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La qualité du choix du chemin emprunté ne se mesure que trop tard

Tout à coup , sans savoir trop pourquoi, vous vous retournez sur le chemin parcouru dans votre vie. Impossible de se faire accompagner dans ce retour sur le passé puisque dans le fond même si des êtres chers et aimés vous ont accompagné ils ne peuvent jamais avoir vécu la réalité du parcours. Il suffit parfois d’un fait inquiétant alors que vous en avez essuyé tant d’autres, pour vous rendre compte des erreurs commises à cause de la boussole de vos priorités. Il tombe du ciel au moment où vous ne l’attendez pas et il vous réveille un peu comme un seau d’eau glacée expédié par une main inconnue. Depuis maintenant plus de 50 ans j’emprunte des chemins escarpés, des sentiers pentus, des routes droites mais étroites entre ma conscience et mes actions. Toujours pour les autres, au service des autres, en pensant aux autres, en tentant de satisfaire les autres et en m’évertuant à donner un caractère concret à ce que j’ai appris des « pères » dont j’ai croisé la route pour être utile aux autres.
Depuis 1966 en devenant représentant de la promotion d’école normale en formation pour préparer les rendez-vous traditionnels qu’étaient le bal des normaliens et le voyage de fin d’études je n’ai jamais cessé de consacrer plus ou moins de mon temps à agir pour les autres. Je n’ai jamais rencontré l’enfer et je me suis même laissé grisER par le parfum enivrant de l’action. J’ai respiré les vapeurs dangereuses provoquées par cette fleur improbable qui pousse dans le jardin secret d’une vie pour vous persuader que vous êtes comme elle, unique. Vanité suprême et surtout intoxication mortelle.
Instituteur j’ai été. A ma manière. Avec mes convictions et mes passions pour la pédagogie. Elle m’avait tout appris. Elle ne m’a quitté que rarement et souvent par déception. Je me suis consacré aux enfants des autres en espérant un jour croiser leur route avec ce doute jamais disparu que j’aurais pu introduire une molécule de citoyenneté dans leur comportement d’adulte. Une période formidable mais exigeante à laquelle se sont ajoutés très vite les engagements parallèles à la demande des camarades qui se disent amis qui vous veulent du bien pour assurer leur pouvoir. Départ en trombe vers le syndicalisme au sein du formateur syndicat national des instituteurs. Réunions, déplacements, militantisme et des échelons gravis avec toujours plus de présence, de participation et un éveil pour l’intérêt général devenu rapidement « LA » préoccupation essentielle du quotidien. J’ai empilé les responsabilités bénévoles au sein de la Mutuelle Générale de l’Education Nationale et la Fédération de l’Education Nationale. J’ai couru de conseils d’administration en conseils syndicaux, de congrès en assemblées générales, de montées à Paris vers visites multiples dans les villages. Une large décennie à folle allure où la famille s’agrandit, où les autres passent avant les siens et où on s’époumone sans regarder celels et ceux que l’on oublie ! On ne le sent pas. On ne le voit pas ! On ne l’entend pas ! La course contre le temps, la volonté de respecter ses engagements, le souci d’être à la hauteur de la confiance que l’on vous a témoigné vous rend dans le fond égoïste vis à vis de quelques-uns et trop généreux vis à vis de beaucoup.
Joueur, dirigeant, entraîneur de foot et la pression monte même le week-end. Nécessité d’être à la hauteur et même plus le plaisir tant attendu de jouer… justement pour le plaisir de seulement jouer. Au milieu des autres, avec d’autres, pour d’autres mais rarement, très rarement pour soi, la vie sportive a rongé encore pas mal de cette attention que j’aurais dû consacrer aux miens.
Les années s’enchaînent mais plus jamais le rythme ne faiblit car l’action est une drogue puissante dont on ne peut plus se passer. Inconsciemment on sombre dans le « toujours plus » et quand on quitte un sentier, au lieu de se poser pour souffler, on s’engouffre dans celui qui s’ouvre devant soi. La vie publique vous happe. Elle a cohabité, pour moi avec le travail et le journalisme jour et nuit et 7 jours sur 7 durant vingt ans. Les trois ne laissent plus d’espace pour respirer mais jamais on ose croiser els regards de ces êtres chers qui ne veulent pas se mettre en traveurs du chemin pour vous contraindre à poser la sacoche pleine de cette prétention que vous allez changer le cours des événements les plus révoltants. J’ai battu les campagne électorales syndicalistes, mutualistes, politiques ou associatives avec cette envie mortifère dans une société de l’indifférence d’expliquer, de convaincre et motiver. Bref instit’ un jour : instit’ toujours. Et le ruisseau de la vie des proches s’écoule sans que vous ayez vraiment vu sa merveilleuse beauté et sa fraîcheur bienfaisante.
Mandats électifs en tous genres pour construire, pour mettre les mains dans le cambouis, pour faire vivre, pour servir de catalyseur à l’énergie des autres, pour écouter les plus humbles et résister aux plus profiteurs : plus de 35 ans à cavaler, à entendre, à se ronger les ongles, à rengainer ses colères, à regarder les fauves s’écharper, à prendre en plein gueule les trahisons, à avaler les couleuvres, à être oublié par les ami(e)s pour des divergences imprévues, à constater rageusement que personne ne fait la différence entre se servir et servir… Tout ce temps donné aux autres et alors jamais repris. Tout ce temps perdu pour les siens et qui ne se rattrape plus ! Et paf… tout à coup, la baffe, le direct qui fait terriblement mal, qui vous rend honteux d’avoir cru que c’est en courant après l’inaccessible rêve de se prendre pour plus que ce que l’on est vraiment, que l’on fuit son destin. Quand il vous met un genou au sol, vous brise les reins vous savez alors trop tard que vous vous êtes peut-être totalement trompé dans la course d’orientation de votre vie. Vous êtes alors comme un idiot réduit à regarder hébété l’avenir! Merde c’est trop tard !

