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La fracture a été aggravée par le grand débat

La France retient son souffle (enfin presque) : que va-t-il ressortir des multiples réunions du Grand débat? Si l’on en croît l’organisateur en chef de ces réunions, Sébastien Lecornu? les annonces sont déjà en voie de finalisation. Parmi les thèmes qui ont émergé, dit-il, « il y a bien sûr la fiscalité, la démocratie, la transition écologique, la revalorisation de ceux qui travaillent, l’organisation des services publics » mais « il y aura des surprises pour ceux qui pensaient que le débat allait être corseté« , d’après lui. « D’autres thèmes ont émergé » comme « la lutte contre la spéculation, contre les inégalités salariales, l’immigration, la revalorisation du métier d’enseignant ou encore l’accès aux soins ». Bref les sujets il faut déjà noter que n’auraient pas été vraiment discutés ceux du « pouvoir d’achat » de la « mobilité » ou de « la raréfaction des services publics ». Or ce sont les trois causes essentielles de la montée de la « fièvre jaune » à travers le pays. Ces trois sujets constituent en effet les préoccupations essentielles des rurbains ou des ruraux ayant lancé le mouvement. Mais comme le nombre et la sociologie des participant(e)s à ces moments de dialogue montés par les maires (60 % des rencontres) n’est pas en adéquation avec les enjeux on arrive à des résultats déconnectés de la demande sociale toujours présente mais silencieuse.

Dans le quotidien Sud-Ouest (1) un excellent entretien avec le politologue Jérôme Fourquet analyste pour la Fondation Jean-Jaurès du phénomène bordelais il est possible de constater que les causes du malaise social ne sont pas (et donc ne seront pas ) traitées dans le cadre des réponses en marche. D’abord les racines se situent dans l’urbanisation des trente dernières années où le prix des terrains à bâtir ont contraint des familles à s’éloigner toujours plus de leur lieu de travail. Les dépenses incontournables (achat de deux véhicules, assurances, scolarité des enfants, loisirs, achats…) pour assumer tous les déplacements que nécessitent l’étalement des constructions dans des lieux dénués de tous services de proximité ne disparaîtront pas du jour au lendemain. Bien évidemment ces gens là n’ont absolument pas participé aux Grand débat.

Les records d’affluence ont été établies dans les grandes villes ou dans le périurbain et donc les thèmes soulevés sont souvent très intellectualisés ou très éloignés du quotidien de ces forçats du trajet domicile-travail. D’ailleurs dans son étude Jérome Fourquet confirme à travers le cas d’école bordelais. « Moins les gens avaient d’argent, plus ils ont dû s’éloigner de Bordeaux pour acheter une maison devenant ultra-dépendant des voitures, de l’essence » et donc ce constat amène à la certitude que les gens concernés n’ont pas participé au Grand Débat… car les sujets évoqués ne leur parlent pas ! « Un double phénomène. Viennent y (les zones périurbaines éloignées) habiter des personnes qui ne peuvent plus économiquement se loger à Bordeaux, mais aussi beaucoup des 20 000 nouveaux habitants qui arrivent chaque année en Gironde, aimantés par Bordeaux. Dans les troisième et quatrième couronnes de Bordeaux, là où sont nés les gros foyers de gilets jaunes, les familles les plus modestes refoulées de l’agglomération s’ajoutent aux habitants déjà là et souvent pauvres. S’y concentrent désormais deux couches de populations qui n’y arrivent plus ! ».

Ce double sentiment d’être abandonné et d’être déclassé ne disparaîtra pas. « Il y a surtout des métiers surreprésentés les caristes, chauffeurs routiers, hôtesses de caisse, des métiers de la logistique et de la grande distribution peu rémunérateurs. Et toutes ces femmes seules avec enfants qui ne touchent jamais les pensions alimentaires auxquelles elles auraient droit. Il y a trente ou quarante ans, dans la France Fordiste, les ouvriers étaient en capacité de s’arrimer à la classe moyenne et de participer à la consommation. Ils pouvaient s’acheter la maison, la voiture neuve et partir en vacances. » explique Jérôme Fourquet. Ces gilets jaunes ne sont plus présents. Ils sont rentrés dans leur coquille pour beaucoup d’entre eux et ce ne sont pas leurs préoccupations de ceux qui se sont exprimés lors des réunions urbaines.

