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Entre deux mers se trouve la terre des créateurs (3)

Dans la terre les hommes ont depuis des siècles, déniché des filons « d’or bleu ou ocre ». A Sadirac l’argile grasse extraite du sol gris-bleu a permis à des générations de vivre à la fortune du pot ! Dans le musée de la poterie et de la céramique (1) on y retrace l’épopée des accoucheurs d’ustensiles du quotidien d’antan ou on y trouve en exposition temporaire des productions sophistiquées esthétiquement ou techniquement et toutes fruits de l’alchimie féconde de l’eau, de l’argile et du feu.

Terre fière des cruches et plus réservée sur sa fabrication massive de moules coniques inversés pour le transport des pains de sucre matière essentielle du commerce triangulaire peu glorieux du XVIII° siècle, Sadirac a conservé des vestiges de cette activité qui fit sa renommée avec des fours monumentaux, des gisements de poteries plus ou moins brisées, des carrières abandonnées.

Un seul authentique potier, André Duverneuil (2), génie du travail de la terre, poursuit les activités traditionnelles dans un atelier où poussent entre autres trouvailles les épis de faîtage ou les tuyaux pour cheminées capricieuses. « Dédé », artisan exceptionnel, inventeur autodidacte, philosophe décapant est le seul survivant d’une tradition portée par des familles entières et des ouvriers d’un talent méconnu. Homme de la terre, il a plus d’un tour dans son sac à malices techniques. Il sait caresser avec une douceur extrême mais une maîtrise désarmante une motte de cette argile particulière pour la conduire avec une impressionnante facilité vers un destin fabuleux qu’elle n’oserait pas imaginer en se posant sur la plaque tournante de sa naissance.

Il y a quelque chose d’éternel dans les gestes de ce petit bonhomme inséparable de son béret qui sont à l’origine de ce monde où tout est né de la terre. Comme l’Entre-Deux-Mers, Dédé se veut secret et ne s’ouvre que parcimonieusement vers les autres sauf si ces derniers méritent sa confiance. Il confectionne avec dextérité et mais surtout une désarmante facilité, sous l’œil ébahi des visiteurs, des volumes de toutes formes et de toutes tailles. Impossible n’existe pas pour le magicien de la poterie.

Pas loin de chez lui dans le village de Lorient se sont installés des céramistes d’art dont le porte-drapeau est lui-aussi un enfant du pays, Jean-François Bourlard. Le style change, les matières et les couleurs aussi mais il reste cette constance dans la volonté inaltérable de créer ! L’originalité de ses réalisations lui permet de connaître les plus grandes galeries d’art quand « Dédé » se contente de parer des toits vieillissants ayant besoin d’une cure de jouvence ou de cheminées refusant de donner au feu sa pleine mesure.

Quand ils enfournent leurs œuvres séchées tous deux ont en commun l’appréhension d’être trahis par la modulation de la chaleur susceptible de briser leurs rêves initiaux. Il existe toujours un risque et une vraie part de hasard dans une cuisson longue à préparer en raison des contraintes de la circulation de l’air chaud et même du feu entre les pièces surtout si le feu est alimenté par du bois. Le potier sait que malgré toutes les études minutieuses et son expérience les flammes peuvent être infidèles. Tout se règle à l’intuition avec le seul amour du travail bien fait.

Tous deux, malgré leur écart générationnel, n’aiment pas ce qui est plat et sans relief. Ce n’est pas le cas des fabricants de carreaux de Gironde (pas le département mais la ville) installés sur les rives du Dropt. Eux-aussi exploitent cette filière de la terre d’Entre-Deux-Mers. Les moules permettent une forme identique mais surtout pas une couleur finale parfaitement homogène.

Dans la chaleur de l’été, marcher pieds nus sur un carrelage de Gironde ayant résisté à l’usure des siècles, reste un privilège des occupants des demeures ancestrales. Bien qu’industrialisée, comme celle des tuiles ou des briques, cette fabrication a du mal à tenir face à la concurrence des produits réputés plus fiables et plus homogènes. Paradoxalement ces carreaux qui furent ordinaires et négligés par rapport à la faïence ou la céramique entrent désormais dans les matériaux de luxe réservés aux connaisseurs des bienfaits du rapport que l’Homme doit entretenir avec la terre. (à suivre)

  • Maison de la Poterie de Sadirac Place Fouragnan, 33670 Sadirac Téléphone : 05 56 30 60 03 www.maisondela poterie.fr
  • André Duverneuil 19, route de Lorient 33670-Sadirac 05 56 30 65 70

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