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Les grands stades sont des bombes financières à retardement

J’ai siégé durant quelques années au comité directeur de l’Association des Maires de France puis au bureau comme secrétaire général adjoint chargé du sport et de la vie associative. Une superbe expérience bénévole même si elle nécessitait des aller-retours hebdomadaires entre Créon et Paris pour répondre aux obligations de ce rôle. Peu importe j’en conserve des souvenirs précieux sur le fonctionnement de cet Etat républicain accablant les élus locaux de tous les maux qu’il est incapable de résoudre. J’ai croisé deux Ministres des Sports dont un certain David Douillet sur lesquels un jour j’écrirai quelques récits savoureux et la pugnace Valérie Fourneyron solide sur ses convictions et dans son action. Dans ce cadre j’ai siégé au sein d’un organisme parallèle au Centre National des Sports ayant en charge le financement sur la base des recettes procurées par le Loto sportif les investissements structurants au niveau national (stades, Aréna), qui s’appelait le Cogéquis (Comité des grands équipements sportifs).
Ce groupe constitué de fonctionnaires, de représentants des fédérations et des associations d’élus avait en charge l’examen des stades à vocation internationale et des enceintes dites Aréna. Il distribuait des enveloppes de millions d’Euros pour des investissements coûteux reposant la plupart du temps sur des partenariats entre le secteur public et le secteur privé. Présentation du projet, auditions des exploitants potentiels, travail sur la nature de l’équipement devaient permettre de déterminer une proposition de subvention au CNDS dont la vocation était ainsi détournée. Rapidement ruiné sous le mandat Sarkozy cet organisme finit par emprunter pour distribuer des fonds qu’il n’avait plus. Il est vrai que les demandes pleuvaient et que les subsides octroyés se chiffraient en dizaine de millions surtout pour les « amis des amis » (1) ou des Fédérations avides de grandeur (2). Le sport amateur au plus près des besoins avait fini par n’avoir que des miettes d’un gâteau déjà totalement consommé !
C’est ainsi que les grandes enceintes qui devaient servir à l’Euro de football figuraient dans les structures bénéficiaires de largesses à crédit. Sur dix d’entre elles dans lesquelles se sont affrontées les équipes lors de l’Euro 2016 de football, neuf ont nécessité des travaux de construction ou de rénovation, pour un total d’investissements publics de… 1,594 milliard d’euros. Si le nouveau Stade des Lumières de Lyon a été financé uniquement sur des fonds privés de l’Olympique Lyonnais, tous les autres projets ont fait l’objet de subventions ou d’investissements publics dont celui de Bordeaux devenu le Matmut Atlantique. Les dossiers de plusieurs kilos présentaient tous la même spécificité : ils seraient tous rentables grâce aux campagnes européennes des équipes de football de leur ville et surtout grâce au renfort de concerts de niveau mondial qui les rempliraient à ras bord.
J’ai entendu tout et n’importe quoi sur ces hypothétiques recettes avec des budgets fantaisistes destinées surtout à récupérer le maximum de subventions pour diminuer le coût pour l’investisseur privé ! Les élus juraient leurs grands Dieux des stades que l’opération serait si ce n’est rentable mais au moins équilibrée. Ils liaient le sort de leurs finances communales, intercommunales, départementales ou régionales à des résultats sportifs sur lesquels ils n’avaient aucune prise. Ils annonçaient une douzaine de grandes productions pour masquer des incertitudes financières criantes ou ils tablaient sur des affluences allant jusqu’à des taux de remplissage similaires à ceux des grands stades … privés anglais, allemands ou espagnols.
Or quand on prend la liste de ces réalisations fin 2017 alors que nous sommes très loin de la fin des amortissements de la construction on constate que ces partenariat public-privé reposant sur d’hypothétiques exploits sportifs étaient des marchés de dupes. Les clubs de Bordeaux, Saint-Etienne, Lille et à degré moindre Nice ne sont pas au niveau nécessaire pour apporter les recettes escomptées. Ils sont même pour trois d’entre eux au bord de la descente en Ligue 2 ! En 2012, Valérie Fourneyron, estimait à 168 millions d’euros l’investissement de l’Etat dans la rénovation ou la construction des stades de l’Euro. Cette participation prélevée sur le budget du CNDS, qui devait œuvrer uniquement pour «développement de la pratique sportive par tous les publics», était doté de seulement 280 millions d’euros par an. Or Bordeaux, Lille, Marseille, Nice ont confié à des entreprises privées censées assurer l’investissement, avec l’assurance qu’elles disposeraient illogiquement dès le départ de larges subventions publiques. Charge ensuite à la ville de payer un «loyer» au constructeur, dont la durée peut aller jusqu’à trente ans… avec le risque majeur de ne plus avoir de club occupant. Une pure folie financière !
Aujourd’hui Alain Juppé a sonné le tocsin à Bordeaux : l’équipe des Girondins s’effondre (résultats catastrophiques), nombre de spectateurs payants en chute libre donc beaucoup moins de rentréee de taxes dites sur les spectacles, peu de concerts de haut niveau-incompatible avec la pelouse et arrivée de l’Aréna… il voit poindre un déficit 2017 mais surtout si ça continue un gouffre financier pour 2018 qu’il faudra… inscrire dans des budgets muselés par le pacte Macron sur les dépenses des collectivités ! Juppé voit venir le précipice. Il n’a aucune passion pour le sport mais il a le regard rivé sur son compte administratif 2018 ! La côte d’alerte est dépassée! L’exploitant court à la faillite et réclame des rallonges ! La situation commence à être aussi grave à Lille et à Saint-Etienne qui n’ont pas, elles, d’équipe de rugby pour mettre en peu de beurre dans les épinards d’un PPP dangereux ! Je l’ai dit, je l’ai écrit mais…
(1) Aréna d’Orléans imposé par Sarkozy au CNDS 15 jours avant le premier tour des présidentielles
(2) Fédération Française de Rugby

