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Les classes moyennes périphériques voient jaune

Près d’un Français sur trois soutenait les manifestations des « gilets jaunes » avant que ces dernières viennent singulièrement perturber le quotidien de celles et ceux qu’ils veulent défendre. En fait ce n’est que par mimétisme sur un sentiment profond d’abandon existant dans les périphéries plus ou moins éloignées des centres urbains surdotés en équipements et en avantages concrets hors taxes locales. L’étalement urbain a en effet considérablement renforcé les difficultés des habitants des cercles concentriques d’habitat de plus en plus éloignées dont le pouvoir d’achat est « rongé » par les frais causés par le trajet domicile-travail. Faute de véritable politique d’aménagement du territoire les carences se sont accumulées et désormais les dégâts sont irrémédiables. La situation financière de ces classes moyennes délocalisées dans des campagnes qu’ils espéraient comme des villes est tellement précaire qu’il est impossible pour bon nombre d’entre eux de faire face aux moindres variations négatives de leurs revenus.
Leur sincérité ne saurait être mise en cause car leurs difficultés sont réelles, prégnantes et irritantes. En ce sens leurs revendications sont légitimes surtout dans les territoires ruraux et périurbains. Tout à coup, grâce à des appels informels téléguidés, ils retrouvent la sensation d’avoir une opportunité « d’exister » dans une France « urbaine » méprisante et omniprésente car dominatrice à tous les échelons du pouvoir.
Christophe Guilluy, le géographe qui a vainement tenté d’alerter sur la souffrance des classes moyennes ces territoires et plus encore sur celle globale des « périphéries » a une analyse qui devrait interpeller les politiques. «  La mobilisation a été la fois massive et dispersée sur tout le territoire. C’est une confirmation de la confrontation entre la France périphérique et la France des métropoles. Nous ne sommes pas en face d’un mouvement marginal et catégoriel. La fronde dépasse le monde rural et touche l’ensemble des catégories modestes. On a vu défiler des ambulanciers, des routiers, des retraités. Les détracteurs du mouvement avaient entrepris, ces dernières semaines, d’imposer l’image d’un rassemblement hétéroclite de «beaufs». Or cet essai de disqualification a échoué. Les enquêtes d’opinion indiquent un soutien massif des Français aux «gilets jaunes». Je crois que nous sommes face à un processus de réaffirmation culturelle des classes moyennes. » a-t-il déclaré au Figaro.fr
Le vrai problème c’est que ces classes moyennes vivant dans la ruralité et dans la périphérie ont manqué tous les rendez-vous avec la prise en charge de leur destin depuis plusieurs scrutins et que rien ne dit qu’ils sauront le faire dès les Européennes. Ils ne croient plus dans les partis et plus encore dans la politique. Ils s’estiment trahis non plus seulement par une politique mais par LES politiques puisque leur avenir devient toujours de plus en plus incertain. Les retraités qui espéraient une fin de vie paisible sont rattrapés par le coût de la dépendance et par l’insuffisance de leurs pensions pour assumer un train de vie qu’ils avaient espéré sans trop de problèmes financiers! Les actifs n’envisagent plus d’accéder aux signes extérieurs de cette « richesse » factice illustrant leur « progression sociale » . Tous vivent dans la désillusion mais sont surtout sans perspectives positives pour les effacer. Leur bulletin de vote n’est même plus une « arme » pour changer ces sensations d’abandon. Ils y renoncent massivement…
A cet égard, même si c’est habituel dans une élection partielle, la récente législative dans la première circonscription de l’Essonne sert de révélateur à ce désarroi collectif. Les électrices et les électeurs de ces zones ont en effet encore une fois témoigné de leur mépris pour les « politiques » : avec…. 16% de participation puisque seuls 4 000 votants sur 23 000 électeurs inscrits se sont exprimés dans les urnes pour désigner le successeur de Manuel Valls. Une très grande majorité d’entre eux tournent le dos à l’expression démocratique ! Ils renoncent à faire un choix politique, laissant les « fans » s’exprimer et en refusant de s’impliquer. La politique du gouvernement risque même de ne pas être désavouée. C’est un vide sidéral contradictoire avec les manifestations en cours.
Parmi les « gilets jeunes » combien d’entre eux ont utilisé leur bulletin de vote lors des élections précédentes et combien le mettront dans une enveloppe aux européennes ? Trop peu. Si le mouvement actuel échoue la situation sera aggravée car ils se radicaliseront davantage. Ils se réfugieront encore plus dans l’indifférence ou par provocation choisiront l’extrême-droite, histoire, comme je l’ai entendu sur un barrage : « de foutre le bordel en votant Le Pën » Et je le pense sincèrement… Le pire constitue un exutoire pour celles et ceux qui souhaitent se « venger » d’un système qui les « méprisent » ou les « oublient ». Croire dans les partis « traditionnels que l’on peut récupérer les miettes de la révolte jaune constitue une erreur grave.
« Le Rassemblement national a réussi en partie à capter cette colère, mais le gros de la troupe reste dans la désaffiliation politique. Les populistes, en France ou à l’étranger, sont des types qui s’adaptent à une demande populaire. » explique Christophe Guilluy dans 20 minutes. « Avant, il y avait ce cercle vertueux : « je suis intégré économiquement, je vote pour des partis qui me représentent et le monde médiatique et culturel parle de moi positivement ». Depuis 20 ou 30 ans, on a basculé dans autre chose. Les catégories majoritaires sont devenues des loosers économiques (avec des taux de chômage et de précarité plus élevés) et dans le même temps, « la France d’en haut » estime que les catégories populaires appartiennent au monde d’avant et sont vouées à disparaître. » Nous allons payer chèrement ce mépris des élites qui ne savent d’ailleurs pas par quel bout prendre le phénomène jaune échappant à leur logiciel.

