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La prime qui ne soignera pas les EHPAD

S’il fallait encore une fois une illustration de la gouvernance actuelle de la France elle vient d’être fournie par les déclarations de la ministre de la Santé, Agnès Buzyn. Elle annonce qu’elle octroie au nom des EHPAG employeurs une prime pour les aides-soignants. Cette décision surprise arrive après les primes accordées en faveur des forces de l’ordre soumises aux « pressions jaunes » que l’on connaîtet aux fonctionnaires des impôts surchargés de travail par la mise en place de la retenue à la source. Le tarif semble être standardisé : 200 € ! Il semble que cette générosité ponctuelle se généralise… afin de tenter de désamorcer les contestations éventuelles pouvant renaître au printemps 2019. C’est l’entrée dans un monde où les rapports sociaux reposent sur l’argent ponctuellement accordé.
La situation des EHPAD publics ne peut malheureusement pas se limiter à cet libéralité non financée octroyée à une catégorie des personnels qui y œuvrent. L’Etat par la voix ministérielle décide d’une mesure applicable dans des établissements où les budgets sont bouclés pour 2019 sur la base d’accords globaux passés avec les autorités de tutelle qui en financent le fonctionnement. Il y en a deux : l’Agence régionale de santé (ARS) et le conseil départemental. Des systèmes d’une impressionnante complexité existent en effet pour évaluer les credits alloués et bien des établissements sont en équilibre financier très précaire voire déficitaire. Il manque surtout de personnel qu’ils ne truvent pas ou qu’ils n’ont pas les moeyens de payer faute de crédits. Les soins (frais de personnels médicaux, achat de produits pharmaceutiques de base, matériel des EHPAD) sont entièrement assurés par l’assurance maladie via une prise en charge versée directement aux établissements par l’ARS Les frais médicaux personnels des résidents dépendent du statut des établissements. Dans le public, ils n’ont pas à avancer les frais courants mais les visites de leur médecin traitant, les dentistes, les visites chez les spécialistes peuvent donner lieu à paiements. Dans d’autres EHPAD privés, ils continuent de s’acquitter de leurs frais personnels, à charge pour eux de se faire ensuite rembourser par la sécurité sociale et leur mutuelle. On trouve ensuite le coût dit de la « dépendance » (aide à l’habillage, à la toilette, aux repas) qui est en partie financé par le Conseil départemental. Le reste est à la charge du résident, en fonction de ses revenus, avec une part incompressible. Enfin le coût de l’hébergement est à la charge du résident ou de sa famille qui peut bénéficier selon sa situation d’une aide sociale du département.
La facture globale est élevée. Le prix médian en France d’un hébergement permanent en chambre seule était en 2017 de 1 949 euros par mois, hors aides publiques, avec des écarts de prix très importants selon les types de structures et selon les départements qui dispensent l’Aide personnalisée d’autonomie (APA) dont le montant dépend des revenus de la personne et de son degré d’autonomie, mais aussi éventuellement par les aides au logement et par l’aide sociale à l’hébergement, versée par le département. Il faut, cela dit, pour cela, résider dans un établissement habilité à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale qui sont de moins en moins nombreux malheureusement.
L’annonce de Mme Buzyn repose sur un constat : « la pénibilité dans ce travail (…) doit être reconnue » et « il y a vraiment une difficulté particulière » pour cette profession. Elle n’a pas précisé ni le montant, ni le calendrier de cette mesure, expliquant qu’elle allait « y travailler avec les partenaires sociaux » et qu’elle aurait « des annonces à faire durant l’année ». Au bout se posera quoi qu’il advienne le problème des moyens… avec des budgets ARS bloqués ou en retrait. Quid des aides soignant(e)s dans les services de gériatrie des hôpitaux publics ? Que feront les EHPAD associatifs ou privés dans lequel les critères de cette attribution sont identiques que dans le public ? Tout devient possible en une semaine… mais sans durabilité dans les prises de conscience.
Il reste sous le tapis les vrais problèmes qui ne cessent de devenir toujours plus préoccupants : le décalage entre le montant des pensions touchées par des gens ayant travaillé toute leur vie et le coût mensuel de l’EHPAD ainsi que le manque de places disponibles à un tarif abordable. Les départements jugés pourtant inutiles alors que ce sont les seuls qui tentent de rattraper ces inégalités sociales voient leurs dépenses liées à l’hébergement des personnes âgées s’envoler. Le fameux cinquième risque qui serait celui de la dépendance n’apparaît plus dans les préoccupations de l’État. Le maintien à domicile atteint ses limites face aux contraintes médicales de maladies dégénératives de plus en plus nombreuses compte-tenu de l’allongement de la durée de vie. La prime n’est pas en cause mais ce qui est certain c’est qu’elle ne diminuera pas les difficultés actuelles des EHPAD publics et de celles et ceux qui voudraient y accéder ainsi que des services d’aide à domicile très en difficulté sur le terrain.

Cet article a 6 commentaires

  1. Philippe LABANSAT

    D’où, selon moi, l’importance de l’euthanasie active quand on a pas envie de passer plusieurs années à croupir dans sa m. (malgré toute la bonne volonté des soignants) et que l’on ne veut pas redonner aux EHPAD (et à ceux qui spéculent dessus) le fruit du travail de toute une vie au détriment de ses enfants…

    1. Bernadette

      Oh oui mais comment faire pour cela ?

    2. J.J.

      Ce n’est pas une décision que l’on peut prendre de gaité de cœur, mais à envisager certainement.
      Peu de chance qu’elle soit acceptée, les irréductibles fanatiques d’un prétendu caractère sacré de la vie (quand ça les arrange) y mettraient probablement leur veto.
      20 Nivôse 227

      1. faconjf

        Les irréductibles fanatiques investissent AUSSI dans les EHPAD privés, ici la BONNE morale rejoint les intérêts personnels.
        JE VEUX POUVOIR MOURIR DANS LA DIGNITÉ !

  2. Alain. E

    Tout à fait d’ accord avec ce billet et les commentaires , pour côtoyer des personnes âgées , plus que la mobilité et les problèmes physiques déjà problématiques , ce sont tous les troubles d’ ordres psychiques qui posent énormément de problèmes .
    donc, je serais partisan de pouvoir en pleine conscience faire part de mon désir d’ euthanasie avant d’ être complètement débile , et éviter d’ aller en suisse , ou en Belgique pour un aller simple vers l’ au delà. ( même si je préfère le vin d’ ici à l’ eau delà) .
    Je n’ ai pas été une charge pour mes parents , et je ferais tout pour ne pas en être une pour mes enfants .
    Je ne ferais pas comme la sécurité sociale , j’ éviterais le reste à charge pour la famille d’ une façon ou d’ une autre .

  3. Bernadette

    Le droit de choisir ma fin de vie pour faciliter la vie des jeunes et de leur famille. Il est hors de question que je vende ma maison pour payer la maison de retraite à mes parents. J’ai durement travailler pour faire l’acquisition d’un bien immobilier que j’ai déjà transmis à mon héritier qui est mon enfant.
    Ne pas toucher à ce bien immobilier pour engraisser les grosses fortunes.
    Trop dure la vie

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