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Feu le choeur séculaire de Paris !

Paris a été frappée en plein « chœur » ! Le monde entier a eu, durant des heures, les yeux rivés sur la disparition dans les flammes de l’un des plus grands livres d’Histoire de l’Humanité. Le vaisseau séculaire de pierre et de bois a sombré sous la virulence des flammes dans un impressionnant fracas médiatique. Les hommes quels que soient leur pouvoir spirituel ou temporel ont démontré leur impuissance par rapport à cette agression massive et imprévue se moquant de toutes les précautions ayant été élaborées dans les textes et les règlements en vigueur. Sa construction commencée s’étend sur plus de deux siècles, de 1163 au milieu du XIV° siècle. ! Il aura fallu moins d’une vingtaine d’heures pour annihiler des milliards d’heures de travail de modestes manœuvres mais aussi d’admirables artistes ou d’artisans géniaux plongés au fil du temps dans l’anonymat.

Les bâtisseurs de cathédrales venus du peuple participaient en effet avec talent mais aussi souffrance à l’élévation cultuelle et culturelle des cités médiévales toutes terrorisées par les éventuels ravages du feu. Leur œuvre collective, abri pour les puissants ou parfois pour le Peuple, paraissait immortelle et devait leur survivre. Ils n’en avaient pas conscience puisque la durée de la construction dépassait largement celle de leur vie. Ils construisaient le plus haut possible, le plus beau qu’il soit pour que d’autres puissent faire rêver d’éternité qu’en eux abrégeaient leur passage sur terre par l’exigence de leur travaux.

Le bûcher de Notre-Dame de Paris a emporté dans ses flammes cette mémoire collective tellement précieuse dans notre société de l’éphémère. Il a détruit des pans entiers de cette France réputée immortelle puisque ayant survécu aux spasmes révolutionnaires, aux guerres picrocholines ou mondiales, aux aléas climatiques. « Non, nous ne dissimulerons pas cette émotion profonde et sacrée. Il y a là des minutes, nous le sentons tous, qui dépassent chacune de nos pauvres vies. 5…) » Ces paroles du général de Gaulle prononcées à quelques centaine de mètres de là résonnent particulièrement au moment où la flèche défiant le ciel s’effondrait en silence sur les écrans des télévisions. Il avait ajouté : (…) au sujet de cette libération de Paris ayant évité que justement ses principaux monuments soient détruits par un occupant impitoyable : « (…) avec l’appui et le concours de la France tout entière : c’est-à-dire de la France qui se bat. C’est-à-dire de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle. » Il faudra probablement s’en souvenir dans les prochaines années voire les prochaines décennies car l’œuvre de reconstruction mobilisera probablement deux ou trois générations. Il est certain que ce sera une cause nationale à part entière.

Quasimodo ne se promènera plus pendant quelque temps dans les coursives aériennes du paquebot maintes fois rénovés pour gommer les ravages de l’ère moderne. Les gargouilles destinées à éloigner par leurs horribles allures les démons, ne cracheront plus durant quelques décennies l’eau du ciel après avoir dégueulé à en mourir étouffées celle venue des sapeurs-pompiers défiant l’enfer du haut de leurs plates-formes avec des jets dérisoires. Le jour de Pâques Paris n’aura pas droit au « vol » sonore du bourdon puisque ses vibrations aggraveraient la fragilité des carcasses noircies encore debout. Il risque bien d’être muet comme les autres cloches durant une période supérieure à celle de leur traditionnel « voyage » à Rome. Rien ne sera pire que ce silence pesant ressemblant à celui qui succède à la crémation d’un mortel ordinaire. Il aurait d’ailleurs été préférable que inénarrable président des États-Unis se mette à la diète des tweets respectant ainsi le deuil culturel qui s’impose après une telle disparition. Mais ça aurait été vraiment rêver quand la triste réalité se répandait sur la planète.

Les cathédrales, biens publics, n’appartiennent pas à la seule religion catholique car elles sont les filles d’architectes et sont nées des mains de maçons, de tailleurs de pierres, de sculpteurs, de charpentiers… heureux de donner du sens à leur métier. Le défi consistera à en trouver d’autres qui prouveront que la France a maintenu le savoir-faire de ces hommes qui voulaient tutoyer le ciel. C’est à ces derniers que je pense devant ces images effrayantes d’un brasier ressemblant à un gigantesque dragon doté d’un appétit gargantuesque. « L’architecture est le grand livre de l’humanité, l’expression principale de l’homme à divers états de développement, soit force soit comme intelligence. » Désormais on sait que Victor Hugo avait raison ! C’est trop tard… et c’est désolant.

Cette publication a un commentaire

  1. J.J.

    « Les cathédrales, biens publics, n’appartiennent pas à la seule religion catholique car elles sont les filles d’architectes et sont nées des mains de maçons, de tailleurs de pierres, de sculpteurs, de charpentiers… VRAI !
    ….mais aussi de celles du petit peuple anonyme, de son labeur, ses corvées, ses impôts (déjà?), sa sueur et son sang…
    Bien sûr , j’ai été très affecté par ce spectacle d’épouvante : j’ai ouvert la télé au moment où était transmis en direct l’écroulement de la flèche, j’ai cru un court instant à un montage de fiction, comme le 11 septembre….
    Heureusement pas de victimes ! Un pompier blessé, c’est déjà trop.

    Mais j’ai été encore plus ému en regardant sur Arte, le reportage sur les ventes d’armes et le Yémen, où l’on a pu « admirer »à l’œuvre les fleurons de notre technologie, canons « César » et autres « Leclerc », l’hypocrisie des nations impliquées et surtout l’état de la population martyre.

    Ceci ne peut faire oublier cela. Je ne saurais dire mon malaise et ma révolte.

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