Cet article a 6 commentaires

  1. François

    Bonjour !
    Magnifique pamphlet sur une vie écoulée que beaucoup liront les yeux humides en découvrant le copain dans l’entame de la conclusion du Livre de la Vie. Personnellement, je suis un peu surpris par ta dernière pseudo-phrase : j’attendais la célèbre locution latine prononcée… en se frappant la poitrine !
    Tu constates donc que, poussé par la pression du milieu ambiant et diverses grandes idées, tu es passé quasiment à côté de l’essentiel de la beauté de la vie c’est-à-dire la famille.
    La vie est un grand exercice de funambulisme ou plutôt de slackline ou highline (excuse mon anglais!) car si le funambule fait appel au balancier, le jeune sportif n’a que … son cerveau pour rétablir l’équilibre. C’est, pour nous, modestes humains, le seul élément qui doit nous tenir en équilibre sur le fil étroit ou acéré de notre progression.
    Or, il arrive que divers artifices nous masquent cette progression valorisante. A nous de réveiller notre subconscient pour …. maintenir l’équilibre !
    Mais rassure-toi : même si cela t’a échappé, il y a longtemps que ton proche entourage a compris et pardonné les motivations où tu paraissais trouver ton …équilibre !
    Oui, vraiment, seule, la locution latine ….. ! !
    Amicalement.

  2. J.J.

    Combien c’est vécu, tout ça ! A un échelon beaucoup plus modeste, je fais un peu le même constat.

    Je n’ai pas toujours été dupe. Sans illusions, je savais que mon application à réaliser certaines tâches ne serait pas portée à mon crédit, mais à celui qui me faisait l’honneur de me les confier, et qu’il saurait en tirer les bénéfices après m’avoir évincé, ou en laissant simplement le temps s’en charger.
    Mais en même temps, comme mon action pouvait servir la collectivité, je me suis appliqué à mon ouvrage.
    Je ne regrette rien, j’ai agi en accord avec ma conscience, mais c’est vrai que la perception de la réalité est parfois une expérience brutale.
    Pourquoi tout ça pour ça ?