A Sadirac, lors du quatrième volet des débats proposés par la municipalité je connaissais pas mal des présents. Il semble qu’il y avait au moins un consensus : «  si les gilets jaunes n’avaient pas lancé leur mouvement je ne serais pas là » a affirmé une dame au RSA depuis des années… mais elle n’attendait probablement pas grand chose des propositions faites par des participant(e)s très éloignés de sa situation. Anciens cadres, ancien professeur d ‘université, citoyens(nes) engagés politiquement depuis belle lurette…et quelques marcheurs discrets ont apporté des idées intéressantes pour tenter de ranimer la démocratie représentative qui, selon un constat maintes fois répété est « en panne » ou considérée au plan national comme « « inutile » ou « trop onéreuse » ou « trop protocolaire ». On sent bien venir la porte de sortie de ce débat national : un référendum avec trois ou quatre questions ne coûtant rien (suppression de postes de sénateurs (trices) ou de députés; dose de proportionnelle pour sauver les cadres politiques en danger ; relance d’une consultation nationale allégée ; limitation des mandats; la prise en cause du vote blanc) et concernant surtout les élus(es). Pour le reste je reprendrai la réponse habituelle du Président : « c’est à voir ! On va voir! On verra ! »

(1) Sud Ouest entretien réalisé par catherine Debray 8 mars 2019

Cet article a 8 commentaires

  1. J.J.

     » il est possible de constater que les causes du malaise social ne sont pas (et donc ne seront pas ) traitées dans le cadre des réponses en marche »(arrière ou en crabe ?).

    Ça, c’était couru d’avance, pas besoin de Madame Irma pour prévoir une réponse à la hauteur des virtuoses de la carabistouille, dignes élèves de leurs maîtres en « restriction mentale » et « casuistique »…

    – « Je vous ai compris! »
    – « Moi non plus. »
    20 ventôse 226

  2. faconjf

    Bonjour,
    le grand blabla, tel que surnommé par les GJ, qui y a participé ? « D’après une enquête du Parisien, plus on est diplômé, plus on a des revenus élevés et plus on a participé au grand débat, surtout sur internet ». « Les absents du grand débat sont les Français de la France périphérique, celle qui vote pour les extrêmes ou qui ne vote plus du tout ». Nadia Bellaoui, l’une des cinq garants du « grand débat » déclare « Incontestablement, il y a une surreprésentation des retraités, une sous-représentation des jeunes et une surreprésentation des catégories sociales plus habituées à ce type d’exercice ». Le constat est fait, reste l’atterrissage de la trapanelle gouvernementale où l’équipage serre les fesses bien avant la descente. Le Premier ministre Edouard Philippe a évoqué un « risque déceptif important ». Une position relayée par d’autres ministres. « On n’a pas de baguette magique », a dit Brune Poirson sur LCI.
    Le bilan: il y a eu près d’un million et demi de contributions, 16.000 cahiers dans les mairies. On aura au final compté près de 10.000 réunions en 2 mois, ça fait environ 1 réunion pour 3 communes. On dénombre 36.000 communes dans notre pays. Ce n’est pas rien, mais on ne peut pas dire qu’il y a eu une affluence dingue. Ce n’est pas ce qu’on appelle un raz de marée citoyen.
    Il faut répondre aussi à tous ceux – très nombreux – qui sont restés éloignés de cette consultation. Comment répondre en fait à cette France fragmentée, que décrit Jérôme Fourquet.
    On voit bien qu’il y a de l’embarras à l’Élysée. Le méprisant a demandé à ses ministres : « Trouvez-moi des idées rock’n’roll ».Le chef de l’État a promis de répondre le 15 avril. Pour l’instant, il joue les prolongations, il cherche la sortie. Il est un peu comme dans un exercice des Jeux Olympiques. Comme au cheval d’arçon, où après avoir exécuté plusieurs figures, il doit sortir droit, et propre. Sinon le jury ne lui fera pas de cadeau. Et ce jury-là, ce sont les français.
    Salutations républicaines

