente de la CNIL a décidé de mettre en demeure le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation de se mettre en conformité avec la loi  dans un délai de trois mois. Ce n’est pas pourtant la solution à l’engorgement de certaines filières dans lesquelles les chances de réussite sont au moins aussi faibles que celle de l’algorithme d’accès… si ce n’est comme ce fut le cas à mon époque de vieux pour bon nombre d’instituteurs de passer par un concours d’entrée avec emploi assuré à la fin. Désolé je sors j’ai dit une bêtise politique !

Cette publication a un commentaire

  1. Jean-Jacques Lalanne

    Dire que à cette époque, on signait à 16 ans un contrat pour 10ans en plus des 4 ans de formation. On en prenait pour 14 ans… Même l’armée n’ en demande pas tant. Chaque époque a ses problèmes. L’ avantage que l’ on avait c’ est que l’ on poursuivait des études pour mieux vivre alors que maintenant c’ est pour vivre. Différence énorme! On a manifesté contre le travail quand maintenant celui qui en a est considéré comme chanceux. J’ emploie le mot volontairement en pensant à ces orientations par tirage au sort. Lamentable et je suis triste de voir comment des jeunes qui n’ ont même pas démarré dans la « vie active » sont déjà dressés à tout accepter. Vers quelle société allons-nous

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