Cet article a 3 commentaires

  1. J.J.

    « Les électrices et les électeurs de ces zones ont en effet encore une fois témoigné de leur mépris pour les « politiques » » : avec…. 16% de participation… CE QUI REPRÉSENTE LA PARTICIPATION DE LA DROITE RÉACTIONNAIRE (c’et une redondance)…
    Autrement dit, une minorité qui pourrait aisément être battue à plate couture, si les fameux gilets, qui se disent citoyens, faisaient vraiment leur devoir civique.
    Mais je rêve.

  2. faconjf

    Bonjour,
    L’inénarrable Manuel Vals a twitté « Ce matin j’ ai voté à Evry pour accomplir mon devoir de citoyen. Je salue le formidable score de mon ami ⁦@fchouat⁩ avec 30% des voix . Son véritable ancrage et sa capacité de rassemblement lui permettront de vaincre dimanche prochain le populisme et les discours de haine.  »
    Plus hors sol que ça je demande à voir ! 3789 voix sur 72 227 inscrits soit un chouilla plus que 5% formidable ancrage et capacité de rassemblement hors norme un score à la Cubaine … inversé.
    Ce matin Pascal Canfin à la radio a débité une diatribe ( c’est le mot qui convient) Macron-patible dénuée de bon sens. Ce président du WWF a tressé des couronnes à son ami le marchand de shampoing ex-présumé ministre Nicolas Le bulot. Canfin déblatérant sur les gilets jaunes était pathétique, empilant les contrevérités, additionnant les choux et les radis au sujet de l’énergie, défendant bec et ongles le méprisant de la ripoublique, se ridiculisant au sujet des véhicules électriques… Pfffff! j’ai eu honte pour lui.
    La désintégration de la vieille société vermoulue est En Marche. Elle n’en fini pas de monter sur ses estrades des experts en peau de lapin qui ne se rendent même plus compte de leur niveau de ridicule. Et à contrario elle éjecte les personnes compétentes (comme le général De Villiers) qui font passer avec courage un message que l’oligarchie ne veut pas entendre.
    Il faut se rendre à l’évidence, l’étiquette ni gauche ni droite du méprisant n’est qu’une ultime tentative de rafistolage, tôt ou tard tout cela va imploser en plein vol et nous serons les victimes.
    Salutations républicaines

  3. Bernadette

    C’est tout simplement le front populaire.

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