You are currently viewing Le vieil homme et la fête commune

Le vieil homme et la fête commune

Le vieil homme arrive, pas à pas, du bout de l’allée principale du parking avec sa canne et son béret… Des haltes sont nécessaires pour refaire le plein d’énergie. A l’entrée de la fête de l’Humanité sur le site de Courréjean à Villenave d’Ornon il reste un long moment appuyé contre les barrières de sécurité. Il prend son temps pour entrer. Il regarde étonné passer ces jeunes couples avec la poussette et leur enfant et il guette dans le regard des retraité(e)s porteurs d’un badge commun s’il ne reconnaît pas un vieux camarade de route. Pour rien au monde et malgré les efforts que cela représente il ne manquerait ce rendez-vous surtout que le soleil est là. C’est son élixir de jouvence, sa journée mémorielle, son pèlerinage annuel dont il n’imagine pas un seul instant se passer. Dans le fond cette fidélité hors du temps et peu habituelle en une époque où l’on zigzague sous le feu des critiques décochées à l’égard de celles et ceux qui sont attachés à des valeurs, illustre bien mieux que tous les discours, ce que l’engagement politique porté par Ian Brossard, candidat communiste aux élections européennes : « L’humain d’abord »

Ce vénérable visiteur , discret mais pugnace a probablement traversé l’Histoire de France avec en mains, un drapeau rouge frappé de la faucille et du marteau avant de voir les symboles du travail s’effacer pour un plus moderne PCF en lettres jaune d’or. Il n’a jamais faibli dans sa volonté de partager collectivement des luttes utiles aux autres et il souhaite donner l’exemple de la solidité dans son engagement communiste. Le grand vide qui s’ouvre devant lui semble l’effrayer puisque les tentes blanches où l’attendent les références à ce parti dont il ne se séparera jamais, se dressent à distance respectable de l’entrée où se presse la foule. Lentement, pas à pas, le «papi» solitaire se dirige vers la halte la plus proche, celle où l’on sert du champagne…

Il observe ces « camarades » et leurs invités qui trinquent sans trop se soucier des références portées par ces flûtes où s’évanouissent des bulles autrefois qualifiées de bourgeoises et au pire de capitalistes. D’ailleurs les « vétérans » du parti offrent, pour leur part, sur une table posée sur des tréteaux, dressée devant la grande salle du meeting, un apéro « jaune » plus conforme à la franche camaraderie. Un moment de partage que bien d’autres rencontres de ce type ont oublié alors que dans le fond il revigore, requinque car il ramène à l’essence même de ce que fut le qualificatif de « camarade ».

Oubliées les querelles au sommet actuelles, estompées les affrontements verbaux d’antan, effacées les traces laissées sur des chemins différents : le plaisir est aux retrouvailles, aux échanges sur l’air du temps politique ou à l’évocation des parcours solidaires. Paul* s’est assis sur l’une des chaises blanches de jardin promises à celles et ceux pour qui les valeurs ont résisté au nombre des années. Certain(e)s viennent le saluer et s’enquièrent surtout de sa santé. Il partira avant les autres vers les tablées où seront servies plus de 700 paellas avec une célérité exemplaire.

La « fête de l’Humanité girondine » s’anime peu à peu. Elle va mettre du temps à se réveiller de sa léthargie matinale. Le soleil revenu contribue à ce sursaut joyeux. Plus de scènes de concert comme autrefois mais le son nasillard des hauts-parleurs distillant des informations pratiques sur les conférences ou les stands renforce la nostalgie du « bon vieux temps », celui auquel « Dédé » songe probablement quand la foule allait de stand en stand, quand la fumée des grillades montaient vers le ciel bleu, quand les débats faisaient rage ou quand les meetings de clôture rassemblaient des milliers de militant(e)s venus chercher des graines d’espoir de lendemains qui chantent à semer au bureau, à l’usine, à l’université, à l’école ou sur le chantier.

Ian Brossard qui pourrait être le petit-fils de ce vieux de la vieille va se charger de jouer le rôle du semeur sans avoir la moindre certitude sur l’ampleur de la récolte. Happé par les fans du selfie, souriant, recevant avec un brin de gêne les compliments de ces fidèles parmi les fidèles, allant saluer les derniers convives entrain de refaire un monde meilleur, il ne verra pas Dédé qui est reparti pas après pas, vers la sortie. Il en a assez entendu et assez vu. Son regard se perd un peu dans le vague. Il ne comprend pas comment ce temps qui passe n’a pas réussi à entamer ses convictions alors qu’il a détruit celles de tant de gens. Sa canne le soutient. Le camarade s’accorde des pauses et se retourne pour vérifier qu’il a bel et bien vu la vérité. Il attend appuyé aux barrières que l’on vienne le chercher. Sa fille doit passer. Elle, le rendez-vous n’a pas l’heur de lui plaire. Signe des temps.

La fête de « l’humain d’abord » se poursuit. Elle porte quoi que l’on en dise un message d’espoir fondé sur des valeurs que l’on croit démodées ou oubliées . Elle me réconforte. Elle me réjouit. Elle me rajeunit. Elle m’inquiète… aussi !

  • Son prénom a été volontairement changé

Cet article a 2 commentaires

  1. J.J.

    Très émouvant ce texte dans lequel certains se reconnaissent certainement un peu…

Laisser un commentaire