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Le salon qui confond dangereusement agriculture et ruralité

Dès que l’agriculture tient salon, les politiques se penchent durant une journée sur la ruralité comme si c’était identique. Depuis toujours ils tentent de persuader l’opinion publique qu’ils ont une passion pour ces campagnes de moins moins rentables électoralement sauf pour le FN qui y réalise dans bien des régions des scores exceptionnels en pourcentages. On sait que rares sont actuellement les élu(e)s nationaux qui ont vécu ou travaillé dans les zones du pays où parfois les bovidés sont plus nombreux que les électeur(trice)s. Si l’on étudie avec attention la composition sociologique et surtout le lieu de vie des Député(e)s et des sénateur(trice)s il est évident que le nombre des urbain(e)s ou des périurbain(e)s est largement majoritaire. Alors un tour des stands « néonisés » et aseptisés de la Porte de… Versailles donne bonne conscience à celles et ceux qui nous gouvernent depuis des décennies. Sauf que le ruralité est devenue bien autre chose que la seule agriculture.
Il existe une profonde mutation sociologique qui a transformé les zones rurales et accentue leurs difficultés… qui ne sont bien évidemment pas reconnues puisque les habitant(e)s ne sont pas parmi les plus présent(e)s dans les manifestations de masse. Ils sont donc supposés être représentés par une profession qui défend essentiellement ses intérêts financiers mais ne représente nullement la population qui vit autour d’elle. Celle-ci n’a alors pas d’autres manières d’exister, de témoigner de son inquiétude ou son mécontentement en se repliant sur le vote contestataire avec les conséquences que l’on connaît.
On sait que jusqu’au XIX° siècle la France ravagée régulièrement par des famines vénéraient ses paysans qui devaient la nourrir. Cette « ruralité » active, féconde, autonome avait sa hiérarchie sociale très injuste mais pourtant admise par les strates concernées. Les domestiques agricoles, les métayers, les fermiers et les propriétaires cohabitaient avec certes bien des injustices mais avec surtout le sentiment de pouvoir avec beaucoup de travail parvenir à accéder à un statut supérieur s’il en avait la volonté. Mes grands parents italiens, immigrés économiques italiens, ont réussi à grimper tous les échelons ce qui actuellement est totalement inconcevable.
Les migrations urbaines générées par la perte des surfaces agricoles exploitables, par l’attrait d’une plus grande sécurité des ressources, par le besoin d’un confort moderne reposant sur le logement… et surtout l’appel de l’industrialisation ont inexorablement dépeuplée les campagnes. Le constat de la superbe chanson sur la montagne de Ferrat résume cette situation qui n’a cessé de s’accélérer depuis les années 50 ! Pour survivre il a fallu aux jeunes générations ayant repris les propriétés ou les fermages acheter sans cesse davantage de terres, davantage de machines, davantage de produits permettant de produire toujours plus.
Paradoxalement un nouveau mouvement pendulaire est entamé depuis quatre décennies avec l’émergence d’une « périurbanité » née de la forte demande de jeunes familles désireuses de fuir le milieu urbain pour le rêve « pavillon, gazon, télévision » mais en ne pouvant se passer d’un emploi en ville. Ces « nouveaux » venu(e)s n’ont pas toujours trouvé les mêmes services, les mêmes conditions de vie que celles qu’elles avaient quittées. Puis comme une tache d’huile l’étalement de ces populations s’est accentué redonnant une apparence de vie aux villages. La « ruralité » n’appartient plus du tout aux agriculteurs mais à ces habitants(e)s qui tentent de concilier leur rêve avec la réalité : mobilité collective insuffisante ; emplois de proximité rares ; écoles, collèges, lycées éloignés ; temps de trajets domicile-travail amputant les loisirs ; environnement désormais suspect dans certaines situations ; équipements insuffisants et avec l’âge un isolement géographique accru.
La nouvelle philosophie libérale européenne a creusé un fossé entre les zones rurales en tuant les services publics qui pouvaient maintenir un équilibre indispensable avec les espaces urbains. Ce n’est pas le problème des agriculteurs mais désormais de celles et ceux qui vivent à leurs cotés. Les ouvriers retraités agricoles sont juste au-dessus du seuil de pauvreté, les petits propriétaires d’antan ne sont guère mieux lotis puisque leurs biens invendables n’ont plus grande valeur et la MSA patine !
Les maisons se vident dans les villages et les volets se ferment ; les commerces ferment (retrouver un boulanger est présenter comme un triomphe politique) ; les services (et pas que les médecins) disparaissent mais le salon, prétendue vitrine de la ruralité n’a aucun rapport avec ce qui se passe sur le terrain. On le constate en Gironde, département test puisque partagé en 3 zones (urbain, couronne périurbaine, ruralité), en ce qui concerne l’école et la nouvelle carte scolaire… qui risque d’accentuer l’inégalité d’accès à l’enseignement public puisque les moyens mis à disposition vont basculer vers les zones prioritaires avec effectifs allégés. Il faut y ajouter les difficultés liés à la santé, aux moyens de communication moderne, à la consommation et aux déplacements ce qui n’apparaît pas sous les sunlights du salon même si on flatte délicatement le cul des vaches !

