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Les mauvais comptes ne font pas les amis de la démocratie

Il faut se rendre à l’évidence : parcourir les campagnes (électorales) devient dangereux ou au moins problématique. Surtout si le chemin emprunté conduit à l’Elysée car il est souvent considéré comme celui du paradis politique mais il serait pavé de mauvaises intentions. Le contrôle à rebours exercé sur les comptes se révèle en effet tardif et donc problématique lorsque le verdict du suffrage universel a été validé. Il y a de moins en moins de bilan qui ne paraisse pas suspect dans un contexte où le fric dépensé coule à flots. Il n’y a pas de grand candidat aux élections présidentielles qui n’ait pas utilisé ou flirté avec les règles lors des derniers scrutins. Seulement les vérifications s’étalent dans le temps et apparaissent comme des… bombes à retardement se transformant en pétards mouillés puisque le temps a fait son œuvre !
C’est ainsi que Roland Dumas Président du conseil constitutionnel avouera avoir selon lui « sauvé la République » en validant les documents manifestement faux déposés par Jacques Chirac et Edouard Balladur. Ceux de ce dernier accusaient 10 millions de francs de recettes d’origine inconnue. Ceux de son concurrent étaient également dans le rouge, mais les irrégularités n’avaient pas une telle ampleur. On oubliera tout au nom de l’intérêt supérieur de la démocratie… qui bien que bafouée devait garder sa dignité comptable. Edouard Balladur et son ancien ministre de la défense, François Léotard, s’expliqueront devant la Cour de justice de la République sur le financement de la campagne présidentielle de l’ex-premier ministre dans le volet financier de l’affaire dite de « Karachi ». Les juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire ont acquis la conviction que la campagne d’Edouard Balladur, qui s’était soldée par sa défaite au premier tour, avait été en partie financée par des rétrocommissions sur d’importants contrats d’armement conclus en 1994. On oubliera pour que quelques années plus tard (2007) se retrouver avec une enquête sur… cette fois des fonds libyens qui seraient venus compléter les recettes du candidat Sarkozy.
Après sa garde à vue et sa mise en examen le 21 mars dernier, l’ex-président a été rejoint pas Éric Woerth, qui était le trésorier du candidat de l’UMP. Il a été en effet mis en examen en tant qu’ancien trésorier de la campagne. Actuel président (LR) de la commission des finances de l’Assemblée nationale il s’appuiera sur la présomption d’innocence pour conserver un poste hautement symbolique dans le fonctionnement de la République. Les recherches de la police anti-corruption ont pourtant mis en évidence, dans un rapport de septembre 2017, l' »ampleur de la circulation d’espèces » dans l’entourage du candidat de la droite, En novembre 2016, l’intermédiaire franco-libanais Ziad Takéieddine avait affirmé avoir lui-même remis 5 millions d’euros d’argent libyen au camp Sarkozy, quelques mois avant son élection comme président de la République. On attendra de longues années avant que le dossier soit bouclé et qu’un tribunal se soit prononcé.
Désormais on épluche les comptes de la plus récente des campagnes. Jupiter est par exemple voué aux gémonies par l’un de ses anciens collègues Christian Eckert. Ce dernier aborde un sujet délicat : l’utilisation d’une fonction ministérielle pour préparer… une campagne électorale. « Quand on est ministre de la République, c’est un engagement à plein temps, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Il est de notoriété publique que la mise au point de certaines rencontres s’est déroulée à Bercy » explique celui qui fut le voisin de bureau d’un « Emmanuel Macron (qui) a nourri son carnet d’adresses au moment où il était ministre. » On trouve aussi les fameuses ristournes effectuées par des lieux d’accueil ou des organisateurs plus amènes avec lui qu’avec ses concurrents mais là encore on n’ira pas plus loin car la pratique « commerciale » n’est pas illégale sur la forme. Mais sur le fond on peut s’interroger !  Au total, Emmanuel Macron a été remboursé de 10,64 millions d’euros. Dont acte !
Comme pour « Jupiter » les comptes de campagne de Jean-Luc Mélenchon ont été validés dans leur présentation. Pourtant le mentor de La France insoumise et député des Bouches-du-Rhône fait l’objet d’une enquête préliminaire ouverte par le parquet de Paris, lequel a saisi l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLIFF). L’enquête porte sur « éventuelle violation des prescriptions du code électoral relatives au financement des campagnes électorales », en lien avec les constations de la Commission nationale des comptes de campagne (CNCCFP). Au mois de janvier, le contrôleur en charge de vérifier la comptabilité de Jean-Luc Mélenchon avait claqué la porte, parce qu’il trouvait la commission trop « coulante » avec le candidat de la France insoumise. Dans le détail, l’ex-inspecteur général de l’administration, estimait que ses réserves, concernant 1.5 millions euros de dépenses, n’avaient pas été entendues. Il s’agit de savoir et on est très éloigné du cas Sarkozy et selon l’intéressé il n’a rien à craindre. N’empêche que la multiplicité de ces « doutes judiciarisés ou non » n’arrange pas l’image des plus hauts responsables politiques mais dans le fond le mal est tellement profond que plus rien n’a de prise sur l’opinion !

Cet article a 2 commentaires

  1. JJ Lalanne

    Vu l’ ampleur des manifestations et autres activités préparatoires aux élections le respect des règles semble assez illusoire tout comme de demander à un coureur du Tour de France de parcourir des centaines de kilomètres avec des successions de cols sans se doper! Si l’ on voit des « enveloppes » circuler dans le sport amateur, comme seul un aveugle ne peut les voir, comment s’ étonner qu’ à la hauteur des dépenses engagées il y ait des dérapages. L’ origine de certains fonds, par contre, montre que parfois l’ argent peut avoir une très mauvaise odeur… et là ça ne va plus! Le législateur a privilégié la quantité et la forme, ouvrant la porte à toutes les dérives. Les bagarres de chiffonniers en résultant perturbent l’ électorat et le poussent loin des urnes. L’ électeur, comme le législateur, est plus sensible à la forme qu’ au fond, c’ est tellement plus facile!

    1. Bernadette

      Oui, c’est une tromperie que d’éloigner les électeurs des urnes, c’est vraiment une manipulation scandaleuse. C’est un déni de démocratie.

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