  3. Philippe LABANSAT

    Le malentendu de départ : l’attente n’est certainement pas que notre despote (non éclairé) et ses technocrates, fassent le tri entre des « demandes » de la plèbe.
    Non, la demande de fond, on a beau tourner autour sans l’évoquer, c’est la démocratie. Autrement dit, que le peuple décide lui-même de ses priorités.
    L’attente principale est de tourner la page de la Vème, de son bonapartisme moisi et d’entrer enfin en démocratie…

    1. Bernadette

      Bonsoir Philippe,
      Le Référendum d’initiative Citoyenne serait selon moi une bonne chose.
      Quoi penser ?
      Bonne fin de journée
      Au plaisir de te lire

  4. faconjf

    Un petit tour par ici :
    http://www.syndicat-magistrature.org/Non-maintenir-enfermes-des-innocents-n-est-pas-classique.html
    Extrait : « Demander à des magistrats de maintenir ces personnes dans les geôles des commissariats de police pendant plusieurs heures après la fin de l’enquête, voire pour la nuit, alors qu’il est acquis que rien ne sera retenu contre elles et qu’elles seront libérées au final sans aucune suite n’est pas « classique ». Il s’agit au contraire d’une dérive inquiétante de la part d’une autorité judiciaire qui est pourtant, au terme de la Constitution, la gardienne de la liberté individuelle. » …  » « la Commissaire ( aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe ) s’inquiète des interpellations et placements en garde à vue de personnes souhaitant se rendre à une manifestation sans qu’aucune infraction ne soit finalement caractérisée et ni aucune poursuite engagée à l’issue de ces gardes à vue. Elle estime que de telles pratiques constituent de graves ingérences dans l’exercice des libertés d’aller et venir, de réunion et d’expression et invite les autorités à respecter scrupuleusement l’obligation de s’assurer que toute restriction soit strictement nécessaire et à ne pas utiliser ces procédures comme des outils préventifs de maintien de l’ordre ». »
    Plusieurs instances internationales, reconnues comme indépendantes, ainsi que plusieurs ONG, sermonnent le gouvernement français sur sa gestion de cette crise : pas grave, ils ont tous tort, et, macron, accompagné de sa meute d’éditocrates, a toujours raison.
    Le grand débat ne peut pas effacer les souffrances endurées, ni les injustices causées par les forces du maintien de l’ordre ( lequel?) couvertes en haut lieu.
    « La nation n’a pas de rancune, mais elle a de la mémoire. » Benjamin Constant

    1. Christian Coulais

      Quelques clefs de compréhension… par Jean-Claude Paye, sociologue.
      « La question de la représentation est devenue centrale dans le discours des gilets jaunes, alors qu’au départ, seules des revendications salariales, la défense du pouvoir d’achat, (« pouvoir remplir le frigo ») étaient émises par les manifestants. Le Référendum d’Initiative Citoyenne s’est progressivement imposé à travers les médias. Ainsi, le pouvoir est parvenu à occulter les priorités des manifestants, en faisant de la représentation la condition pour pouvoir entendre leurs voix.

      S’opère ainsi une opération de déplacement, de la lutte salariale à une demande de réforme de légitimation du pouvoir. Le déplacement, en ce qui concerne la nature des revendications, permet un renversement de celles-ci en leur contraire. Elle permute une lutte sur le salaire, une lutte politique qui s’attaque directement aux nouveaux mécanismes d’exploitation, en une revendication de réforme de l’État qui, en ouvrant la possibilité à un renforcement du pouvoir, vide le caractère de contestation sociale du mouvement. » Lire la suite…

      https://www.legrandsoir.info/gilets-jaunes-le-ric-ou-la-parabole-des-aveugles.html

  5. Bernadette

    Les politiques ont depassé les bornes. Il y a beaucoup de chemins à parcourir. Que ça soit Macron, Marine ou La Meluche c’est le grand vide. Il n’y a rien de positif.
    La 1ere demande des GJ a été de baisser les taxes sur le carburant. A ce jour les GJ n’ont pas eu de réponses et tout le monde paye sans rien dire parce qu’il ne faut rien dire.
    Je dirai que les politiques sont des groupes de pression qui se moquent éperdument des plus pauvres.

    1. Bernadette

      Par qui habitante du nord libournais terrienne de Bordeaux simple et Bordeaux Sup selon la déclaration suis représentée ?.

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