Cet article a 4 commentaires

  1. pc

    Je me souviens Jean Marie que dans une de tes chroniques tu nous avait alertés sur les risques financiers que courait le grand stade de Bordeaux (dire Matmut est trop moche..) . Eh bien on y est!

  2. bernadette

    Je suppose que dans le montage du dossier, la partie assurance couplée avec l’emprunt a prévu une baisse économique « financière ». C’est l’assurance qui devrait prendre en charge le manque à gagner.
    Ceci n’est évidemment pas une certitude, c’est une hypothèse, une supposition.

  3. LABANSAT Philippe

    Merci de ces rappels. N’est-ce pas le ministre Arnaud Montebourg qui parlait lui aussi de « bombe à retardement fiscale » à propos des Partenariats Publics Privés ?
    Toujours dans le même ordre d’idée, les mirobolantes « retombées » des clubs sportifs, sur Libourne, on nous avait aussi promis, comme toujours, monts et merveilles avec la 2ème division de football.
    Comme je l’avis prédit dans ma petite feuille de chou citoyenne, les vents mauvais sont vite arrivés. Descente, ou plutôt dégringolade, au bout de 2 ans, et que des dettes en bilan : 5 millions d’emprunt à payer + 300.000 € la salle de presse juste prête pour le passage en division d’honneur, plus le terrain d’entraînement des Billaux crapuleusement financé par le contribuable Libournais.
    Zéro bien sûr pour la population en matière sportive, puisque cet écrin, comme les autres, bien que financés par les contribuables sont des sanctuaires dont les terrains leur sont rigoureusement interdits. La seule entrée pour le cochon de payeur passe par la caisse…

  4. LAVIGNE Maria

    Entièrement d’accord avec votre billet mais pourquoi se priveraient ils les décideurs, puisqu’au final, le Contribuable paiera.

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