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Il y en a certains qui sont en train de faire leur beurre

Lorsqu’un pays fait trop confiance à la loi du marché règle d’or du libéralisme il finit tôt ou tard par naviguer à vue et à se contraindre à des politiques de « yoyo » économique en fonction de l’offre et de la demande. L’Europe a une lourde responsabilité dans la crise actuelle du beurre révélatrice des errements dans les orientations données à une production laitière qui n’a cessé de chuter sous l’influence de la concurrence libre et non faussée. En organisant à la fois la pénurie (quotas laitiers) puis en accentuant la détresse des producteurs par la baisse des prix d’achat en les supprimant l’UE a purement et simplement plongé une filière dans le marasme. Conséquence directe la production de lait est resté sur des niveaux insuffisants alors que la demande mondiale progressait. Elle a beaucoup augmenté ces dernières années sur le marché mondial car il n’y a plus de confiance dans les graisses végétales. Ces dernières sont en effet fortement suspectées par leur contenu en pesticides et en OGM… et on assiste à un retournement des opinions publiques plus favorables aux graisses animales. La demande de beurre a ainsi progressé surtout dans les pays asiatiques et aux Etats-Unis.
La demande devient supérieure à l’offre qui est limitée par la baisse antérieure des volumes disponibles et par la disparition forcée de nombreuses exploitations laitières liées à des décisions donnant leur pleine mesure plusieurs années après. La production de lait n’a pas suivie les besoins et pourtant les éleveurs n’ont pas vu le prix du lait augmenter, ce qui ne les a pas incités à produire davantage. En 2016, la France a produit 3,3 milliards de litres de lait liquide conditionné (baisse de 2,5 % sur le volume celui de vache et – 5,7 % pour celui des producteurs par rapport à 2015) et 426 000 tonnes de beurre (contre 432 000 il y a deux ans plus tôt). La courbe s’infléchira encore un peu plus en 2017 d’après les premières estimations.
Rappelons qu’en Allemagne, le prix de la plaquette de beurre a augmenté de 50% en un an, alors qu’il a augmenté seulement de 12% en France. La plaquette de 250 grammes vendue en supermarché en France est moins chère que sur le marché mondial. Jusqu’où ira-t-on ? Nul ne le sait vraiment surtout quand on commence à voir dans les rayons des grandes surfaces des panonceaux indiquant des difficultés d’approvisionnement.
Il ne faut absolument pas en déduire que les producteurs vont voir leur niveau de vie, actuellement au ras des pâquerettes de leurs prés , remonter. Au contraire puisque seule la matière grasse du lait est utilisée pour faire du beurre. Or, elle ne représente que 3,5 % à 6 % de ce qui est vendu. Le prix de cette partie du lait a augmenté, mais le reste stagne toujours. Il est toujours soumis aux volontés des grands groupes de distribution pour lesquels les produits laitiers de base constituent des produits d’appels et donc qui rognent sur tous les prix d’achat ! Les organisations de éleveurs laitiers demandent un prix de 34 centimes par litre, contre 30 centimes actuellement soit plus de 13 % ce qui paraît inconcevable dans le contexte actuel.
En fait le niveau de la production en baisse pénalise surtout les filières utilisatrices du beurre. Cet adjuvant qui avait vraiment mauvaise presse car considéré comme responsable de taux de cholestérol exagéré a retrouvé des partisans. Il a en effet eu longtemps mauvaise réputation, du fait des acides gras saturés qui le composent partiellement (55 % environ). Ces « mauvaises graisses » étaient considérées comme un facteur de risque cardiovasculaire. Mais depuis quelques années, de nouvelles études à grande échelle s’inscrivent en faux contre ces dogmes. Elles montrent en effet qu’il n’existe aucune association entre la consommation de lipides saturés et les maladies cardiovasculaires. On pourrait même parait-il faire la cuisine au beurre sans risque et ressortir la rivalité entre Bourvil et Fernandel au sujet de la restauration. La rivalité culinaire Nord-Sud s’en trouve déstabilisée. Il faut cependant reconnaître que l’huile d’olive atteint elle aussi des sommets en matière de prix. Elle a été, en 2015, la seule matière première dont le cours a flambé quand les autres chutaient. Et pas qu’un peu, puisque cette augmentation du prix de production a eu là-encore des répercussions immédiates dans la grande distribution. Selon une étude réalisée dans sept pays par le cabinet britannique Iri, le prix des flacons a grimpé de 18 % en moyenne en Europe, la palme revenant à l’Espagne avec 27,2 %. La France ne s’en tire pas trop mal, le litre accusant un coût supérieur de 8,4 % par rapport à 2014. Alors vous avez le choix désormais si vous avez les moyens de vous l’offrir…

Cet article a 5 commentaires

  1. J.J.

     » la production de lait est resté sur des niveaux insuffisants alors que la demande mondiale progressait »

    On nous a fait la même plaisanterie il y a quelques années avec le « numerus closus »
    pour les professions médicales : résultat, on ne trouve plus de soignants (surtout quant on rechigne à les payer).

    « Ces « mauvaises graisses » étaient considérées comme un facteur de risque cardiovasculaire. Mais depuis quelques années, de nouvelles études à grande échelle s’inscrivent en faux contre ces dogmes. Elles montrent en effet qu’il n’existe aucune association entre la consommation de lipides saturés….. »
    …..Jusqu’à ce qu’une nouvelle étude à encore plus grande échelle, et encore plus irréfutable vienne démontrer le contraire….

    Pour la cuisine, je reste fidèle à la devise de mes ancêtres du Périgord :
    Sans beurre et sans reproches …
    Vive la graisse de canard !

  2. J.J.

    Erratum : « surtout quanD », et non quanT !

  3. Christine

    Juste pour dire que le marché n’a aucune loi, écrite par personne ayant reçu suffrage et mandat pour la rédiger. C’est bien le problème …

  4. bernadette

    Le hic est que les politiques publiques françaises ont tout fait pour casser les prix à la production.
    Il ne peut pas y avoir une soit disant mondialisaton de l’économie. C’est du pipeau. Il faut pour les éleveurs français des prix à la production qui soit rémunérateur. Sans cela c’est la disparition de la filière.
    Que le beurre allemand ait augmenté n’à rien à voir avec la production de lait, c’est du commerce avec ses techniques publicitaires.
    Il devient obligatoire d’améliorer le pouvoir d’achat des éleveurs.

  5. bernadette

    Attention ne pas confondre production et commerce. C’est le grand mixage du siècle.
    Les paysans doivent pouvoir vivre de ce qu’ils produsent.
    Mais en fait c’est quoi la PAC ?

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