    Cela me rappelle le titre d’un livre de l’auteur Maurice Constantin-Weyer (Goncourt 1928) : « Un Homme se penche sur son Passé »

  3. J.J.

    Il faut aussi relativiser : après le grand soleil, ce temps maussade d’automne et le changement d’heure, ont tendance à porter un peu à la mélancolie :

    « Les sanglots longs des violons de l’automne
    Blessent mon cœur d’une langueur monotone…

  4. faconjf

    Bonjour,
    un petit poème de Paul Fort mis en musique par Georges Brassens… Dédié à tous nos disparus qui sont partis sans que nous puissions leur dire combien nous les aimions.

    Il faut nous aimer vivants
    Sans curé maire notaire
    Ou avec ça se défend
    Il faut nous aimer sur terre
    Il faut nous aimer vivants
    Ne crois pas au cimetière
    Il faut nous aimer avant

    A moins d’être au monastère
    Et toi, ma belle au couvent
    Il faut nous aimer sur terre
    Il faut nous aimer vivants
    Ne crois pas au cimetière
    Il faut nous aimer avant

    N’embarquons pas pour Cythère
    Morts et froids les pieds devant
    Il faut nous aimer sur terre
    Il faut nous aimer vivants
    Ne crois pas au cimetière
    Il faut nous aimer avant

    Quand même un Dieu salutaire
    Renouerait nos cœurs fervents
    Il faut nous aimer sur terre
    Il faut nous aimer vivants
    Ne crois pas au cimetière
    Il faut nous aimer avant

    Ma poussière et ta poussière
    Deviendront le gré des vents
    Il faut nous aimer sur terre
    Il faut nous aimer vivants
    Ne crois pas au cimetière
    Il faut nous aimer avant

    Je ne vous connais pas autrement que par vos billets pleins d’humanisme, j’aime passer un moment à vous lire. Aujourd’hui encore vous nous tendez le miroir dans lequel on se retrouve, ventre à terre à la poursuite du monde meilleur, négligeant inconsciemment ceux qui sont notre essentiel.
    Salutations républicaines

  5. batistin

    Bonjour Monsieur Darmian.
    Cela m’étonnerait fort que vos proches vous aient aimé autrement que pour ce que vous êtes !
    Et moi, qui suis de vous éloigné, n’apprends rien d’autre toujours à vous lire que l’amour de son prochain.
    Et dans « prochain » il ya « proche » de fait !
    Vous avez donc juste une famille immense.

    Bonne journée à vous.

  6. Jean-Jacques Lalanne

    L’ action politique et syndicale, passé un certain niveau entraîne une incompréhension de la masse des amis, collègues, etc… Parce que dans le feu de cette action on est attiré vers les personnes ayant le même intérêt, des initiés en quelque sorte, la masse des amis pense que l’ on vit dans un autre monde, voire qu’ on les snobe. On en arrive dans les cas comme des « repas de promo », où les initiés se rassemblant entre eux à une même tablée, à considérer cette pratique comme une ségrégation. Erreur regrettable de la part de ceux qui « boycottent » ou viennent en traînant des pieds mais cela montre le fossé qui se creuse souvent entre le syndicaliste, le politique et le citoyen. J’ ai pu le constater sur les autres (qui s’ impliquaient) mais même moi, à mon niveau minime, j’ ai pu constater cette opprobe à mon encontre. Moins impliqué, avec moins de réunions, pas de discours, pas d’inaugurations et pas de garde rapprochée, peut-être ai-je pu avoir un peu plus de recul par rapport à cette situation aberrante où celui qui veut se consacrer à ses concitoyens se retrouve sous la critique de ces derniers. Et le pire en toute sincérité des deux côtés…

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