Cet article a 5 commentaires

  1. JJ Lalanne

    Si dans les zones proches des grandes ou moyennes métropoles, on a connu un étalement de l’habitat, il existe les autres zones où, même dans des villages entiers, les maisons ont été rachetées (parfois même par le maire à titre personnel) pour devenir des résidences secondaires. Les prix étant montés,ainsi que les loyers, plus juteux à la semaine, la population et en particulier les jeunes ont dû émigrer. Combien de villages pyrénéens, par exemple, pourtant accessibles toute l’ année, sont devenus des déserts. Déserts, plus d’habitants, donc plus de commerces, plus d’ entreprises. Plus de commerces et plus d’ entreprises donc plus d’habitants, des déserts. Le problème de l’ œuf et de la poule. Entre l’ œuf et la poule, dans ce cas, il y a l’ acquéreur de résidence secondaire. Corses et Basques ont parfois souligné le problème de façon violente (et réprouvée par la loi) mais face à l’ avidité de l’ épargnant (peu humaniste par essence) pour l’ argent, la guerre est perdue. Des déserts ruraux, de la misère, comment demander à des électeurs de ne pas écouter les faux-amis. Tant que le code civil protégera plus la propriété que l’ individu,mission impossible. D’ autant que là, familles de « gauche » ou familles de « droite » s’ agenouillent ensemble devant l’ autel des placements. Durant le salon, agriculteurs et ruraux sont magnifiés (souvent à l’ excès) mais ensuite il faut qu’ ils rentrent sagement chez eux attendant qu’ ils soient si peu que que l’ on puisse ouvrir un max d’ éco-musées et de parcs d’ attraction. Les nouveaux indiens. Dommage.

    1. bernadette

      Bonjour Jj lalanne,
      Dans les maisons de petits villages inhabitées les sans abris pourraient y loger. Votre avis à ce sujet SVP ?

  2. JJ Lalanne

    @bernadette: Les villages de montagne inhabités le sont parce que les habitations ont été rachetées pour devenir des résidences secondaires ou être louées à la semaine (ski), voire investir. La plupart de ces maisons sont occupées au maximum quelques semaines voire 2 ou 3 mois pour celles qui le sont le plus… d’où cet aspect de villages fantômes (ce n’ est pas qu’ un aspect). Les faire occuper par des sans abris est quasiment impossible vu la protection de la propriété dans la législation actuelle. Certains investissent et d’ autres en crèvent. Violence légale… Aucun maire ne peut y faire quoi que ce soit. Le cas de beaucoup d’ Anglais semble différent dans la mesure où après avoir acheté et « retapé », ils habitent, redonnant vie à bien des villages. Une autre mentalité. Problème dans beaucoup de zones rurales, également, le réseau téléphonique et ce qui va avec, l’ accès à internet et avec un minimum de vitesse. En son absence,si cela constitue un inconvénient de plus en plus sérieux pour un particulier, c’ est catastrophique pour un commerçant ou un artisan et si des entreprises sont parties, elles ont peu de chances de revenir dans cette situation. Il faudrait être suicidaire pour s’ installer à un endroit où on est coupé de la clientèle, des fournisseurs et des administrations!

  3. faconjf

    Bonjour,
    Efficacité et rentabilité les deux mamelles de l’assassin du service public et … de la ruralité!
    Plus de train, plus de route, plus de poste et plus d’école car pas assez « d’usagés » du coup, plus d’habitants car plus de moyens pour vivre au pays, du coup plus d’entreprises mêmes modestes car plus de clients. La spirale de la désertification est amorcée. Et le mouvement s’accélère jusqu’à former un vortex aspirant par le fond les derniers vestiges des villages si animés d’autrefois.
    La force centrifuge des villes éjecte les classes moyennes en périphérie de plus en plus lointaine les confrontant de plein fouet avec la mort des services publics. La colère ne fait que croître devant cette démission du politique qui ne sait que mettre en place des délégations de service public subventionnées pour boucler des budgets de plus en plus contraints. Les plus conscients des habitants de la ruralité quittent à leur tour leur cher ( parfois très cher) logis pour retourner vers la ville. Et la ville qui s’était déconcentrée se re-concentre au détriment de la banlieue qui s’appauvrie dangereusement.
    Politique de la ville répondent depuis des décennies les édiles sans résultats tangibles.
    Salutations républicaines

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